M. Philippe Dallier attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la répartition des moyens de l'éducation nationale et la lutte contre les inégalités territoriales en matière scolaire.
À la suite du rapport d'enquête de la Cour des comptes sur l'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire dans les quartiers sensibles, il avait rendu, en novembre 2009, un rapport d'information n° 81 (2009-2010), co-signé avec M. Gérard Longuet, qui soulignait l'urgence d'une meilleure cohérence territoriale entre la politique de la ville et l'action de l'éducation nationale.
Constatant que l'enchevêtrement des dispositifs d'actions mis en œuvre sur un même territoire par différents acteurs pouvait engendrer, indépendamment des moyens consacrés, une déperdition d'efficacité de la politique publique d'égalité des chances en matière d'éducation, ce rapport proposait des pistes pour simplifier les procédures, améliorer la lisibilité, la complémentarité et l'efficacité des dispositifs et concentrer les interventions sur les territoires, les établissements et les élèves les plus en difficulté.
Le 11 juillet 2012, la Cour des comptes a adressé au Premier ministre un référé, pour l'alerter sur la persistance des inégalités en matière de réussite scolaire et pointer les limites du système actuel de répartition des moyens.
Si une partie des inégalités scolaires trouve bien évidemment son origine dans des éléments contextuels extérieurs au système éducatif, la Cour constate toutefois que l'organisation et les procédures mises en œuvre par le ministère de l'éducation ne suffisent non seulement pas à les corriger, mais peuvent même, dans une certaine mesure, contribuer à les aggraver.
La Cour relève ainsi que les critères utilisés pour la répartition des moyens entre académies sont aujourd'hui obsolètes et négligent largement la réalité du terrain. Cette absence de corrélation entre les difficultés constatées et les moyens d'enseignement alloués peut aboutir à des situations paradoxales, où certains établissements présentant un taux d'échec scolaire important peuvent pourtant se trouver moins bien lotis que d'autres où les difficultés sont moindres.
Le référé appelle donc à une révision des modalités d'allocation des moyens d'enseignement, nécessairement fondée sur une vision interministérielle et intégrant les problématiques sociales et territoriales.
Il semble en effet particulièrement urgent de définir des critères plus pertinents et de nouveaux échelons territoriaux de répartition des moyens, entre académies et au sein même des académies.
Ce rééquilibrage permettrait de mieux assurer l'égalité des chances au bénéfice d'académies pouvant être identifiées comme prioritaires comme celle de Créteil, figurant parmi celles étudiées par la Cour et comprenant les 40 communes de Seine-Saint-Denis et qui doit enfin bénéficier d'une éducation prioritaire concentrée sur les établissements à forte difficulté scolaire.
Il souhaiterait qu'il lui indique les suites qui vont être données à ces recommandations dans le cadre de la future loi sur l'école et qu'il lui détaille les mesures transversales qui vont être rapidement mises en œuvre pour lutter de façon cohérente contre les inégalités territoriales en matière scolaire.
La persistance d'écarts de performance scolaire est indéniable et leur réduction est au cœur de la politique éducative qu'il appartient au ministre chargé de l'éducation nationale de conduire et dont les fondements sont actuellement en cours de construction avec l'ensemble des acteurs concernés. S'agissant de l'actuel système d'allocation des moyens, il faut savoir que celui-ci a été élaboré en 2000. Sa construction a fait l'objet à l'époque d'une concertation large avec des experts mais aussi des acteurs locaux, des collectivités territoriales, des représentants des parents d'élèves et des personnels, mais il peut et doit effectivement faire l'objet d'ajustements. Le ministre a réaffirmé son souhait que la refonte du système d'allocation des moyens s'appuie sur une analyse tenant compte notamment du poids de l'académie, de la démographie des élèves et des disparités géographiques et sociales. Des travaux, déjà bien avancés, au sein des services du ministère, rejoignent les préoccupations de la Cour des comptes. Les évolutions techniques retenues répondent structurellement aux deux principes de transparence et d'équité afin de « promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens » conformément au code de l'éducation (article L. 111-1). S'il est indispensable de progresser dans la qualité de l'outil, il convient également de le faire dans la qualité de son usage. Une double démarche doit ainsi être mise en œuvre. D'une part, le renouvellement des conditions de dialogue entre les services de l'administration centrale et les services académiques devrait être progressivement incarné par une démarche de contractualisation. Celle-ci s'appuiera alors sur un constat partagé entre le ministère et les académies, fixant des objectifs prioritaires qui en découlent et identifiant les principaux moyens à mettre en place à l'appui de la réalisation de ces objectifs. Ainsi, trois cycles de contractualisation ont été prévus : sept académies ont déjà signé un contrat en 2012, douze le feront en 2013, et onze pour 2014. D'autre part, au niveau académique, des contrats d'objectifs sont élaborés entre l'académie et les établissements scolaires, les collectivités territoriales pouvant si elles le souhaitent y être associées depuis le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Une révision du dispositif et de la politique d'éducation prioritaire s'impose sur la base des nombreux constats disponibles et auxquels la Cour a contribué. Ainsi, le ministre chargé de l'éducation nationale a souhaité que la concertation pour la refondation de l'école, achevée le 9 octobre dernier, consacre une partie importante de ses travaux à la refonte de l'éducation prioritaire. L'atelier « une école plus juste pour tous les territoires » a esquissé un ensemble de pistes : mieux cibler l'affectation des moyens sur les collèges et les écoles rencontrant les plus grandes difficultés, simplifier et mieux articuler les dispositifs, revoir les modalités de soutien aux équipes, en leur permettant de disposer du temps nécessaire à la préparation et au travail d'équipe, favoriser l'innovation et la diffusion des bonnes pratiques, renforcer le pilotage, ou encore resserrer les liens entre premier et second degrés. C'est sur le fondement de ces recommandations que le ministre engagera très prochainement une réflexion approfondie, associant les personnels et l'ensemble des acteurs de terrain, en vue d'aboutir à une refonte de l'éducation prioritaire. Par ailleurs, il faut noter que, dès la rentrée 2012, les postes nouveaux issus des mesures du changement ont été répartis dans les académies par les rectorats, dans le souci de l'intérêt général, selon une méthode transparente et juste reposant sur des critères objectifs. Ils ont été fortement ciblés vers les niveaux d'enseignement les plus fragiles (premier degré, collège) et vers les secteurs les plus défavorisés socialement. S'agissant de la loi d'orientation et de programmation, celle-ci constitue une étape majeure de la refondation de l'école érigée en priorité par le président de la République. Issue d'un long travail de concertation associant tous les acteurs de l'éducation, cette loi définit les objectifs de la refondation s'agissant notamment de la réduction des inégalités sociales et territoriales et de réduction du nombre des sorties du système scolaire sans qualification. Ces objectifs se traduisent, dans la loi, par la programmation de 60 000 créations de postes pour les cinq ans à venir. Sur ce total, 54 000 emplois seront créés au ministère chargé de l'éducation nationale, 5 000 au ministère chargé de l'enseignement supérieur et 1 000 au ministère chargé de l'agriculture. Parmi ces 54 000 créations, 21 000 sont des postes d'enseignants titulaires des premier et second degrés (public et privé) dont les deux tiers, 14 000 postes, iront à l'école primaire, conformément aux engagements d'accorder la priorité au premier degré, notoirement sous doté, alors même que s'y joue en grande partie le destin scolaire des élèves. Sur ces 14 000 postes, 4 000 seront consacrés à l'amélioration de l'équité territoriale interacadémique, 3 000 postes pour la scolarisation des enfants de moins de trois ans et 7 000 postes seront consacrés à renforcer l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles. Le dispositif « plus de maîtres que de classes », notamment, permettra de mettre en place diverses formes d'interventions pédagogiques dont la co-intervention dans la classe avec le maître titulaire ou la prise en charge de groupes d'élèves en fonction de leurs besoins. Les écoles prioritairement concernées par l'attribution de ces moyens supplémentaires sont celles de l'éducation prioritaire, mais aussi des écoles repérées localement comme relevant de besoins similaires. Dans le second degré, 7 000 postes seront créés, dont 4 000 pour lutter contre le décrochage scolaire dans les collèges en difficulté et les lycées professionnels, et 3 000 destinés à l'amélioration de l'équité territoriale interacadémique. Enfin, 6 000 emplois permettront d'améliorer l'accompagnement des élèves en situation de handicap, de recruter des auxiliaires de vie scolaire, des personnels médico-sociaux, ainsi que des conseillers principaux d'éducation et des personnels administratifs. Par ailleurs, le Premier ministre a souhaité que le ministère chargé de la ville mette en place des conventions triennales avec l'ensemble des départements ministériels afin de soutenir l'action publique en faveur des quartiers difficiles. La convention liant le ministère de l'éducation nationale et le ministère délégué à la réussite éducative avec le ministère chargé de la ville sera signée dans les semaines à venir.
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