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Claude Jeannerot
Question écrite N° 777 au Ministère de l'économie


Assujettissement à la TVA des cessions immobilières réalisées par les établissements publics fonciers locaux

Question soumise le 19 juillet 2012

M. Claude Jeannerot attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'assujettissement des établissements publics fonciers (EPF) locaux à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 portant transposition de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative à la TVA ainsi que la circulaire d'application publiée le 30 décembre 2010 semblent assimiler les EPF locaux aux EPF d'État, lesquels seraient par suite assujettis à la TVA. Or, plusieurs raisons plaident en faveur d'une exclusion des EPF locaux d'un tel dispositif. Tout d'abord, contrairement aux EPF d'État, les EPF locaux n'entrent pas dans le champ concurrentiel des opérateurs privés et remplissent les critères de l'exemption « in house », cette dernière étant une cause exonératoire des directives marchés (CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Braibant, aff. C-324/07). Ensuite, contrairement à ce que prescrit la circulaire d'application précitée, les EPF locaux n'ont pas de compétence en matière d'aménagement des terrains et immeubles entrant dans leur patrimoine conformément à l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme. À cela s'ajoute que les EPF locaux n'agissent que pour le compte de personnes publiques et uniquement dans le cadre de projets d'intérêt public, projets ne générant pas de plus-values immobilières. Enfin, La Cour de justice de l'Union européenne est venue préciser que le nombre et l'ampleur des ventes réalisées, le fait de procéder, antérieurement à la cession, au lotissement du terrain afin d'en tirer un prix global optimisé, la durée sur laquelle s'étendent les ventes ainsi que l'importance des recettes afférentes aux opérations immobilières ne constituaient pas des critères déterminants quant à l'assujettissement à la TVA (CJUE, 15 septembre 2011, Jaroslaw Slaby, aff. C-180-181/10). À l'aune de ces considérations, il souhaiterait savoir quelles mesures il compte prendre afin de remédier au caractère sibyllin du dispositif actuel notamment en précisant expressis verbis que les EPF locaux doivent être considérés, eu égard à leur activité, comme n'étant pas assujettis à la TVA.

Réponse émise le 17 janvier 2013

Conformément aux dispositions des articles L. 324-1 et suivants du code de l'urbanisme, les établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, compétents pour réaliser, pour leur compte, pour le compte de leurs membres ou de toute autre personne publique, toute acquisition foncière ou immobilière en vue de la constitution de réserves foncières en application des articles L. 221-1 et L. 221-2 ou de la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du même code. Dans le cadre de ces missions, un EPFL est donc amené à réaliser des acquisitions foncières qu'il a vocation à revendre aux personnes publiques pour le compte desquelles il intervient après les avoir portées et, le cas échéant, avoir réalisé des travaux de pré-aménagement (remise en état par dépollution notamment). Ces opérations d'achat revente caractérisent l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts (CGI). Cette disposition transpose en droit interne l'article 9 de la directive TVA (n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006) qui attribue la qualité d'assujetti à quiconque réalise une activité économique quels qu'en soient les buts ou les résultats. Par conséquent, le fait qu'une activité n'ait pas vocation à dégager de bénéfices n'est pas en soi de nature à lui retirer la qualité d'activité économique au sens de cette disposition et ne remet donc pas en cause la qualité d'assujetti de celui qui l'exerce. Toutefois, conformément à l'article 13 de la directive TVA, transposé à l'article 256 B du CGI, l'exercice d'une activité économique par une personne publique ne lui confère pas nécessairement la qualité d'assujetti. Ainsi la personne publique peut demeurer non assujettie alors même qu'elle exerce une activité économique lorsque son non-assujettissement ne conduit pas à des distorsions de concurrence. À cet égard, le juge communautaire considère qu'un organisme public doit être soumis à la TVA dès lors que l'activité qu'il exerce entre, ne serait-ce que de manière potentielle, en concurrence avec celle d'opérateurs privés assujettis, pour autant que la possibilité pour ces derniers d'entrer sur le marché considéré soit réelle, et non purement théorique (Cour de justice de l'Union européenne, 16 septembre 2008, Aff. C-288/07, « Isle of Wight Council »). Or, alors même que les EPFL pourraient être regardés comme agissant en tant qu'autorité publique à raison des procédures mises en œuvre dans le cadre de leurs opérations d'achat revente de biens immeubles, il n'en demeure pas moins que de telles opérations sont susceptibles d'être réalisées par des opérateurs privés et doivent, par conséquent, être regardées comme emportant potentiellement des distorsions de concurrence au sens des critères dégagés par la jurisprudence communautaire. Il en résulte que les opérations immobilières réalisées par les EPFL entrent nécessairement dans le champ d'application de la TVA. Le principe de neutralité fiscale s'opposant à ce que des opérations identiques fassent l'objet d'un traitement distinct au regard de la TVA, toute mesure visant à soustraire les EPFL à la taxe serait contraire au droit communautaire. Cela étant, l'assujettissement à la TVA des EPFL n'est pas de nature à augmenter la charge fiscale pesant sur les acquisitions d'immeubles et les interventions qu'ils sont amenés à réaliser, dès lors que la taxe grevant ces opérations est déductible dans les conditions de droit commun. Par ailleurs, ainsi que cela est prévu au Bulletin officiel des impôts 3 D-1-06 n° 15 du 27 janvier 2006, la circonstance que les EPFL financent tout ou partie de leurs dépenses au moyen du produit de la taxe spéciale d'équipement ou encore par la voie de subventions, qui ne constituent pas la contrepartie d'opérations imposables à la taxe, est sans incidence sur l'étendue de leur droit à déduction. Par conséquent, et dans la mesure où les EPFL n'ont pas vocation à réaliser de profit lors de leurs interventions, leur assujettissement à la taxe sera neutre lorsque le prix de cession sera identique au prix de l'acquisition réalisée en amont, ou sera de nature à générer un crédit de TVA remboursable lorsqu'en raison de la perception des sommes susvisées, les EPFL revendent le bien immeuble pour un prix inférieur soit au prix d'achat, si leur intervention s'est limitée au seul portage foncier, soit au prix de revient, dans le cas où des travaux de pré-aménagement auraient par ailleurs été réalisés.

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