M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances les conséquences de la décision de suspendre la mise en place de l'écotaxe. Après dix-huit mois de hausses successives des impôts et des charges, les entreprises contribuables arrivent à saturation et il aurait été juste d'exonérer les activités mécaniques de proximité, notamment des engins et véhicules des agriculteurs et des artisans qui ne peuvent utiliser le rail ou le fleuve et que nul ne ciblait lors du Grenelle de l'environnement. En revanche, il est paradoxal de répondre à la crise bretonne résultant la fermeture de GAD par une mesure qui encourage la délocalisation des activités d'abattage, de découpe et de conditionnement de la viande, et plus généralement de toute l'activité de transformation au préjudice des régions agricoles. À l'Est, des pays qui ont tout compris (l'Allemagne et la Suisse) font l'inverse de ce que fait la France : ils taxent la pollution pendant que la France taxe la production. Le résultat est que les flux routiers Nord-Sud les contournent et empruntent les couloirs des vallées de la Moselle, du Rhin, de la Saône et du Rhône, au préjudice de nos finances publiques et de la qualité de notre air. En Moselle, l'État s'était engagé à compenser une partie de la suppression nette de 4 000 emplois militaires dans l'agglomération messine (les suppressions de Dieuze ne sont pas non plus compensées) par l'implantation, dans le cadre de la mise en place de l'écotaxe, de 120 douaniers sur la zone de l'Amphithéatre et de 250 employés d'Ecomouv sur l'ancienne base aérienne 120. S'il ne s'agit que d'une suspension, le Gouvernement peut-il confirmer l'implantation des 120 douaniers tout en précisant la part de création nette au bénéfice de l'agglomération et la part de transferts depuis la ville de Woippy, donc déjà dans l'agglomération ?
Surtout, comment le Gouvernement peut-il garantir l'implantation d'Ecomouv en ayant, pour se défausser, mis en cause le principe du partenariat public-privé avec Ecomouv ? À court terme, 66 contrats à durée déterminée (CDD) ne seraient pas renouvelés par Ecomouv et 133 CDI (contrats à durée indéterminée) sont menacés. Il a été investi dans les portiques, dans les matériels mais aussi dans les hommes : 6 000 à 8 000 euros de Pôle emploi par salarié. Tout cet investissement risque d'être réduit à néant. Mais c'est aussi l'investissement humain qui est en cause, les efforts demandés pour se former, les espoirs d'un nouveau départ professionnel réduits à néant… Il lui demande de lui indiquer les nouveaux délais de la mise en place de l'écotaxe, les nouvelles modalités définies si le Gouvernement décide d'en changer, les mesures conservatoires prises alors pour limiter ce gâchis financier et humain et, enfin, dans l'hypothèse où il renoncerait à la solution Ecomouv, les nouvelles mesures de compensation qui devraient être accordées à l'agglomération messine pour compenser la compensation « écotaxe-douanes-Ecomouv » qui était déjà censée compenser les restructurations de la Défense.
Le principe de l'écotaxe poids lourds a été inscrit dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, votée par le Parlement à la quasi-unanimité. La taxe a été créée dans la loi de finances pour 2009, adoptée en décembre 2008 (article 153). Le champ d'application de la taxe et l'encadrement du barème y ont alors été définis. L'écotaxe poids lourds concerne les poids lourds de plus de 3,5 tonnes, immatriculés en France ou à l'étranger. C'est une redevance kilométrique : elle dépend de la distance parcourue sur le réseau taxé. Elle vise, d'une part, à faire contribuer le transport routier de marchandises au coût d'entretien et d'usage des grands axes routiers non soumis à péage et, d'autre part, à inciter à la maitrise de la demande de transport de marchandises et au report de trafic vers des modes de transport plus durables (ferroviaire et fluvial). Le principe de l'écotaxe poids lourds est prévu dans la directive Eurovignette et plusieurs de nos voisins ont déjà mis en place une telle redevance (Allemagne, Autriche, République tchèque, Slovaquie, Suisse...). L'écotaxe poids lourds est pertinente dans son principe. Elle a vocation à contribuer à l'entretien et au développement de nos infrastructures de transport en rapportant 1,15 milliard d'euros par an. L'intégralité de la part revenant à l'État, soit 750 millions d'euros, sera versée à l'agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). La part provenant de la circulation sur les routes départementales ou communales, de l'ordre de 150 millions d'euros, sera reversée aux collectivités concernées. Marquant un tournant dans la politique en faveur du développement durable, elle n'est pas une taxe supplémentaire, mais doit remplacer une subvention budgétaire de l'État aujourd'hui allouée à l'entretien et au développement des infrastructures de transport. Le précédent Gouvernement a retenu l'option d'un contrat de partenariat public privé afin de procéder au développement et à l'exploitation d'un système de collecte de l'écotaxe. Ce contrat a été signé en octobre 2011 avec la société Ecomouv' et prévoyait une entrée en vigueur du dispositif en juillet 2013. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a fait avancer ce dossier dans le cadre contractuel qui lui était imposé. Le Gouvernement s'est notamment attaché à simplifier les modalités de la répercussion de l'écotaxe poids lourds des transporteurs vers les chargeurs, prévue par la loi du 3 août 2009, par l'introduction d'un mécanisme de majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport. Le précédent Gouvernement avait en effet retenu un système de répercussion complexe et inapplicable, instauré par un décret publié le 6 mai 2012. Ce décret avait rencontré l'hostilité unanime des transporteurs et des chargeurs. Le mécanisme de majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport a été voté par le Parlement dans la loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports du 28 mai 2013. L'entrée en vigueur de l'écotaxe poids lourds, reportée à deux reprises en raison de difficultés techniques, était prévue pour le 1er janvier 2014. Au vu des inquiétudes exprimées au second semestre 2013, et de la nécessité de tenir compte de son impact sur certain secteur économique particulièrement fragiles le Premier ministre a décidé le 29 octobre 2013 la suspension de la mise en place de l'écotaxe pour donner le temps nécessaire d'un dialogue au niveau national et régional. Une mission d'information parlementaire a été mise en place à l'Assemblée nationale. Ouvrant le dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés par le dispositif, elle fera des propositions d'aménagements et de corrections au Gouvernement. Dans l'attente, le Gouvernement est très attentif aux conséquences sociales de la suspension sur les personnels de la société Ecomouv'.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.