Mme Colette Giudicelli attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les risques liés au« shadow banking ». Le « shadow banking » peut être défini comme le système bancaire parallèle, système d'intermédiation de crédit auquel concourent des entités et activités qui ne font pas partie du système bancaire classique. Il s'agit d'un système qui contourne la réglementation grâce à une fragmentation extrême des activités et donc d'une réalité difficilement observable puisqu'elle échappe aux règles du jeu de l'univers bancaire traditionnel. Comme le « shadow banking » échappe aux autorités de contrôle, il n'est pas soumis aux contraintes que le législateur impose aux établissements bancaires classiques. S'il n'est pas soumis à la même réglementation, il est néanmoins intrinsèquement lié au secteur bancaire classique : ainsi, dans le « Livre vert » de la Commission européenne sur le système bancaire parallèle « les activités du système bancaire parallèle sont souvent étroitement liées au secteur bancaire traditionnel. Toute défaillance peut avoir des répercussions et des effets de contagion importants. En période de tensions ou en cas d'incertitudes graves, les risques pris par le système bancaire parallèle peuvent se transmettre au secteur bancaire traditionnel par plusieurs voies ». Lorsque les activités classiques des banques sont sujettes à difficultés, ces difficultés sont démultipliées à cause des interconnexions avec les activités du secteur parallèle. Les spécialistes estiment que l'étendue du système bancaire parallèle représente 67 trillions de dollars, soit 25 % de l'ensemble du système financier et la moitié des actifs des banques. C'est dire l'importance de cette réalité totalement incontrôlable à l'heure actuelle. Elle aimerait savoir quelle analyse il fait de ce système, quelles sont les pistes envisagées par l'Union européenne pour réglementer et pour contrôler cet univers financier de manière à prévenir les risques systémiques et l'instabilité financière, et quelles sont les mesures prises dans notre pays pour se préserver des périls que fait courir le « shadow banking » au système bancaire traditionnel.
La France a soutenu les travaux menés au niveau du G 20 sur la régulation du « shadow banking system », que l'on peut définir comme la chaîne d'intermédiation de crédit non bancaire. Ces travaux sont le complément indispensable de l'effort de renforcement de la régulation des banques (Bâle II,5 et Bâle III) qui risque de conduire au développement de l'intermédiation hors bilan et plus généralement de favoriser le modèle bancaire « originate to distribute ». Le but de ces travaux n'est pas de stigmatiser les techniques financières caractéristiques de ce modèle dont certaines peuvent être utiles au financement de l'économie, mais de réduire les opportunités d'arbitrage réglementaire et les risques pour la stabilité financière qui peuvent découler de certaines entités ou activités. Les principaux risques liés au développement du « shadow banking system » ont été identifiés par le conseil de stabilité financière dans son rapport de novembre 2011 présenté au sommet de Cannes : risque de constitution de poches de liquidité non régulées, de levier excessif, transfert de risques imparfaits, pouvant conduire à donner aux originateurs de crédit de mauvaises incitations. Trois domaines sont particulièrement importants : le recours aux fonds monétaires dits à valeur liquidative constante, qui induisent les investisseurs à croire qu'ils détiennent un produit parfaitement sûr, alors que ces produits sont très vulnérables aux « runs » (retraits soudains des liquidités placées auprès d'eux), constitue la principale poche de liquidité non régulée ; l'un des principaux risques associés aux activités du système bancaire parallèle est leur possible contribution à la constitution d'une crise de liquidité à travers un levier excessif. À cet égard, il est nécessaire de mettre en place un dispositif sûr et efficace qui protège les investisseurs et limite le levier agrégé obtenu au moyen de la réhypothécation ou de la réutilisation (« re-use ») ; un problème plus spécifique au secteur européen concerne le manque d'un dispositif global cohérent pour la régulation des originateurs de crédit non bancaire. Cette question renvoie au caractère très hétérogène de la définition des banques en Europe : il existe ainsi des « sociétés financières » qui dans certains pays sont soumises à la directive CRD et dans d'autres à des cadres de régulation et de supervision totalement différents voire inexistants. Ce problème va devenir aigu avec la directive CRD IV qui aboutira dans de nombreux cas (comme en France) à réduire le champ des « établissements de crédits » en raison d'une définition très restrictive. En termes de régulation européenne du système bancaire parallèle, les autorités françaises soutiennent la démarche initiée par la Commission européenne. Si une démarche globale est souhaitable lorsqu'elle est possible, il est peu probable que l'ensemble des juridictions parviennent à s'accorder sur ces questions. Une démarche européenne est donc souhaitable. Elle pourrait comporter plusieurs volets et inclure les éléments mentionnés ci-dessus : cadre réglementaire pour les entités qui octroient du crédit sans être couvertes par la CRD IV, régulation des fonds monétaires, et initiatives sur la réutilisation et le prêt-emprunt de titres. La France soutiendra pleinement ces démarches. À cet égard, la France soutient la récente initiative de la Commission européenne sur les fonds monétaires publiée en septembre 2013, mais regrette son manque d'ambition vis-à-vis des fonds à valeur liquidative constante. La France soutiendra dans les négociations de ce nouveau projet de règlement l'option visant à contraindre les fonds à valeur liquidative constante à se transformer en fonds à valeur liquidative variable, dans la lignée des recommandations internationales (au niveau du conseil de stabilité financière), comme européennes (comité européen du risque systémique).
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