Mme Natacha Bouchart attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les menaces que fait courir à la société Eurotunnel la remise en cause des tarifs de péage pratiqués pour l'accès au tunnel.
Acteur structurant du détroit et du trafic transmanche, Eurotunnel risque de voir sa stabilité remise en cause par la plainte déposée par Eurostar auprès de la commission intergouvernementale du tunnel sous la Manche, et par les demandes de la Commission européenne jugeant la tarification excessive. Cette dernière est pourtant conforme à la convention d'usage signée à l'origine du projet et a été déterminée pour permettre à l'exploitant du tunnel de faire face aux investissements liés à cette infrastructure majeure. Le développement du transmanche doit pouvoir s'appuyer sur un exploitant du tunnel stable et sur une multiplicité de partenaires et d'acteurs, dont la bonne coexistence doit être préservée dans l'intérêt de tous. Au contraire, la déstabilisation d'Eurotunnel pourrait avoir des conséquences négatives sur l'emploi, dans le bassin du Calaisis déjà touché par le chômage.
Elle lui demande ce que le Gouvernement compte entreprendre pour empêcher la déstabilisation d'Eurotunnel, au plan tant européen avec la Commission européenne qu'auprès d'Eurostar, dont l'actionnaire majoritaire est la SNCF.
Le tunnel sous la Manche est une infrastructure stratégique autant pour les déplacements en Europe que pour les emplois qu'il induit dans toute la région Nord-Pas-de-Calais. Son modèle économique fait actuellement, cependant, l'objet de deux procédures d'examen distinctes, l'une initiée par la société Eurostar le 19 mars 2013 devant la Commission intergouvernementale (CIG) et l'autre sous la forme d'un avis motivé envoyé par la Commission européenne le 21 juin aux États français et britannique sur la méconnaissance des directives du « premier paquet ferroviaire ». Les critiques d'Eurostar, qui ne saurait bien entendu être privé de son droit de recours, ne portent cependant pas sur le montant des tarifs du tunnel mais sur un éventuel manque de clarté de son document de référence du réseau. Il reviendra à la CIG, qui est indépendante, de se prononcer sur ce point. En revanche, les arguments de la Commission européenne, et surtout sa communication au moment de l'envoi de l'avis motivé, se sont concentrés sur un supposé tarif trop important des péages du tunnel, particulièrement pour le fret. S'il est vrai que le fret ferroviaire doit être préservé et encouragé, objectif qu'Eurotunnel a toujours soutenu et poursuit aujourd'hui avec son projet ETICA (offrant des tarifs réduits à de nouveaux services de fret innovants), la base juridique de l'avis motivé de la Commission européenne, qui conteste les principes mêmes de la convention d'utilisation du tunnel, apparaît cependant très contestable. La France et le Royaume-Uni ont déjà fait valoir à la Commission que cette convention était un accord-cadre d'une durée exceptionnelle, correspondant à un investissement important et de longue durée, cas explicitement prévu par l'article 17 de la directive 2001/14 du 26 février 2001. Le raisonnement de la Commission européenne, s'il était validé, fragiliserait d'ailleurs tous les partenariats public-privés ferroviaires en Europe. Des analyses croisées ont eu lieu entre les deux gouvernements dont il ressort que les arguments juridiques de la Commission semblent trop peu solides pour que celle-ci ait une chance raisonnable de gagner sur le fond si ces questions devaient être portées devant la Cour de justice de l'Union européenne. La France et le Royaume-Uni ont porté un message dans ce sens à la Commission et continueront à défendre conjointement une vision réaliste du modèle économique de l'entreprise.
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