M. Marcel Rainaud interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les règles du droit du travail pour un emploi exercé dans le milieu carcéral.
Une détenue qui demandait à bénéficier des règles du droit du travail pour un emploi exercé en prison vient d'obtenir gain de cause et s'est vue ainsi indemnisée comme tout salarié face au licenciement devant le conseil des prud'hommes de Paris. L'entreprise a d'ailleurs été déclarée « employeur dans des conditions particulières ».
Alors qu'il n'existe aucun lien juridique entre entreprise et détenu, ni de contrat de travail entre le détenu et la prison qui fixe le cadre de sa mission, rendant les règles du droit du travail inexistantes, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend faire des propositions sur le travail en prison.
Le développement des activités professionnelles rémunérées en détention constitue une priorité de la politique pénitentiaire mise en œuvre par la garde des sceaux. Celles-ci contribuent au maintien des liens avec la société civile, favorisent l'acquisition de qualifications professionnelles et garantissent l'indemnisation des victimes. En ce sens, elles participent pleinement de la réinsertion sociale des personnes détenues, facteur de prévention de la récidive. Toutefois, le travail en détention est une question complexe en raison de la nécessité de garantir dans le même temps les droits des personnes détenues et la prise en compte des contraintes spécifiques au travail en établissement pénitentiaire (sécurité, qualification parfois très faible des travailleurs etc.). Ainsi, si l'application de règles exorbitantes du droit commun trouvent à s'appliquer en raison des réalités concrètes du travail en détention, il n'en demeure pas moins que la Garde des sceaux demeure vigilante au respect des droits des personnes détenues. À cet égard, la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui a sensiblement modifié les conditions du déroulement de l'activité rémunérée, a constitué une avancée significative. Elle pose des règles connues de chacun, formalise la relation de travail par l'intermédiaire d'un acte d'engagement, et prévoit un système de rémunération horaire. En effet, bien que l'activité rémunérée en établissement pénitentiaire ne fasse pas l'objet d'un contrat de travail, la relation de travail entre la personne détenue et l'administration pénitentiaire bénéficie de règles protectrices, encadrée par un cadre juridique précis, de sorte que les droits élémentaires de la personne détenue se trouvent préservés et ce, quelle que soit la forme de travail retenue (service général, service de l'emploi pénitentiaire ou concession). Tout d'abord, un acte d'engagement, générateur de droits, est obligatoirement signé au préalable entre les parties. Il précise notamment la durée de l'embauche, la description du poste, la rémunération, la période d'essai, ainsi que les conditions de suspension et de rupture de l'engagement. Cet acte lie tant la personne détenue que l'établissement pénitentiaire. S'agissant du classement à un poste de travail, celui-ci obéit également à des règles strictes visant à garantir les droits de la personne détenue par un examen des candidatures au sein d'une commission pluridisciplinaire unique. De même, la procédure de déclassement répond à des dispositions précises. Ainsi, seules deux hypothèses distinctes de déclassement sont prévues : le déclassement pour motif disciplinaire dès lors qu'une faute est commise lors ou à l'occasion de l'activité ; le déclassement administratif pour incompétence. Dans les deux cas, une procédure contradictoire est mise en œuvre, la décision portant déclassement devant répondre à l'exigence de motivation. Par ailleurs, l'ensemble des règles d'hygiène et de sécurité définies par le code du travail sont applicables au travail pénitentiaire. Le chef d'établissement peut également solliciter les services de l'inspection du travail, pour s'assurer du respect de ces règles. De même, toutes les personnes incarcérées sont obligatoirement affiliées aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. Les personnes détenues qui travaillent sont également affiliées à la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale, de même qu'à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles du régime général. Enfin, il convient de souligner que l'ensemble de ce dispositif a été récemment validé par le Conseil Constitutionnel saisi à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par décision n° 2013-320/321 du 14 juin 2013, la haute juridiction a déclaré la relation de travail en détention conforme aux normes constitutionnelles. Au-delà des normes juridiques existantes relatives à la relation de travail, la Garde des sceaux a pour ambition d'engager la personne détenue dans un véritable « parcours professionnalisant » pendant sa détention en associant enseignement, lutte contre l'illettrisme, formation professionnelle et travail, afin de lui permettre, à la sortie, d'accéder au marché du travail dans les meilleures conditions. Cette démarche est menée conjointement avec le ministre du travail, le ministre de l'éducation nationale et la ministre déléguée à la réussite éducative pour faire du temps de détention un temps utile, prévenir la récidive et assurer la sécurité de nos concitoyens. L'implantation des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) en détention, telles que prévues par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, permet de définir un parcours personnalisé de requalification sociale et professionnelle et participe de ce même objectif. Leur intervention, fondée sur la mise en situation de travail, constitue une véritable passerelle vers l'autonomie, la citoyenneté et l'intégration sociale. Ce principe a été rappelé par le Premier ministre dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 par le comité interministériel de lutte contre les exclusions.
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