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Ronan Kerdraon
Question écrite N° 6424 au Ministère du travail


Accords d'entreprises dans les sociétés de moins de onze salariés

Question soumise le 23 mai 2013

M. Ronan Kerdraon appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'actuelle impossibilité de conclure des accords d'entreprises dans les sociétés de moins de onze salariés.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a permis aux entreprises ayant des élus non syndiqués, de signer des accords d'entreprise sous réserve de validation de la branche.

Cette possibilité n'existe pas dans les entreprises de moins de onze salariés et dans les entreprises n'ayant aucun représentant syndical élu.

Aujourd'hui, il serait pourtant souhaitable que des accords puissent être négociés même dans les toutes petites entreprises sur des sujets qui ne sont pas traités dans la convention collective.

Cela est notamment le cas pour les accords temps de travail. A titre d'exemple, une entreprise de huit salariés ayant une activité saisonnière se voit dans l'impossibilité de mettre en place un accord de modulation annuelle si sa convention collective ne le prévoit pas et ce, même si tous les salariés en sont d'accord.

Pour ces entreprises, il existe un vide juridique alors même que la loi prévoit des dispositions sous réserve qu'un accord soit signé.

Il existe donc une inégalité qui met certaines entreprises dans une situation juridique très délicate et instable.

Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement quant à la possibilité d'ouvrir le droit à toutes les entreprises de signer des accords après consultation des salariés.

Réponse émise le 31 octobre 2013

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a assoupli les conditions dans lesquelles les entreprises dépourvues de délégué syndical peuvent négocier avec des représentants élus du personnel, ou à défaut, et lorsque l'absence d'élus est établie par un procès verbal de carence, avec un salarié mandaté. Elles s'inscrivent dans le cadre défini par le conseil constitutionnel à l'occasion de sa saisine sur la conformité à la constitution de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à la négociation avec des représentants élus du personnel ou avec des salariés mandatés. Il a alors conclu à la conformité de la loi à la constitution en considérant que la loi ne contrevenait, ni au sixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel « tout homme peut défendre ses droits et intérêts par l'action syndicale... », ni au huitième alinéa, selon lequel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » (décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996). Si le conseil constitutionnel dans la décision précitée a reconnu la conformité de la loi à la constitution, c'est précisément parce que le législateur, en contrepartie de l'ouverture du droit de négocier et conclure des accords collectifs en l'absence de délégué syndical, a prévu un certain nombre de garanties à l'égard des négociateurs. Le pouvoir de négocier et de conclure a en effet été réservé, soit à des « salariés désignés par la voie de l'élection », soit à des « titulaires d'un mandat assurant leur représentativité », cette dernière précision impliquant que le mandat soit confié par une organisation syndicale représentative. C'est dans cet esprit que les règles, introduites par l'article 9 de la loi du 20 août 2008 qui transpose les stipulations de la position commune du 10 avril 2008 signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) ont pour objet de développer le dialogue social, en particulier dans les petites entreprises mais n'ont pas entendu ouvrir ces modes dérogatoires de négociation sans prévoir des garanties minimales exigées à l'égard des négociateurs. C'est également le sens de l'arrêt de conseil d'État du 9 novembre 2011 (CE n° 352029, 1re et 6e sous-sections réunies) qui a quant à lui décidé de ne pas renvoyer au conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité posée sur ce même sujet, considérant que les dispositions légales, en ne permettant pas la conclusion d'accords collectifs directement avec les salariés ne méconnaissaient pas le principe constitutionnel de participation : « qu'en confiant ainsi, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, le pouvoir de négociation collective à des délégués des salariés de l'entreprise élus ou mandatés, sans prévoir la possibilité d'une négociation directe avec l'ensemble des salariés de l'entreprise, le législateur n'a pas méconnu les dispositions du huitième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ; qu'en réservant par ailleurs cette négociation à des délégués qui sont salariés de l'entreprise, et qui bénéficient, grâce à leur statut de salarié protégé ou aux droits conférés par l'article L. 2232-25 aux salariés mandatés, de garanties suffisantes d'indépendance à l'égard de l'employeur, le législateur n'a pas davantage méconnu ces dispositions ». En conséquence, confier aux salariés d'une entreprise de moins de onze salariés le pouvoir de négocier directement avec l'employeur un accord collectif risquerait de se heurter notamment au respect du principe de « loyauté » dans la négociation qui suppose l'existence de garanties suffisantes en matière d'indépendance des négociateurs vis-à-vis de l'employeur et donc d'équilibre de la négociation. En outre, dans le cas envisagé d'une entreprise de huit salariés dont l'employeur souhaite aménager la durée du travail sous forme de modulation, il s'agit du type même de négociation qui nécessite un encadrement car elle déroge au droit commun de la durée du travail. Ce type d'aménagement du temps de travail n'est pas interdit mais conformément à l'article L. 3122-2 du code du travail, il ne peut être mis en place que par accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par accord de branche. Dans un tel cas, les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche sont les garantes de la défense des intérêts des salariés qu'elles sont appelées à représenter.

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