Mme Joëlle Garriaud-Maylam attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, sur la nécessité d'une meilleure prise en compte des enjeux de genre dans la programmation budgétaire de l'aide publique au développement (APD).
Elle relève que le rapport sur ce sujet qui vient d'être publié par la Cour des comptes recommande une meilleure hiérarchisation des objectifs de l'APD française.
À la différence de plusieurs autres États européens, la France n'aurait peut-être pas accordé à la lutte contre la pauvreté - objet central des « objectifs du millénaire pour le développement » (OMD) - la priorité que celle-ci aurait dû revêtir face aux autres priorités sectorielles. La Cour des comptes, s'appuyant sur le bilan d'avancement réalisé au printemps 2011 par le conseil de modernisation des politiques publiques (l'instance gouvernementale de conduite de la révision générale des politiques publiques), recommande également l'amélioration des outils de pilotage.
Dans cette double perspective de recentrage sur les OMD et d'amélioration des indicateurs de performance, elle rappelle l'importance d'une réelle prise en compte des femmes dans l'APD, à travers l'adoption d'une budgétisation sensible au genre. Un tel focus se justifierait parce que les femmes (et notamment les jeunes filles) présentent des vulnérabilités spécifiques qui demeurent peu prises en compte par les programmes d'aide, mais aussi parce que celles-ci peuvent être de puissantes agentes de changement dans leurs communautés. Comme l'a souligné le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, « l'investissement dans les adolescentes est précisément le catalyseur dont les pays pauvres ont besoin pour briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté et parvenir à une meilleure répartition des revenus. Cet investissement n'est pas seulement équitable, c'est une décision intelligente au plan économique ».
L'autonomisation des femmes comme levier de développement est désormais à l'agenda de multiples organisations internationales (ONU Femmes, OCDE, etc.), qui ont notamment financé des actions sur « l'intégration de la budgétisation sensible au genre dans l'agenda de l'efficacité de l'aide ». Le Gouvernement français y a accordé une importance croissante depuis plusieurs années, avec notamment la diffusion par le ministère des affaires étrangères et européennes d'un document d'orientation stratégique genre et développement (« DOS-genre »), actuellement en cours d'évaluation.
Elle souhaiterait savoir dans quelle mesure les enjeux de genre pourront être explicitement intégrés à la maquette budgétaire de l'aide publique au développement au sein du projet de loi de finances pour 2013, tant en termes de fléchage de certaines lignes budgétaires que d'intégration d'indicateurs de suivi sexo-spécifiques aux outils de pilotage existants. Elle aimerait également suggérer le lancement d'une consultation entre le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l'économie et des finances, l'Agence française de développement et les parlementaires concernés, afin d'étudier les modalités concrètes de mise en œuvre d'une budgétisation de l'APD sensible au genre.
La promotion des droits des femmes et la lutte contre les inégalités de genre est une des priorités de la politique française de développement. Le document d'orientation stratégique « Genre et développement » adopté en 2007 articule l'action française dans le domaine autour de trois axes d'intervention : 1) le plaidoyer en faveur de la promotion des droits des femmes, 2) le soutien à des actions spécifiques de lutte contre les discriminations, 3) l'intégration transversale du genre dans tous les secteurs de la coopération. L'évaluation de la mise en œuvre du document d'orientation stratégique genre coordonnée par l'Observatoire de la Parité et de l'égalité entre les femmes et les hommes (OPFH) et la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) devra être remise au Ministre chargé du développement et rendue publique en octobre 2012. La prise en compte de la situation particulière des adolescentes et des « jeunes filles » est également au cœur des enjeux de la lutte contre la pauvreté. Pour répondre à ces enjeux, le ministère des Affaires étrangères a créé un groupe de travail multi-acteurs dédié à cette question et a co-parrainé la résolution 66/170 adoptée lors de la 66e session de l'Assemblée générale des Nations-Unies qui instaure le 11 octobre, « Journée internationale des jeunes filles ». Concernant la budgétisation sensible au genre, le ministère des Affaires étrangères déclare son Aide publique au développement (APD) consacrée au genre en utilisant le « marqueur genre » recommandé par le Comité d'aide au développement de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (CAD de l'OCDE). Le rapport « Aide à l'appui de l'égalité hommes-femmes et de l'autonomisation des femmes » publié en février 2012 établit que 30 % de l'APD vise la réduction des inégalités de genre de façon directe ou indirecte. Le ministère des Affaires étrangères s'est également engagé, dans le cadre de l'objectif 3 du Plan d'action interministériel en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, à « intégrer des critères et des indicateurs sexués dans le financement de projets et de programmes de développement ». Les questions relatives à l'intégration d'indicateurs de suivi sexo-spécifique et du fléchage de certaines lignes budgétaires en faveur d'actions spécifiques de lutte contre les inégalités seront l'un des axes de réflexion des concertations qui seront lancées à partir de novembre 2012 pour la réactualisation du document d'orientation stratégique « genre et développement » avec l'Agence française de développement et les différents ministères concernés.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.