M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur le fichier Base nationale des identifiants élèves (BNIE). Il y a plusieurs mois, il a été informé que de nombreuses collectivités locales, régions et communes, prenaient position l'une après l'autre contre le fichage généralisé de l'enfance. La mise en place du fichier Base élèves 1er degré a rencontré de nombreuses oppositions.
Le fichier Base élèves a un « double fond » : d'une part Base élèves 1er degré (BE1D), partie « visible », relativement encadrée par l'arrêté du 20 octobre 2008, répartie en 30 bases académiques, et d'autre part la Base nationale des identifiants élèves (BNIE), nationale, déployée au moyen d'une simple déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), sans débat parlementaire ni texte législatif mentionnant le contenu, les finalités et les conditions d'emploi de ce répertoire. Les directeurs d'école n'ont pas accès à la BNIE, mais celle-ci est accessible à 400 utilisateurs environ.
Ces deux bases de données sont interconnectées par l'intermédiaire du numéro national d'identifiant élève (INE) qui, lui, permet de suivre l'enfant pendant toute sa vie scolaire et étudiante, puis tout au long de sa vie professionnelle. L'INE met alors en relation toutes les données nominatives collectées sur les élèves, c'est l'outil de l'interconnexion et de la traçabilité complète par le biais de 28 données relatives à l'état civil, à l'historique de l'état civil, au cursus. La durée de conservation des données (35 ans) a été jugée excessive par le Conseil d'État qui, dans un arrêt du 19 juillet 2010, l'a réduite à 13 ans.
Au moyen de l'interconnexion par l'INE, un certain nombre de données personnelles entrées dans BE1D restent accessibles par l'intermédiaire de la BNIE, même après avoir été « effacées » de BE1D un an après la fin de la scolarité primaire de l'enfant.
De plus, l'INE est la clé rendant possibles toutes les interconnexions avec les fichiers développés l'un après l'autre dans l'ombre de BE1D par l'éducation nationale. Ainsi a-t-on vu réapparaître en 2010, sous forme du Livret personnel de compétences numérique (dont la généralisation est prévue), le fichage des compétences et incompétences de chaque enfant, données qui avaient été retirées de BE1D par l'arrêté d'octobre 2008 après que le ministre de l'époque, Xavier Darcos, en avait jugé le fichage liberticide.
En conséquence, et inquiet de la constitution d'un gigantesque répertoire national de la population, il lui demande de bien vouloir éclaircir les dispositifs de fichage mis en œuvre par l'éducation nationale, et en particulier les conditions d'existence et de fonctionnement de cette BNIE.
« Base élèves » est une application informatique dont le but est d'améliorer le pilotage académique et national. Elle permet la gestion administrative et pédagogique des élèves de la maternelle au CM2 dans les écoles publiques et privées : aide à la gestion des élèves (inscription, admission, radiation, répartition dans les classes et groupes, édition des fiches individuelles de renseignements, des certificats de scolarité, des listes d'élèves), suivi du parcours et de la scolarité des élèves (passage dans la classe supérieure, changement d'école, dossier d'entrée en sixième, suivi des élèves instruits dans leur famille ou inscrits au Centre national d'enseignement à distance) et enfin, traitement automatisé et fiable des statistiques (suivi des effectifs et prévision de l'année scolaire suivante). « Base élèves » se substitue aux applications informatiques locales disparates qui existaient auparavant et qui étaient jusque-là mises en œuvre par chaque directeur d'école. Cette harmonisation au sein d'un unique système d'information a donc contribué à sécuriser considérablement la gestion des données. La première version de cette base avait suscité des interrogations légitimes sur le contenu des informations portées dans le logiciel. Dans sa deuxième version, la base ne contient plus aucune donnée « sensible ». En effet, l'article 3 de l'arrêté du 20 octobre 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel fixe très précisément les informations enregistrées dans ce logiciel : l'identification et les coordonnées de l'élève et de ses responsables légaux ou des personnes à contacter en cas d'urgence, les informations sur la scolarité (classe, niveau, date d'inscription, d'admission ou de radiation) et les activités périscolaires (transport, garderie, cantine et études surveillées dans le seul but de leur gestion). À chaque étape du déploiement de l'application, des déclarations complémentaires ont été réalisées auprès de la CNIL et le contenu actuel de la base généralisé en 2008 est conforme à l'arrêté du 20 octobre 2008 précité. Pour plus de sécurité, l'accès à cette base se fait de manière différenciée : les directeurs d'école ont accès aux données liées à leur école, les inspecteurs de l'éducation nationale chargés de circonscription accèdent à celles de leur circonscription et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale à celles de leur département. Les maires ne peuvent prendre connaissance que de certaines informations des écoles de leur commune en rapport avec les activités de la mairie. Les rectorats et l'administration centrale n'y ont pas accès. Enfin, dans sa décision du 19 juillet 2010, le Conseil d'État a jugé que l'utilisation de « Base élèves » est légitime, légale et nécessaire au bon fonctionnement du service public de l'enseignement. Le renseignement de ce fichier fait donc partie des obligations de service des directeurs d'école. Les parents ne peuvent s'opposer à ce que l'école collecte et enregistre dans son fichier des informations relatives à leur enfant que s'ils disposent de motifs légitimes pour appuyer cette opposition. Lors de l'inscription, il doit leur être indiqué les informations qu'ils doivent obligatoirement fournir et celles qui sont facultatives. Le dialogue qui a fait cruellement défaut ces dernières années avec la communauté éducative doit être renoué en s'appuyant sur la décision du Conseil d'État qui fonde la pleine légitimité de « Base élèves » et de son utilisation.
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