M. Gérard Miquel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la crise que traverse la filière laitière dans un contexte économique mondialement dégradé. En effet, les indicateurs sont alarmants. La situation des marchés de matières agricoles présente une extrême gravité. Les aléas climatiques mondiaux et, particulièrement, la sécheresse qui a frappé les États-Unis, ont provoqué une flambée des cours du blé, du maïs et du soja sur l'ensemble des marchés mondiaux des matières premières. En raison d'une forte augmentation du prix des aliments achetés, et notamment du tourteau de soja, l'indice général Ipampa - lait de vache -n'a cessé de progresser et il a atteint un niveau record en juillet 2012 (131,1), soit 4,5 % en douze mois. Dans le même temps, l'indice Ipampa aliments achetés (qui pèse 20 % dans l'Ipampa général) a augmenté de 12,5 %. Les engrais et amendements (7 % de l'Ipampa général) ont progressé de 4,2 %. L'augmentation de ces charges a un impact direct sur le coût de production du lait. Or, elle n'est pas compensée par une évolution du prix du lait. En effet, sur l'année 2012, le prix de base moyen mensuel du Sud-Ouest a baissé de 9 %. Alors que le rapport « prix de lait/charges » était de 1 en juillet 2011, il est descendu à 0,85 avec un effet direct sur le revenu des producteurs de lait. Le ratio « charges alimentation achetée/prix du lait » progresse fortement, en se situant à son plus haut niveau depuis trois ans (30,52 % en juin 2012). Quant à la hausse du soja sur un an, elle représente entre 25 et 30 €/1 000 litres, dans un système maïs-ensilage dominant. Les conséquences de cet effet de ciseau prix/charges intenable entraîneraient l'arrêt des productions, l'orientation vers celles qui sont le mieux valorisées actuellement et la fragilisation de la filière laitière dans le Sud-Ouest. Aussi, face à la volatilité des cours, il souhaiterait connaître sa position sur la possibilité d'appliquer l'accord du mai 2011 à la filière laitière. Accord qui s'inscrit dans une logique d'amélioration des relations commerciales au sein des filières et qui constitue un élément indispensable à la pérennité de chacun des maillons de la chaîne : producteurs, transformateurs et distributeurs en permettant l'ouverture de négociations entre eux. Or, les conditions requises semblent remplies à savoir, d'une part, une forte variation des prix de l'alimentation animale et, d'autre part, une évolution excessive de la part du coût de l'alimentation dans le prix du produit au stade de la production.
Au cours de l'année 2012, le prix du lait de vache en France, en moyenne nationale, a connu une baisse modérée par rapport à la même période de 2011 : le prix du lait standard a été d'environ 315 euros pour 1000 litres en 2012, soit une baisse de 4 % par rapport à 2011, qui constituait une excellente année en matière de prix. Les prévisions pour 2013, partagées par l'ensemble des acteurs, sont positives, l'amélioration attendue de la situation globale des marchés laitiers européens et mondiaux devant conduire à une remontée des prix du lait, d'ores et déjà amorcée dans certains pays. Cependant, ces perspectives tardent à se concrétiser. À cela, il faut ajouter la situation difficile de certaines entreprises confrontées à des difficultés de marché particulières qui les conduisent à rémunérer le lait à un niveau inférieur. En outre, la hausse tout au long de l'année 2012 des coûts de production et, en particulier, celle des charges d'alimentation, pèse sur les marges des producteurs, qui demandent une meilleure prise en compte de ce phénomène dans le prix du lait. Cette question renvoie à deux problématiques complémentaires dont le Gouvernement s'est saisi depuis plusieurs mois. En premier lieu, la question des relations commerciales entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs, puisque les possibilités qu'ont les laiteries de suivre les tendances des marchés mondiaux ou de prendre en compte la hausse des coûts de production dépendent de leur capacité à négocier des tarifs correspondants avec leurs clients. Le déroulement des négociations tarifaires dans les filières agroalimentaires et, notamment, la persistance de tentatives de contournement, démontre régulièrement les insuffisances des dispositifs actuels de régulation des relations commerciales résultant de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, tout comme la faible efficience des chartes d'engagements volontaires, en particulier de l'accord du 3 mai 2011 de prise en compte des variations excessives de prix de l'alimentation animale dans les négociations commerciales dans certaines filières de l'élevage. Le projet de loi sur la consommation, présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013 et qui es soumis depuis à l'examen du Parlement, propose diverses adaptations de la LME. La transparence de la négociation commerciale sera renforcée dans les plans d'affaires annuels, en matière de tarifs, d'engagements réciproques et de date de mise en application. Un mécanisme de prise en compte de la volatilité des prix des matières premières sera introduit dans les contrats, afin d'éviter que la situation actuelle ne se reproduise à chaque hausse de coût des matières premières. Enfin, la direction générale de la concurrence, de la consommation de la répression des fraudes pourra prononcer des sanctions administratives, immédiates et dissuasives, et disposera d'un pouvoir nouveau d'injonction, troisième voie d'action possible à côté des suites pédagogiques et des suites judiciaires, contentieuses ou transactionnelles. À court terme, en l'absence de ces dispositions dans la loi actuellement, le ministre chargé de l'agriculture a réuni tous les acteurs de la filière (producteurs, transformateurs, distributeurs) le 8 avril dernier. Le constat de la nécessité de revaloriser le prix payé au producteur a été partagé. Un médiateur a été désigné afin de trouver une solution. La médiation menée depuis avec les différentes parties a permis, suite à des engagements pris par les enseignes de la grande distribution de revaloriser le prix d'achat du lait de consommation et des produits transformés, une revalorisation par les industriels de 25 euros par 1000 litres du prix payé au producteur, dès le paiement du lait livré au mois d'avril. En second lieu, il est important d'améliorer les contrats entre producteurs et transformateurs. Dès son arrivée au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le ministre a demandé au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d'établir un rapport sur la mise en place de la contractualisation écrite entre les producteurs de lait et leurs acheteurs et de faire des propositions d'amélioration. Les conclusions de ce rapport ont fait l'objet d'une concertation avec les organisations professionnelles agricoles fin 2012 et début 2013, qui ont conduit à des propositions concrètes d'amélioration du dispositif. Parmi les sujets abordés, figurera l'idée d'introduire, dans les critères de détermination des prix, ou dans les clauses de révision de ceux-ci, la possibilité de prendre en compte les variations des coûts de production, à l'image de ce qui sera proposé dans la LME pour les contrats entre laiteries et grande distribution.
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