M. Bruno Retailleau appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur les problèmes récurrents liés au logiciel Louvois.
En dépit des alertes de nombreux parlementaires, plusieurs milliers de militaires et personnels civils de la défense rencontrent de grandes difficultés pour obtenir le paiement de leurs soldes. Ces erreurs pénalisent fortement le quotidien de ceux et celles qui s'engagent pour notre pays, mais aussi celui de leur famille.
Au-delà de cette situation fluctuante extrêmement dommageable, les erreurs de paiements sont susceptibles d'avoir des répercussions dramatiques sur les prestations sociales versées par les caisses d'allocations familiales (CAF), les aides personnalisées au logement (APL), la crèche et la garderie.
Il souhaite donc savoir quelles mesures concrètes il entend mettre en place pour remédier à ces situations et ainsi rassurer les familles des professionnels de la défense.
Dans le cadre d'une réforme de la fonction ressources humaines (RH) du ministère de la défense, a été mis en service, au mois d'octobre 2011, le logiciel Louvois (LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde), un calculateur de rémunération « raccordé » aux systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) des armées, dans lesquels se trouvent les données nécessaires au calcul de la solde. Ce projet de grande ampleur s'est inscrit dans une démarche complexe et risquée. Complexe, parce que le calcul de la solde des militaires obéit à des règles particulières, nombreuses, parfois anciennes, qui correspondent à la grande diversité de leurs compétences, de leurs situations et des missions qui leur sont confiées ; risquée, parce qu'elle touchait à la rémunération et que, dans ce domaine, tout retard ou toute anomalie prend tout de suite, légitimement, des proportions importantes. En dépit de ces éléments qui ne pouvaient être ignorés, la méthode adoptée en 2011 par le Gouvernement pour le déploiement du logiciel Louvois a eu pour conséquence, lors de la brutale bascule informatique des soldes, l'émergence de difficultés majeures de fonctionnement et le mécontentement légitime du personnel directement affecté. Conscient de ces graves dysfonctionnements et les jugeant inacceptables, le ministre de la défense a estimé que le système devait être stabilisé sans délai et les difficultés sérieusement prises en compte. Il a demandé un état des lieux précis des dossiers encore en souffrance, afin que tous les moyens nécessaires à leur régularisation soient mis en œuvre. Dans cette même dynamique, il a présenté, dès le 25 septembre 2012, au centre expert RH soldes de l'armée de terre de Nancy (CERHS), un plan d'action opérationnel le jour-même, se concrétisant par : - le renforcement des effectifs du CERHS pour lui permettre de traiter de façon satisfaisante toutes les demandes dans un délai raisonnable ; - la mise en place, depuis le 1er octobre 2012, d'un numéro vert accessible aux militaires et à leurs familles afin de répondre directement à toutes leurs questions et de les accompagner dans le traitement de leur dossier ; - la création d'un « groupe utilisateurs » rassemblant les acteurs de la solde du ministère, les représentants des militaires et de leurs familles, et auquel est associé le conseil supérieur de la fonction militaire ; - l'instauration d'un contrôle mensuel de la fonction solde permettant une double remontée des incidents, à la fois par la chaîne de commandement et par la chaîne solde ; - l'établissement d'un dispositif spécifiquement dédié au suivi du versement des soldes et des primes du personnel de retour d'opérations extérieures (OPEX), s'inscrivant dans le devoir de reconnaissance de la Nation envers celles et ceux que leur engagement expose à de difficiles et périlleuses missions. Pour accompagner ces actions, le ministre a décidé la création d'une mission d'appui avec le déploiement d'équipes de spécialistes dans toutes les bases de défense. Par ailleurs, le 30 octobre 2012, le ministre a annoncé la mise en place d'une procédure exceptionnelle d'urgence pour que tous les militaires vis-à-vis desquels l'État a une dette soient payés immédiatement par le centre interarmées d'administration de la solde sur fonds d'avance, lorsqu'ils en font la demande. Tous les militaires qui ont demandé la régularisation des sommes qui leur étaient dues ont été payés. Dans le même temps, le ministre de la défense s'est efforcé de sensibiliser les opérateurs bancaires aux difficultés auxquelles la communauté militaire est temporairement susceptible d'être confrontée. Simultanément, des solutions de nature à garantir une juste appréciation de la situation des militaires au regard du calcul et des modalités de recouvrement de leur impôt sur le revenu ont été étudiées par le ministère de la défense en liaison avec la direction générale des finances publiques. Par mesure dérogatoire à l'article 12 du code général des impôts, il a notamment été convenu que le revenu d'activité imposable des intéressés au titre des années 2012 et 2013 serait calculé sur la base du montant qu'ils auraient perçu si les dysfonctionnements liés à Louvois ne s'étaient pas produits. Des imprimés modèle 2470 et des certificats administratifs mentionnant ce montant ont été établis et adressés aux services administratifs et/ou aux militaires concernés afin de les aider à renseigner leur déclaration de revenus et de servir de justificatif auprès des différents services sociaux. En outre, à la suite des recommandations des audits réalisés à la demande du ministre, un plan d'action décliné en douze chantiers couvrant l'intégralité du spectre de la fonction solde a été lancé début 2013. À cet égard, une attention particulière est portée aux domaines suivants : gouvernance de l'écosystème « RH Solde », pilotage fonctionnel de la chaîne opérationnelle, suivi comptable et réglementaire, fiabilisation du calculateur. Tout au long de l'année 2013, le ministère de la défense s'est de la sorte attaché à redéfinir, renforcer et réaménager sa chaîne de responsabilités et d'exécution de la fonction « RH Solde ». Au mois de décembre 2013, de nouvelles modalités d'organisation et de gestion ont été fixées dans le cadre d'une instruction ministérielle qui permet aujourd'hui de disposer d'un référentiel clarifié et simplifié des acteurs de la solde, de leurs rôles et prérogatives, ainsi que des procédures de gestion, de pilotage et de contrôle. Ces acteurs s'inscrivent désormais dans une architecture fonctionnelle organisée en trois niveaux hiérarchisés : - le premier niveau (échelon stratégique) est constitué d'un comité directeur « RH Solde », présidé par le directeur des ressources humaines du ministère de la défense. Ce comité est chargé de déterminer les orientations stratégiques de l'ensemble de la chaîne de paye ; - le deuxième niveau (échelon opérationnel) est confié à un comité de pilotage « RH Solde », présidé par le directeur central du service du commissariat des armées. Cet organisme est responsable des décisions et des actions relatives à l'animation, au suivi et au contrôle de la chaîne ; - le troisième niveau (échelon tactique) correspond à un comité de cohérence technique des systèmes d'information, chargé de veiller à la coordination technique et fonctionnelle des systèmes d'information (SIRH Concerto, Arhmonie et Rhapsodie, calculateur Louvois). Un nouveau dispositif fondé sur le contrôle interne comptable et budgétaire a également été instauré afin de définir avec exactitude le montant de la solde de chaque administré et celui des charges sociales afférentes. Ce dispositif prévoit en particulier de centraliser le contrôle interne de niveau 2 de la chaîne « RH Solde » au niveau d'un seul acteur, le service ministériel opérateur des droits individuels (SMODI), appuyé par le centre d'analyse et de contrôle interne comptable (CACIC). Les mesures adoptées depuis 2012 et les travaux réalisés dans le cadre du plan d'action ministériel décidé début 2013 ont permis de poursuivre, en 2014, l'amélioration des performances techniques du calculateur et de l'organisation de la chaîne de production de la solde. Les renforts du centre de maintenance informatique de la solde, pleinement opérationnels depuis le début de l'année 2014, produisent ainsi chaque mois une nouvelle version du logiciel comportant un nombre conséquent de corrections et d'évolutions du calculateur. De plus, une meilleure maîtrise des flux entre Louvois et les SIRH permet en général aux gestionnaires de corriger les dysfonctionnements avant la clôture du cycle de la solde et d'éviter qu'ils impactent les militaires. Les améliorations apportées au logiciel ont également permis de lever le moratoire sur les reprises d'avances, au mois de mai 2014. L'armée de terre procède en conséquence actuellement à la régularisation de près de 118 000 dossiers en vue, d'une part, de rétablir chaque administré dans ses droits, en lui versant les sommes qui lui sont dues et, d'autre part, de préserver les droits de l'État et les finances du ministère en recouvrant les sommes indûment versées. Malgré ces progrès, la situation demeure précaire, rendant nécessaire une très forte implication des acteurs de la solde pour payer correctement les militaires. Un nouveau chantier technique a donc été engagé début 2014, tendant à sécuriser la chaîne « RH Solde ». Il s'agit en particulier d'améliorer les fonctions liées à l'historique et au calcul par rétroactivité de la solde, de sécuriser l'accès aux bases de données et de renforcer les outils et les procédures de test du logiciel. Dans ce contexte, le ministre de la défense, constatant que le calculateur Louvois ne fonctionnerait jamais de manière optimale, a fait part, le 3 décembre 2013, de sa décision de remplacer cet outil par un système qui, réalisé selon une démarche rigoureuse et pragmatique, sera de nature à sécuriser définitivement le paiement de la solde des militaires. D'ici à la mise en place de ce nouveau calculateur, prévue à partir de 2015 dans le cadre de la livraison d'un projet pilote et début 2017 dans sa version finale, le ministère de la défense poursuivra les efforts entrepris afin de maintenir sous contrôle l'ensemble du système Louvois et d'accompagner les militaires et leur famille en cas de difficultés. La conduite du nouveau projet a été confiée à une équipe de direction de programme intégrée. Un directeur de programme, appartenant à la direction générale de l'armement, et un officier de programme, membre de la direction des ressources humaines du ministère de la défense, animent ainsi, entourés d'un groupe d'experts dans les domaines techniques et fonctionnels, le dialogue compétitif et feront naître la solution technique en liaison avec le prestataire. L'équipe de conduite de projet intégrée rend compte à un comité directeur présidé par le directeur des ressources humaines du ministère de la défense. Cette méthode, qui a déjà fait ses preuves dans le cadre de la conduite des programmes d'armement, permettra de répondre aux besoins en s'assurant du respect du cahier des charges en termes de coût, de délais et de performance.
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