M. Philippe Dallier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de la jurisprudence récente en matière de géolocalisation.
Deux arrêts récents de la Cour de cassation en date du 22 octobre 2013 ont considérablement restreint le recours aux techniques de géolocalisation des téléphones portables lors d'une enquête préliminaire, au motif que le contrôle de ces mesures par le Parquet constituerait une atteinte à la Convention européenne des droits de l'Homme.
En application de ces décisions, la méthode de « suivi dynamique », dont l'apport est indéniable pour le succès d'un grand nombre d'enquêtes, ne pourra plus être utilisée sans l'aval préalable d'un juge dans le cadre d'une information judiciaire.
Ces décisions de justice vont assurément entraîner des conséquences particulièrement lourdes pour les services d'investigation qui redoutent le ralentissement, la paralysie ou même l'échec de nombreuses affaires.
Il souhaiterait qu'il lui indique les mesures que le Gouvernement entend rapidement mettre en œuvre pour maintenir aux services d'investigation, dans le respect de cette jurisprudence, des possibilités de recours à cet outil efficace.
La géolocalisation est une technique d'enquête qui joue un rôle essentiel dans la résolution des affaires. Elle englobe toutes les techniques permettant de localiser en continu un téléphone portable ou un objet, comme un véhicule, sur lequel une balise a préalablement été posée. Elle permet ainsi de surveiller ou « retracer » des personnes soupçonnées de crime ou de délit. Tirant les conséquences de l'arrêt Uzun c/ Allemagne du 2 septembre 2010 de la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de cassation a, par deux arrêts du 22 octobre 2013, réduit considérablement la possibilité pour les enquêteurs d'y avoir recours, en se prononçant sur deux affaires diligentées dans le cadre d'une enquête préliminaire, au cours desquelles les officiers de police judiciaire avaient sollicité du procureur de la République l'autorisation de requérir des opérateurs de téléphonie mobile aux fins de géolocaliser des personnes mises en cause dans des affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants. La Cour de cassation a énoncé que, conformément à l'article 8 de la convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme du 9 novembre 1950, la technique de géolocalisation constituait une ingérence dans la vie privée et nécessitait de ce fait qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge. Le Gouvernement, déterminé à garantir aux services d'enquête les moyens de continuer de travailler efficacement, a rapidement réagi. Dès le 23 décembre, le ministre de la justice a présenté en conseil des ministres un projet de loi relatif à la géolocalisation. Ce texte vise à offrir aux forces de l'ordre et à l'autorité judiciaire un cadre juridique sécurisé et adapté pour cette mesure d'enquête indispensable à la répression de certaines formes de délinquance et de criminalité, tout en renforçant la protection des libertés publiques et les droits de la défense pour mettre le droit français en conformité avec les exigences de la jurisprudence européenne et nationale. Le texte donne un fondement législatif à des pratiques qui, jusqu'à présent, reposaient sur des dispositions très générales du code de procédure pénale. Le texte prévoit que la géolocalisation ne sera désormais possible que pour des infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement pour les délits d'atteinte aux biens, de trois ans pour les délits d'atteinte aux personnes, de recel de criminel ou d'évasion et de cinq ans pour les délits douaniers. Au cours de l'enquête, elle devra être autorisée par une décision écrite du procureur de la République, pour une durée initiale de quinze jours, qui pourra être prolongée, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée d'un mois renouvelable. Au cours de l'instruction, elle devra être autorisée par une décision du juge d'instruction, pour une durée de quatre mois renouvelable. En cas d'urgence, un officier de police judiciaire pourra décider d'une géolocalisation, sous réserve d'une autorisation a posteriori dans un délai de vingt-quatre heures du procureur. Des dispositions ont été prises pour protéger les témoins ou informateurs des services d'enquête. Le projet de loi relatif à la géolocalisation a été définitivement adopté par le Parlement le 24 février 2014. Il a été soumis le 27 février au contrôle du Conseil constitutionnel, qui l'a validé dans la quasi totalité de ses dispositions relatives à la géolocalisation.
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