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Mme Leila Aïchi attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les failles du droit maritime, récemment illustrées par la possibilité de voir la Cour de cassation casser sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire de l'« Erika », conformément à l'avis de l'avocat général. Concrètement, une telle décision mettrait à néant la condamnation du groupe Total, au motif que le navire, naviguant sous pavillon étranger, se trouvait au moment du naufrage hors des eaux territoriales françaises.
Si la Cour de cassation jugeait, le 24 mai 2012, que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître des conséquences du naufrage, cette décision, à la supposer fondée en droit, poserait de sérieux problèmes quant à la protection de notre littoral. Elle mettrait en lumière les faiblesses de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) dite de Montego Bay (signée le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur pour la France le 16 novembre 1996).
En effet, l'article 92 de ce texte stipule que : « Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul État et sont soumis, sauf dans les cas exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou par la Convention, à sa juridiction exclusive en haute mer. » Or, l' « Erika » était immatriculé à Malte, ce qui aurait pour effet de rendre les juridictions maltaises seules compétentes pour connaître des infractions commises à l'occasion de ce naufrage et pour en indemniser les victimes. Cela pose une nouvelle fois la question des pavillons de complaisance.
Par ailleurs, peut-on encore dans le transport maritime moderne, avec ses super-tankers contenant plus de 300.000 tonnes de pétrole, s'en tenir aux principes du droit de la mer élaborés par Hugo Grotius en 1609, à l'époque de la marine à voile ? Si un navire naviguant en haute mer cause par son naufrage des dommages majeurs et parfois irréversibles au littoral d'un pays voisin, peut-on accepter que les auteurs de ce naufrage bénéficient, du seul fait du pavillon du navire, d'une totale impunité devant les juridictions de ce pays ?
En conséquence, ayant à cœur la notion de préjudice écologique, elle souhaite que la convention de Montego Bay soit amendée pour tenir compte des dommages majeurs causés à l'environnement par les naufrages de navires en haute mer. Elle demande au Gouvernement de bien vouloir lui indiquer comment il entend répondre à ces préoccupations et œuvrer pour une modernisation du droit de la mer, qui concilie la légitime liberté du commerce et de la navigation avec les exigences nouvelles de la protection de l'environnement.
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