M. Yves Krattinger attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la position du Gouvernement en matière de prise en charge médicale des personnes étrangères.
La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 prévoit que : « sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit (...) à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».
Aujourd'hui toutefois, une modification du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, datée du 16 juin 2011, restreint ce droit.
Le code dans sa rédaction actuelle évoque « l'absence de traitement » pour justifier l'octroi d'une carte de séjour alors qu'il évoquait auparavant comme condition : « [pouvoir] bénéficier d'un traitement approprié ».
Or, un traitement existe dans chaque pays, même le moins développé, sans pour autant être approprié. Cette modification lexicale remet ainsi profondément en cause l'objectif même du 11° de l'article 5 de la loi du 11 mai 1998.
En application de cette nouvelle formulation, il a été constaté depuis juillet 2012 une recrudescence des refus de séjour, des placements en rétention, et des expulsions de personnes étrangères pourtant gravement malades, et notamment infectées par le VIH ou le virus de l'hépatite.
Il interroge en conséquence le Gouvernement sur sa volonté de rétablir la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile dans sa rédaction du 11 mai 1998, afin de garantir une réelle prise en charge médicale des étrangers gravement malades sur le territoire national, en l'absence d'autre solution crédible.
En vertu des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger malade, dont la présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, bénéficie d'une carte de séjour temporaire dans les conditions suivantes : s'il réside habituellement en France (ou d'une autorisation provisoire de séjour de 6 mois s'il n'y réside pas habituellement) ; si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité à condition qu'il n'y ait pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Un médecin agréé ou un praticien hospitalier établit un rapport médical sur l'état de santé de l'intéressé ; sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Une commission médicale régionale (CMR) a été créée devant laquelle le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) peut convoquer, pour une consultation médicale, l'étranger demandant à être admis au séjour pour raisons de santé. Au mois de mars 2013, les inspections générales des affaires sociales et de l'administration ont rendu un rapport conjoint sur l'admission au séjour des étrangers malades à la demande de leurs ministres de tutelle. La conclusion de ce rapport est en cours d'examen par les ministères concernés. Ce rapport, rendu public, établit que les effets de la loi du 16 juin 2011 ont été limités. En revanche le dispositif souffre d'un pilotage encore insuffisant, perceptible à travers des taux d'avis favorables des médecins des agences régionales de santé très variables d'un département à l'autre. Le nombre des étrangers admis au séjour en raison de leur état de santé était de 6 673 en 2011 et de 7 401 en 2012, soit une progression de 11 %. Par ailleurs, l'article L. 511-4 du même code dispose dans son 10° que l'étranger résidant habituellement en France qui répondraient aux conditions détaillées ci-dessus, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Un étranger en situation irrégulière, qui s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français et a été placé en rétention peut, dès son arrivée au centre, demander à avoir accès au personnel de santé en vertu de l'article R. 553-12 du CESEDA. La présence de ce personnel est organisée par une convention passée entre le préfet compétent et un établissement hospitalier conformément aux dispositions de l'article R. 553-8 dudit code. Il peut alors faire valoir au médecin les éléments médicaux le concernant et bénéficier, le cas échéant, des soins nécessaires. Le médecin du CRA peut, en fonction des éléments donnés par l'étranger lui-même, complétés, si besoin est, par des examens supplémentaires au centre hospitalier, dès lors se prononcer sur la compatibilité de la rétention avec cette pathologie. En 2012, ce sont au total 359 étrangers placés en rétention administrative qui ont été libérés pour raison médicale. Une fois libéré, l'étranger a la possibilité de demander auprès de la préfecture une admission au séjour pour raison de santé. Le ministre de l'intérieur et la ministre des affaires sociales et de la santé sont en train de tirer les leçons du rapport conjoint remis par l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et s'efforcent de mettre en place des outils et des procédures qui permettent de garantir une plus grande homogénéité de traitement des étrangers malades sur notre territoire. Les inégalités recensées dans le rapport ne sont, en effet, pas admissibles. Le ministre de l'intérieur a en outre entamé en mars 2013 une concertation sur la rétention et ses alternatives. Le sujet de la santé a été largement abordé, notamment la question de l'accès aux soins pendant et après la rétention, ainsi que la prise en compte de l'état de santé dans l'exécution de la procédure d'éloignement. Les suites de cette concertation sont en train d'être expertisées et la circulaire du 7 décembre 1999 pourra faire l'objet d'une réforme dans ce cadre.
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