M. Richard Yung attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les actions qu'il compte engagerà la suite de la publication de l'avis n°13-10 de la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) en date du 16 septembre 2013 relatif aux relations commerciales des hôteliers avec les entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière.
Il rappelle que les contrats conclus entre les agences en ligne ou OTA (Online Travel Agencies) et les hôteliers contiennent, de manière quasi systématique, de nombreuses stipulations défavorables aux hôteliers et assimilables à des pratiques restrictives de concurrence.
La CEPC en donne plusieurs exemples : clause de parité (alignement automatique des disponibilités, conditions, et tarifs sur ceux consentis aux concurrents voire pratiqués par l'hébergeur lui-même), durée de préavis insuffisante au regard de la durée de la relation commerciale et du délai nécessaire au redéploiement de l'activité, clause résolutoire trop générale pour viser un manquement grave justifiant la rupture immédiate, possibilité pour l'OTA de modifier unilatéralement le contrat avec l'obligation pour l'hôtelier d'accepter ces modifications sous peine de s'exposer à une rupture brutale du contrat.
À ces cas précis s'ajoutent les stipulations contractuelles de tout type créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties : clauses entravant la liberté de l'hôtelier de prospecter la clientèle par ses propres moyens, clauses limitatives de responsabilité au seul bénéfice de l'OTA, clauses conférant à l'OTA un pouvoir unilatéral et discrétionnaire, etc. Ces clauses dépourvues de réciprocité et de contreparties créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment des hôteliers.
Si la CEPC a estimé que toutes ces stipulations insérées dans les contrats conclus entre les OTA et les hôteliers sont bien contraires au droit français des pratiques restrictives de concurrence, plus précisément à l'article L. 442-6 du code de commerce, elle souligne la difficulté pour les hôteliers d'attaquer ces contrats en justice.
En effet, la majorité de ces contrats contiennent, d'une part, une clause attributive de compétence désignant une juridiction située dans un autre États-membre de l'Union européenne et, d'autre part, une clause de désignation d'une loi étrangère plus permissive.
L'effet combiné de ces deux clauses écarte, dans certaines circonstances, l'application du droit français des pratiques restrictives de concurrence lorsque le contentieux est initié par l'un des contractants.
En revanche, l'avis de la CEPC met en avant la possibilité pour le ministre de l'économie, en charge de la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, d'introduire une action en justice, comme l'y autorise le III de l'article L. 442-6 du code de commerce. La pratique litigieuse portant atteinte au fonctionnement du marché français, son action pourra être exercée devant une juridiction française qui pourra appliquer le droit français des pratiques restrictives de concurrence.
Compte-tenu de ces éléments, il souhaiterait savoir s'il envisage, premièrement, de faire usage de la procédure offerte par le III de l'article L.442-6 du code de commerce pour attaquer les clauses abusives des contrats conclus entre les hôteliers français et les OTA, et, si tel était le cas, selon quelles modalités d'action (demande de cessation des pratiques, constatation de la nullité des clauses et contrats illicites, demande de réparation des préjudices ou d'amende civile) ; deuxièmement, d'engager à l'échelle européenne des discussions visant à rapprocher les législations en termes de droit de la concurrence et des pratiques restrictives de concurrence.
Deux grandes catégories d'acteurs interviennent sur le marché des hôtels en ligne : les établissements hôteliers eux-mêmes et les intermédiaires en ligne, qui se rémunèrent via une commission sur le chiffre d'affaires réalisé sur la location des chambres d'hôtels. Le développement du e-tourisme est corrélé aux nouveaux modes de consommation et usages numériques : internet représente un outil indispensable au développement du secteur hôtelier. Les sociétés qui n'utilisent pas ce moyen de distribution, qui tend à devenir incontournable, prennent donc le risque de s'isoler et de perdre des parts de marché. Selon une étude menée par Atout France en août 2013 auprès de 615 hôteliers-restaurateurs, plus de 67 % des professionnels interrogés ont aujourd'hui un partenariat avec un intermédiaire ; 64 % de ces hôteliers leur reversent une commission variant de 15 à 30 % du prix de la chambre. Si les plateformes de réservation accroissent le nombre de canaux de distribution, et facilitent pour les consommateurs la comparaison et l'achat des prestations, le Gouvernement demeure néanmoins attentif à ce que la puissance de marché acquise par ces opérateurs ne donne pas lieu à des abus au détriment de l'équilibre de leurs relations contractuelles avec les établissements hôteliers. Ainsi, à compter de 2011, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a diligenté une enquête d'envergure dans ce secteur. Grâce à cette action, plusieurs plateformes de réservation ont été condamnées en septembre 2011 pour différentes infractions au droit de la consommation (informations trompeuses sur la disponibilité des chambres d'hôtel, fausses annonces de réduction de prix...). Mais cette enquête a également mis en évidence diverses clauses et pratiques abusives dans les relations liant les online travel agency (OTA) aux hôteliers français, entraînant pour ces derniers une restriction de liberté tarifaire et commerciale. En particulier, deux types de clauses figurant dans les contrats liant certaines plateformes de réservation aux hôteliers français sont susceptibles de contrevenir à l'article L. 442-6 du code de commerce. Il s'agit plus précisément : de la mention qui prévoit l'alignement du prix de la chambre sur le tarif en ligne le plus bas pratiqué par ailleurs (clause dite de parité des tarifs), de la mise en vente obligatoire sur la plateforme de réservation de la dernière chambre disponible ou de la mention selon laquelle l'hôtelier doit attribuer au moins autant de chambres à tel OTA qu'il attribue à tel autre OTA (clause dite de parité des disponibilités). Ces clauses, très dommageables pour les hôteliers, sont analysées par la DGCCRF comme contraires à l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce qui prohibe le « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (disposition validée en 2011 par le Conseil constitutionnel) et à la prohibition des clauses d'alignement automatique sur les conditions contractuelles les plus favorables obtenues par tout concurrent de l'OTA (article L. 442-6 II d du code de commerce). Cette analyse est partagée par la commission d'examen des pratiques commerciales. Le déséquilibre significatif est par ailleurs, selon cette instance, accentué par diverses autres stipulations dont l'effet cumulé entraîne une situation fortement défavorable à l'hôtelier. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments de fait et de droit, le ministre de l'économie a assigné en novembre 2013 puis en février 2014, deux de ces OTA, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. Conformément au III de ce même article, il sollicite en l'espèce la nullité des clauses litigieuses précitées, la cessation des pratiques et une amende civile de 2 millions d'euros destinée à couvrir l'atteinte à l'ordre public économique dont il est le garant. En tant que de besoin, d'autres actions de ce type seront engagées, afin de faire constater par le juge l'existence d'une entrave abusive à la liberté commerciale et tarifaire des hôteliers. Par ailleurs, si historiquement la France est l'un des premiers États membres de l'Union européenne à s'être doté d'une législation complète et aboutie en matière d'équilibre des relations commerciales, cet état de fait pourrait évoluer avec la prise de conscience par la Commission des enjeux en la matière. Enfin, le ministre de l'économie a saisi en novembre 2014 l'Autorité de la concurrence afin qu'elle puisse lui faire part de son avis sur la nature des relations contractuelles entre hôteliers et centrales de réservation en ligne. Annoncée lors de la clôture des Assises du tourisme le 19 juin 2014 par le ministre des affaires étrangères et du développement international, cette saisine vise à la clarification des pratiques existantes.
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