M. René-Paul Savary interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au sujet du programme d'actions national à mettre en œuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole.
Plus de 20 000 hectares sont plantés en vignes d'appellation champagne qui sont ancestralement sur des pentes fortes pour profiter de l'exposition et assurer le drainage des sols.
Il précise l'importance de l'apport de matière organique sur les sols en forte pente afin d'assurer la stabilité structurale des sols, via la formation de ponts argilo-humiques et de ponts calciques, dans le but de réduire les risques d'érosion et de lessivage, notamment de nitrates.
L'apport de certains fertilisants de type I, comme les écorces fraiches broyées, est très souvent utilisé afin d'assurer la portance des engins viticoles, réduisant ainsi les phénomènes d'orniérage et de compactage des sols. La présence d'une ornière ou d'un sol compacté a tendance à canaliser l'eau en surface, augmentant ainsi le lessivage. Les écorces jouent également un rôle non négligeable dans la lutte directe contre les phénomènes de ruissellement et d'érosion.
D'un point de vue général, les vignes sont volontairement cultivées sur les pentes fortes pour assurer une exposition optimale et le drainage des sols.
Dans le contexte champenois, les pentes supérieures à 15 % représentent 40 % de l'AOC (Appellation d'origine contrôlée), tandis que les pentes supérieures à 10 % représentent 65 % de l'AOC. L'arrêt de la fertilisation sur ces surfaces représenterait un danger agronomique.
Dès lors, les préconisations d'enherbement de certaines parcelles, impossibles à suivre du fait de la concurrence azotée de l'herbe, induirait l'amplification des risques d'érosion et de lessivage. Ainsi, les rendements seraient plus faibles et les viticulteurs feraient face à des problèmes de fermentation du fait de la carence azotée des moûts. Il précise que cela aurait pour effet la baisse de la qualité du produit Champagne.
Il précise qu'il serait judicieux d'exclure la vigne et autres cultures pérennes de ces interdictions et souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
En matière de protection de la qualité des eaux, la lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important qui s'inscrit dans un contexte de contentieux communautaire. En effet, la France a été assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne pour mauvaise application de la directive 91/676/CEE dite directive « nitrates » dans le cadre d'un double contentieux. Le premier porte sur l'insuffisance des délimitations de zones vulnérables, le second sur l'insuffisance des programmes d'actions qui s'y appliquent. Le zonage vient d'être revu et le contenu des programmes d'action est en cours de modification. S'agissant du contenu des programmes d'action, la directive fixe les mesures qui doivent y être incluses. Elles concernent notamment le stockage des effluents d'élevage, les calendriers d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, les conditions d'épandage des fertilisants azotés afin de respecter l'équilibre de la fertilisation, la limitation de l'épandage des effluents d'origine animale à 170 kg d'azote par an et par hectare, ainsi que la limitation de l'épandage à proximité des eaux de surface, sur sols en forte pente, enneigés, détrempés ou gelés. Dans le cadre de la procédure contentieuse communautaire, un renforcement de la réglementation en matière de protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole a été engagé depuis 2011 et se poursuivra en 2013. Ainsi le programme d'actions national est entré en vigueur en septembre 2012 et la révision des zones vulnérables s'est achevée en décembre 2012. L'année 2013 sera consacrée à compléter le programme d'actions national et à élaborer les programmes d'actions régionaux qui entreront en vigueur au 2e semestre 2013. Le Gouvernement porte toute son attention à la conciliation des exigences imposées par la directive « nitrates » avec le respect des principes agronomiques. S'agissant de la question des seuils de pente au-delà desquels les épandages de fertilisants sont interdits, le Gouvernement a pris connaissance des interrogations relatives à l'application des dispositions envisagées au cas du vignoble champenois. Cette mesure figure dans le programme d'action national conformément à l'architecture de la réglementation nitrates issue du décret du 10 octobre 2011. Elle fait l'objet d'un des griefs du contentieux en cours devant la Cour de justice de l'Union européenne et une exclusion de la vigne de cette mesure n'est pas envisageable. Pour autant, une expertise est en cours afin d'approfondir les enjeux et solutions adaptées. Le résultat de cette analyse sera examiné à l'issue de la procédure de consultation du public. S'agissant des deux autres demandes relatives à l'épandage des effluents sur sols gelés et aux distances d'épandage par rapport au cours d'eau par chaque type d'effluents, des analyses techniques sont également en cours afin d'approfondir ces deux sujets. Des solutions adaptées pourront être proposées après la consultation du public, en veillant à une argumentation technique solide compte tenu des griefs du contentieux communautaire qui vise ces questions.
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