M. Alain Houpert attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les préoccupations des PME et TPE du bâtiment concernant les tensions que fait peser sur leur trésorerie la réduction des délais de paiement. En effet, si, depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, les délais fournisseurs sont plus courts, les délais de paiement des clients sont au mieux inchangés, au pire en augmentation, en raison notamment du caractère unique de chaque commande et, spécificité du secteur du bâtiment, de la non-comptabilisation des délais dans le règlement des factures de travaux. Pour aider ces entreprises à faire face à une conjoncture plus difficile, il lui demande, d'une part, s'il envisage d'imposer aux clients le paiement des acomptes mensuels et du solde dans un délai maximum de 30 jours à partir de l'émission de chaque demande de paiement, et, d'autre part, s'il est possible, en cas de retard de paiement, d'autoriser le responsable de l'entreprise de bâtiment à suspendre l'exécution des travaux, après mise en demeure restée infructueuse, voire d'imposer au client le versement d'intérêts moratoires à un taux dissuasif. Il le remercie de sa réponse.
Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) peuvent se trouver confrontées à des problèmes de trésorerie en raison d'un déséquilibre entre des délais fournisseurs, plus courts depuis la loi de modernisation de l'économie (LME), et des délais clients inchangés. Ainsi qu'a pu le relever l'Observatoire des délais de paiement dans ses rapports 2010 et 2011, les entrepreneurs du bâtiment peuvent être victimes d'un « effet de ciseau » en matière de délais de paiement, particulièrement dans le cadre des marchés de travaux privés. Il faut noter que jusqu'au 31 décembre 2011, un accord dérogatoire aux délais de paiement couvrait la filière des produits, bois, matériaux et services pour la construction et la décoration dans le secteur du bâtiment et des travaux publics prévoyant une réduction par palier vers les délais de droit commun. La LME a réformé le cadre général applicable aux relations commerciales, et a introduit le principe d'un plafonnement des délais de paiement convenus entre les parties à 60 jours date de facture, ou 45 jours fin de mois. Ce dispositif a pris sa pleine mesure à compter du 1er janvier de cette année, date d'expiration des accords dérogatoires. Les bénéfices de la réduction des délais de paiement inter-entreprises sont unanimement reconnus, comme en témoignent les travaux de l'Observatoire des délais de paiement. Il n'en demeure pas moins que certains maîtres d'ouvrage, soumis aux conditions de règlement prévues par le code de commerce, ne respectent pas ces dispositions. C'est pourquoi l'article 121 IV de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification et à l'allègement des démarches administratives, rappelle que les professionnels opérant dans le secteur des marchés de travaux privés sont soumis aux plafonds des délais de paiement prévus par le code de commerce et issus de la LME. L'objectif du Gouvernement demeure de veiller à la bonne application de la LME. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectuent annuellement, depuis 2009, une enquête en matière de délais de paiement. Pour l'année 2011, 2001 entreprises ont ainsi été contrôlées sur ce point, et les manquements relevés peuvent donner lieu à des suites contentieuses tant devant le juge pénal que devant le juge civil, le dépassement des délais de paiement convenus ou l'exigence d'un différé de facturation entraînant la responsabilité du débiteur sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. L'année 2011 a également été marquée par une enquête d'envergure en matière de sous-traitance, notamment dans le secteur du BTP. Dans le cadre de ces contrôles, les entrepreneurs sont régulièrement invités à s'adresser aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) afin de porter à leur connaissance tout manquement à la réglementation dont ils s'estiment victimes. L'efficacité du plafonnement des délais de paiement est renforcée par l'institution légale d'une exception d'inexécution au bénéfice de l'entrepreneur du bâtiment. L'article L. 111-3-1 du code de la construction et de l'habitat, introduit par l'article 121 IV de la loi précitée, prévoit désormais que lorsque l'entrepreneur n'est pas payé dans les temps, il peut suspendre l'exécution des travaux quinze jours après avoir, sans succès, mis son débiteur en demeure de s'exécuter. Par ailleurs, l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit expressément que les pénalités de retard sont exigibles de plein droit et sans qu'un rappel ne soit nécessaire. Ainsi, tout retard de paiement doit entraîner le versement par le débiteur, en sus du principal, de pénalités de retard calculées sur la base d'un taux dont les planchers sont fixés par le code de commerce. Ces pénalités ne sont d'ailleurs pas exclusives de toute autre somme pouvant être obtenue à titre d'indemnisation. En parallèle de ce dispositif normatif, le secteur du BTP a développé une politique dynamique avec l'élaboration de chartes de bonnes pratiques, permettant d'améliorer les relations avec les maîtres d'ouvrage et d'anticiper les différends. En outre, les parties peuvent décider de soumettre leur marché aux normes édictées en la matière par l'AFNOR, qui constituent des documents de référence élaborés de manière consensuelle par les intéressés. Enfin, le recours à des solutions de financement alternatives, telles que la mise en place de crédits de campagne ou le recours à Oséo, ainsi que le préconise l'Observatoire des délais de paiement, pourra constituer une solution complémentaire aux problèmes de trésorerie rencontrés par les entrepreneurs soumis à un « effet de ciseau ».
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