M. Alain Fouché attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la question de l'achat d'un fonds rural démembré et sur l'insécurité juridique qui en découle.
La pratique du démembrement d'une propriété exploitée par un fermier s'est beaucoup développée ces dernières années. Elle vise à contourner le droit de préemption dont bénéficie le fermier exploitant une terre mise en vente.
Des esprits ingénieux ont depuis longtemps cherché mille astuces et montages juridiques permettant de contourner les divers droits de préemption ou de bénéficier de tel ou tel avantage fiscal ou social. Les plus anciens se souviennent ainsi de l'époque où, curieusement, de nombreux acquéreurs de terres s'engageaient à fournir des soins aux vendeurs, ou encore de la technique des apports en société suivis d'une cessation de part sociales à un voisin soucieux de s'agrandir. De telles pratiques ont depuis toujours eu cours.
Aujourd'hui, la nouvelle « mode » visant à contourner le droit de préemption du fermier sur les terres qu'il exploite est la suivante : l'acheteur acquiert la nue-propriété des terres en son nom propre (ou au travers d'un groupement foncier agricole), l‘usufruit étant cédé à une société d'exploitation (SCEA, GAEC, EARL…) contrôlée par la même personne, ou à un proche membre de sa famille (l'un de ses enfants par exemple).
Les conséquences de cette pratique du démembrement sont graves.
En effet, elle crée avant tout une situation de grande précarité pour le fermier dont l'outil de travail risque de lui être enlevé du jour au lendemain. Elle entraîne également une forte insécurité juridique pour l'acquéreur qui s'y risque, ce dernier pouvant être poursuivi pour opération frauduleuse ou être exposé à l'arme de l'abus de droit que l'administration fiscale pourrait brandir contre lui.
Cette situation est donc préjudiciable à tous et nécessite une clarification de la part du Gouvernement.
Il demande donc quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Pour assurer la stabilité de l'exploitant, le statut du fermage accorde au fermier en place un droit de préemption, lui permettant d'acquérir le fonds loué en priorité, en cas d'aliénation à titre onéreux du bien rural, y compris en cas de démembrement de propriété. Toutefois, si l'acquéreur du fonds rural démembré est lui même nu-propriétaire du bien vendu en usufruit ou usufruitier du bien vendu en nue-propriété, le statut du fermage n'est pas applicable et il est fait échec au droit de préemption du fermier en place (article L. 412-2 du code rural et de la pêche maritime). En outre, le recours au démembrement de propriété est une possibilité offerte aux usagers par les règles du code civil mais ne peut constituer un droit absolu. En effet, les pratiques individuelles qui consisteraient uniquement à contourner l'application du statut du fermage relèvent de la fraude. Ainsi, les tribunaux paritaires des baux ruraux sont seuls compétents pour apprécier le caractère frauduleux d'un tel montage, notamment en cas de cession d'usufruit temporaire. De la même manière, l'usage du bail à nourriture ou de l'apport de foncier en société est soumis au contrôle du juge qui dispose, en cas de fraude caractérisée, d'un pouvoir de requalification de la convention en bail rural. Un changement de l'état actuel du dispositif nécessiterait une modification législative et une consultation préalable des acteurs concernés.
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