M. Félix Desplan attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation carcérale en Guadeloupe qu'il estime particulièrement préoccupante, après une visite qu'il a effectuée au centre pénitentiaire de Baie-Mahault en octobre 2013 et après le meurtre, par un condamné à une lourde peine, d'un de ses codétenus à l'aide d'un pic artisanal au début de novembre 2013.
Les agressions commises par les détenus sur les autres détenus mais aussi sur eux-mêmes et sur le personnel pénitentiaire augmentent de façon inquiétante.
En est manifestement à l'origine, pour une large part, la grande promiscuité qui règne dans les établissements pénitentiaires guadeloupéens. Par exemple, le taux d'occupation du quartier de la maison d'arrêt de Baie-Mahault est de 170 %. À quoi s'ajoutent la vétusté des locaux (les plus récents de la maison d'arrêt de Basse-Terre ont été construits en 1860), les conditions d'hygiène plus que déplorables et le manque de travail ou d'activités proposées aux détenus, contraints de rester la quasi totalité du temps dans des cellules ou dortoirs où on doit placer des matelas par terre la nuit (ainsi, deux matelas supplémentaires sont disposés au sol pour une cellule minuscule prévue pour quatre personnes).
Ces modalités d'incarcération affligeantes favorisent, en outre, la reconstitution, au sein de la prison, de gangs violents existant à l'extérieur et le développement de trafics en tout genre, que les moyens actuels de détection ne sont pas à même d'endiguer.
Le malaise des personnels pénitentiaires est profond, face à des conditions de travail de plus en plus pénibles et dangereuses.
Or, les projets de reconstruction complète de la maison d'arrêt de Basse-Terre et d'extension préalable du centre pénitentiaire de Baie-Mahault, prévus depuis plusieurs années, ont été « gelés » à la fin de 2012. Les crédits d'investissement disponibles ont, en effet, été affectés, en priorité, à la poursuite d'opérations immobilières déjà très engagées dans d'autres départements d'outre-mer, ainsi qu'aux opérations de mises en conformité jugées les plus urgentes à l'époque, les autres opérations lourdes devant n'être examinées que dans le cadre du prochain budget triennal 2016-2018.
La tension devient telle, dans les prisons de Guadeloupe - le département où l'on enregistre, cette année, le plus grand taux d'homicides de France -, qu'un plan à plus court terme semble s'imposer et il lui demande quelles dispositions elle envisage de prendre face à cette situation d'extrême violence.
Soucieuse d'apporter des réponses appropriées aux problématiques pénitentiaires en Outre-mer, la garde des sceaux, ministre de la justice a procédé le 12 septembre 2013 à l'installation d'un groupe de travail composé de parlementaires et de membres de la chancellerie chargé de dresser un bilan et de proposer des recommandations. Les rapports qui lui ont été remis par les deux missions relatives aux difficultés des centres pénitentiaires de Ducos et de Nouméa ont convaincu la garde des sceaux de la nécessité d'un travail approfondi spécifique à la problématique pénitentiaire en Outre-mer ; la situation de certains des établissements ultra-marins ne garantissant pas, à l'heure actuelle, un niveau satisfaisant de prise en charge de la population pénale. La maison d'arrêt de Basse-Terre a été construite en 1664 pour servir de couvent-hôpital et a été aménagée en prison en 1792. Dotée de 130 places réparties sur 49 cellules, la maison d'arrêt hébergeait 183 personnes au 1er novembre 2014, représentant un taux d'occupation de 148,5 %. Ainsi qu'il est souligné, certains bâtiments sont, à ce jour, très vétustes et ne répondent plus aux standards exigibles en termes de réglementation pénitentiaire. Un plan d'action est en cours de mise en œuvre et la décision a été prise, au vu de l'urgence, de retenir au titre du triennal 2015-2017, la réhabilitation de la maison d'arrêt de Basse-Terre. Cette opération sera lancée en autorisation d'engagement dès 2015. Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault est un établissement récent. Construit en 1996, il comprend un quartier maison d'arrêt et un quartier centre de détention pour un total de 504 places de détention réparties sur 309 cellules. Au 1er novembre 2014, il hébergeait 685 personnes. Confronté à une situation chronique de surencombrement dans la partie quartier maison d'arrêt, représentant un taux d'occupation de 172 %, il avait été envisagé de réaliser une extension de 150 places, couplée à une réorganisation fonctionnelle des bâtiments existants. Cette opération n'a cependant pas pu être retenue dans le budget triennal 2015-2017 en raison de l'insuffisance des crédits obtenus dans le cadre du programme de rétablissement des finances publiques mis en œuvre par le Gouvernement. Pour faire face aux phénomènes de violence que connaît cet établissement, une équipe de sécurité dédiée est en cours de constitution et des filets anti projections ont été installés. La garde des sceaux a aussi publié le 2 janvier 2014 une circulaire de politique pénale pour lutter contre la violence aux Antilles. Adressée aux procureurs généraux de Basse-Terre et de Fort-de-France, elle fixe ses orientations contre la délinquance et entend renforcer les mesures pénales pour favoriser un meilleur développement économique sur les départements de Martinique et de Guadeloupe. Cette circulaire fixe des orientations fortes. Les quatre objectifs en sont la réduction des violences, la maîtrise de la surpopulation carcérale, le renforcement de la lutte contre la criminalité financière et organisée et la préservation de la richesse du patrimoine naturel. Cette mobilisation de l'institution judiciaire et de l'ensemble des services de l'État doit trouver son écho dans celle de toutes les forces vives locales, des acteurs locaux institutionnels et du tissu associatif au premier chef.
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