M. René-Paul Savary interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au sujet du programme d'actions national à mettre en œuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole.
La Chambre d'agriculture de la Marne a volontairement favorisé le classement de l'ensemble de son territoire en zone vulnérable, dans le cadre des directives, mais aussi pour afficher sa volonté de prendre en compte l'environnement dans ses pratiques culturales.
Plus de 20 000 hectares sont plantés en vignes d'appellation Champagne qui sont ancestralement sur des pentes fortes pour assurer une exploitation optimale et le drainage des sols.
En préambule, il rappelle que le classement des fertilisants s'effectue de la sorte : type I : amendements organiques, amendements de masse et engrais organiques à C/N supérieur à 8 ; type II : engrais organo-minéraux et organiques à C/N inférieur à 8 ; type III : engrais minéraux.
Il précise que les apports de type III sont interdits à moins de deux mètres des cours d'eau et sur les bandes enherbées. Les apports de type I et II sont interdits à moins de 35 mètres des cours d'eau et 10 mètres s'il y a une couverture végétale.
Les préconisations du Comité interprofessionnel du vin de Champagne en termes de fertilisation privilégient les apports organiques afin de réduire les risques de lessivage de l'azote minéral. Il paraît paradoxal d'autoriser les engrais minéraux là où les formes organiques sont interdites.
Leurs expérimentations montrent que la matière organique se minéralise lorsque la température du sol augmente. L'azote est libéré en période de consommation par les racines. Le risque de lessivage de nitrate est donc moindre. De plus, la libération d'azote par les fertilisants de type I est très faible.
Il souhaiterait comprendre ce qui motive cette différence de traitement discriminatoire envers les fertilisants organiques. Il se demande pourquoi un apport d'amendement organique à moins de 35 mètres d'un cours d'eau poserait davantage de problème qu'un apport d'engrais azoté minéral.
Dès lors, il s'interroge sur la possibilité d'écarter les produits normés et l'interdiction des fertilisants de type I et II normés à moins de deux mètres des cours d'eau, au même titre que les fertilisants de type III.
En matière de protection de la qualité des eaux, la lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important qui s'inscrit dans un contexte de contentieux communautaire. En effet, la France a été assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne pour mauvaise application de la directive 91/676/CEE dite directive « nitrates » dans le cadre d'un double contentieux. Le premier porte sur l'insuffisance des délimitations de zones vulnérables, le second sur l'insuffisance des programmes d'actions qui s'y appliquent. Le zonage vient d'être revu et le contenu des programmes d'action est en cours de modification. S'agissant du contenu des programmes d'action, la directive fixe les mesures qui doivent y être incluses. Elles concernent notamment le stockage des effluents d'élevage, les calendriers d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, les conditions d'épandage des fertilisants azotés afin de respecter l'équilibre de la fertilisation, la limitation de l'épandage des effluents d'origine animale à 170 kg d'azote par an et par hectare, ainsi que la limitation de l'épandage à proximité des eaux de surface, sur sols en forte pente, enneigés, détrempés ou gelés. Dans le cadre de la procédure contentieuse communautaire, un renforcement de la réglementation en matière de protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole a été engagé depuis 2011 et se poursuivra en 2013. Ainsi le programme d'actions national est entré en vigueur en septembre 2012 et la révision des zones vulnérables s'est achevée en décembre 2012. L'année 2013 sera consacrée à compléter le programme d'actions national et à élaborer les programmes d'actions régionaux qui entreront en vigueur au 2e semestre 2013. Le Gouvernement porte toute son attention à la conciliation des exigences imposées par la directive « nitrates » avec le respect des principes agronomiques. S'agissant de la question des seuils de pente au-delà desquels les épandages de fertilisants sont interdits, le Gouvernement a pris connaissance des interrogations relatives à l'application des dispositions envisagées au cas du vignoble champenois. Cette mesure figure dans le programme d'action national conformément à l'architecture de la réglementation nitrates issue du décret du 10 octobre 2011. Elle fait l'objet d'un des griefs du contentieux en cours devant la Cour de justice de l'Union européenne et une exclusion de la vigne de cette mesure n'est pas envisageable. Pour autant, une expertise est en cours afin d'approfondir les enjeux et solutions adaptées. Le résultat de cette analyse sera examiné à l'issue de la procédure de consultation du public. S'agissant des deux autres demandes relatives à l'épandage des effluents sur sols gelés et aux distances d'épandage par rapport au cours d'eau par chaque type d'effluents, des analyses techniques sont également en cours afin d'approfondir ces deux sujets. Des solutions adaptées pourront être proposées après la consultation du public, en veillant à une argumentation technique solide compte tenu des griefs du contentieux communautaire qui vise ces questions.
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