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Catherine Procaccia
Question écrite N° 4364 au Ministère de l'enseignement supérieur


Implantation d'une faculté privée de chirurgie dentaire à Toulon

Question soumise le 7 février 2013

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'implantation d'une faculté privée de chirurgie dentaire à Toulon.

Ouverte le 12 novembre 2012, cette structure dépend de l'antenne Fernando Pessoa au Portugal et affirme n'être qu'une délocalisation de la structure portugaise fondée à Porto alors qu'aucune autorisation ne lui a été accordée pour délivrer des diplômes sur le territoire français. Elle souligne que l'offre proposée déroge à certaines règles françaises en matière d'enseignement supérieur : tout d'abord, le détournement du terme d'université qui est protégé depuis 1880 et qui ne peut être utilisé par des établissements privés sans autorisation préalable de l'État ; ensuite, le manque de transparence sur la formation dispensée puisque l'État n'a pas pu juger a priori de la qualité de la formation proposée ni du niveau des professionnels dispensant les cours ; enfin, le détournement du numerus clausus par une inscription établie selon une sélection financière (9 500 euros) et non pas selon la sélection française du concours.

Des poursuites judiciaires fondées sur l'article L. 731-14 du code de l'éducation nationale qui dispose que « les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités » ont été lancées. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a également annoncé que le procureur du tribunal de grande instance de Toulon devrait être saisi pour « usage abusif du terme université » et « non-respect des règles du régime de déclaration préalable nécessaire pour l'ouverture de ce type d'établissement ».

Toutefois, elle s'inquiète des conséquences du maintien en activité de cet établissement, notamment sur l'absence de contrôle des enseignements de santé.

Malgré ces démarches, l'établissement ne semble pas disposé à faire marche arrière. En effet, après consultation du site internet de l'antenne française Fernando Pessoa, le terme d'université demeure en ligne et le calendrier « universitaire » pour la rentrée 2013 est disponible.

En plus des procédures de justice qui prennent généralement du temps, elle lui demande si elle compte, à l'instar de l'Italie qui a procédé par décret, faire interdire cet établissement sur le sol français eu égard au non-respect de l'égalité de traitement et au détournement du numerus clausus qui doit résulter d'une décision de l'État. Enfin, elle souhaiterait savoir comment prévenir ce genre d'implantation qui détourne les étudiants des formations officielles et met leurs études en danger.

Réponse émise le 14 mars 2013

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche considère que l'espace européen de l'enseignement supérieur est une chance pour les étudiants, à condition qu'il ne soit pas un espace sans règles. S'agissant de formations de santé, la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles prévoit que chaque État membre reconnaît les titres de formation dès lors qu'ils sont conformes à des conditions minimales de formation prévues par cette directive, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu'aux titres de formation qu'il délivre. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le ministère des affaires sociales et de la santé veillent, dans le cadre de la réforme en cours de la directive précitée, à ce que les conditions minimales de formation exigées soient renforcées, dans la mesure du possible, pour éviter des disparités entre les titres de formation délivrés dans les États de l'Union européenne. Le guide de l'utilisateur de la directive précise que celle-ci n'interdit pas la mise en place d'établissements franchisés régis par un accord de franchise avec une institution de formation située dans un autre État membre - qui délivre alors des diplômes de cet État membre -, mais impose toutefois le respect de certaines conditions. En particulier, « (...) il faut que le diplôme « franchisé » soit le même que celui délivré [par l'établissement « principal »] lorsque la formation est suivie entièrement dans l'État membre où est situé l'établissement qui délivre le diplôme et qu'il donne les mêmes droits d'accès à la profession dans l'État membre où est situé l'établissement qui délivre le diplôme. ». Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne saurait formuler une opposition de principe à l'ouverture d'un établissement privé en France, la liberté de l'enseignement supérieur privé étant reconnue par l'article L. 731-1 du code de l'éducation. Il convient en revanche d'accorder la plus grande vigilance au respect des obligations de déclaration préalable prévues à l'article L. 731-9 du code de l'éducation. Dans le cas où les conditions légales d'ouverture d'un établissement privé n'auraient pas été respectées, il n'appartient pas à la ministre en charge de l'enseignement supérieur d'en décider la fermeture, que seule l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, serait susceptible de prononcer. S'agissant de l'établissement privé Fernando Pessoa France, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est montré attentif à vérifier la conformité au droit portugais des diplômes délivrés par cette antenne de l'université Fernando Pessoa de Porto. Le président de l'agence portugaise d'évaluation et d'accréditation de l'enseignement supérieur a apporté la confirmation que ses services n'avaient accordé aucune accréditation à l'établissement Fernando Pessoa France en vue de délivrer des diplômes portugais pour des études réalisées hors du Portugal, y compris en France. Cela est d'autant plus vrai pour les formations proposées en France qui ne sont pas même dispensées par l'établissement d'origine Fernando Pessoa de Porto (à savoir le doctorat en odontologie, le doctorat en pharmacie, la licence en orthophonie, la licence et le master en anthropologie et études culturelles), ou qui ne le seront plus, tel que le master en sciences politiques et relations internationales, à partir de 2013-2014. Dès lors, les diplômes que l'établissement Fernando Pessoa France envisage de délivrer en odontologie et en pharmacie, comme en orthophonie, ne peuvent en aucun cas bénéficier d'une reconnaissance automatique en France. C'est pourquoi la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à Mme le recteur de l'académie de Nice d'adresser un signalement au Procureur de la République de Toulon, qui pourrait dès lors retenir à l'encontre de cet établissement la qualification d'escroquerie prévue à l'article 313-1 du code pénal, ou, du moins, celle de pratiques commerciales trompeuses (cf l'article L. 121-1 et le 4° de l'article L. 121-1-1 du code de la consommation).

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