Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'état d'avancement des discussions avec la Chine pour régler le contentieux relatif aux biens pillés par les armées françaises lors du sac du palais d'Été.
Elle rappelle que le saccage du palais d'Été des empereurs de Chine par les armées françaises et britanniques, en 1860, lors de la seconde guerre de l'opium, demeure, en Chine, un symbole douloureux des agressions commises par les puissances étrangères. Nombre de trésors pillés dans ce palais ont été emportés à l'étranger et notamment en France. Dès 1861, Victor Hugo, écrivait : « J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée ».
Les tensions autour des trésors du palais d'Été sont périodiquement ravivées lors de ventes aux enchères : celle, en décembre dernier, d'un sceau impérial ou celle, en 2009, de deux têtes en bronze de la collection Yves Saint Laurent/Pierre Bergé, qui viennent, finalement, d'être rachetées par François Pinault pour les offrir à la Chine.
Par ailleurs, la restitution des œuvres spoliées constitue une exigence de plus en plus forte pour les musées publics, tant pour des raisons d'éthique que pour des considérations juridiques – le concept de « musée propre » émergeant comme une nouvelle norme à l'échelle internationale.
S'il existe des difficultés juridiques concernant la restitution de biens spoliés il y a plus de cent cinquante ans et dont beaucoup ont, par la suite, été légalement acquis par des particuliers, une véritable prise en compte de cet enjeu légué par l'histoire répondrait à des exigences morales légitimes et pourrait s'inscrire dans le cadre de la coopération culturelle franco-chinoise.
Elle souhaiterait donc savoir si un travail d'identification et de localisation des biens issus du pillage du palais d'Été détenues sur le territoire français par des personnes privées ou par des organismes publics a été mené, et quelles mesures de conciliation des intérêts sont envisagées afin que ce litige cesse d'entacher les relations franco-chinoises.
La ministre de la culture et de la communication ne souhaite pas que soient associés le souvenir douloureux pour la Chine du sac du Palais d'été et le sort des collections nationales. Si les faits remontant à 1860 ne peuvent être cautionnés, la dispersion des œuvres du Palais d'été dans des collections privées et publiques du monde entier est désormais prescrite. Les œuvres ne relèvent pas du cadre juridique international en vigueur, notamment de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Les situations anciennes, aussi condamnables puissent-elles paraître pour la conception que l'on en a au XXIème siècle, ne peuvent être réglées par ces conventions qui, comme tout texte de droit, n'ont pas d'effet rétroactif. Le Gouvernement regarde avec bienveillance le geste d'ordre privé consenti par Monsieur François Pinault d'offrir à la Chine les deux têtes en bronze de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé, issues de la fontaine du zodiaque du Palais d'été. Mais il est nécessaire de rappeler que les biens des collections publiques françaises n'obéissent pas aux mêmes règles. Protégées par le principe d'inaliénabilité, les œuvres inscrites à l'inventaire des musées de France ne peuvent sortir du domaine public auquel elles ont été intégrées que dans des conditions très encadrées. En revanche, le ministère de la culture et de la communication est extrêmement vigilant sur les acquisitions récentes destinées aux musées publics. Les œuvres font l'objet de vérifications visant à vérifier leur parcours et les musées de France respectent des principes déontologiques stricts qui peuvent parfois mener, en cas de problèmes de provenance avérés, à renoncer à des projets d'acquisition. La France a ainsi procédé à la remise des biens dont l'origine douteuse n'avait pu être détectée avant l'achat, en remettant en 2009 à l'Égypte, cinq fragments de fresque murale de la tombe de Tétiky. Même si la question des revendications de biens culturels demeure très aiguë, la réponse à y apporter est fort complexe : le bien-fondé du point de vue du pays requérant rencontre d'autres légitimités, qui se sont forgées avec le temps dans le pays qui conserve les biens réclamés. Cependant, il est heureux que d'autres formes de relations non conflictuelles et de coopération au plan scientifique puissent être établies autour de ces objets et de cette histoire partagée. Ainsi, le Poly Art Museum de Pékin a exprimé le souhait de publier, selon des modalités restant encore à préciser, en édition trilingue (chinois, anglais, français) l'ensemble des objets chinois conservés à Fontainebleau, autant ceux provenant du Palais d'été que ceux venant du mobilier français de l'Impératrice Eugénie. Cette coopération scientifique serait conduite en collaboration entre les spécialistes, en Chine, du Poly Art Museum, de la Cité interdite, du musée national de Chine à Pékin, ainsi qu'en France, du musée Guimet et du château de Fontainebleau.
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