M. Claude Jeannerot attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la prise en compte de la pénibilité ouvrant droit à un départ à la retraite anticipée. L'article 60 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a instauré des fiches individuelles de prévention de la pénibilité pour les salariés du secteur privé. L'article 10 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites prévoit un possible départ à la retraite avant l'âge légal de droit commun sur le fondement des fiches individuelles susmentionnées.
Si le bien-fondé de ces fiches n'est pas contestable, elles apparaissent d'une extrême complexité pour les employeurs notamment ceux du bâtiment puisque 80 % de leurs salariés sont concernés. En effet, l'appréhension des facteurs de pénibilité doit se faire de manière continue, au cas par cas, en tenant compte d'éléments divers et variés.
À cela s'ajoutent des risques de contentieux objectivement importants dans la mesure où il sera difficile d'établir l'entreprise responsable de la pénibilité dont souffrent les salariés.
Eu égard à ces considérations, il aimerait savoir quelles mesures sont envisagées par le Gouvernement afin de simplifier la tenue des fiches individuelles et ainsi permettre de prendre en considération la pénibilité, servant de base au dispositif de retraite anticipée sans recourir systématiquement à la judiciarisation.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue une innovation sociale majeure introduite par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Il a pour double ambition d'inciter les entreprises à réduire au maximum l'exposition de leurs salariés à des situations de pénibilité d'une part, de permettre aux salariés exposés d'acquérir des droits nouveaux, sous forme de points cumulés sur un compte personnel qui les suivra toute leur carrière, d'autre part. Le titulaire du compte pourra librement choisir d'utiliser ses points pour financer une formation lui permettant d'accéder à un emploi moins pénible, une réduction du temps de travail avec compensation de la perte de salaire ou encore une anticipation de l'âge de départ à la retraite (dans la limite de huit trimestres). Pour devenir effectif, ce droit nouveau doit être particulièrement simple : pour les salariés d'abord, qui pourront ainsi connaître le dispositif et faire valoir leurs droits ; pour les entreprises ensuite, qui pourront le mettre en œuvre sans devoir tracer, pas à pas, les activités de leurs salariés ; pour les services gestionnaires du compte enfin, pour qui la simplicité est synonyme de sécurité juridique et d'absence de contentieux. Le Gouvernement a d'emblée pris la mesure du défi que représentait ce droit nouveau, bien que la démarche de prévention soit déjà bien connue des entreprises. Dès novembre 2013, donc avant même la promulgation de la loi, il a confié à Michel de Virville, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, une mission de facilitateur, de concertation longue, destinée à faciliter la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Le Gouvernement a décidé de reprendre largement les préconisations qui lui ont été remises début juin, tout en renforçant les simplifications proposées : Le suivi de l'exposition à la pénibilité reposera d'abord sur une approche collective, en lien étroit avec le document unique d'évaluation des risques : ceci évite le recensement salarié par salarié et poste par poste. Le suivi de l'exposition sera en outre fondé sur une moyenne annuelle ; Une fois l'exposition des salariés identifiée, l'ensemble des démarches sera dématérialisé et automatisé, à travers le processus de paye. Il n'aura besoin d'être actualisé chaque année qu'à la marge, sauf dans les cas exceptionnels de changement profond au sein de l'entreprise. Cette double simplification (annualisation et dématérialisation) répond par conséquent aux inquiétudes exprimées dans certains secteurs d'activité, en particulier par les petites et moyennes entreprises : elles craignaient que les fiches d'exposition n'induisent des charges déclaratives lourdes et complexes. Le Gouvernement a en outre décidé de faire entrer en vigueur dès le 1er janvier 2015 les facteurs de pénibilité simples et bien connus (travail de nuit, travail posté, travail en rythmes alternés, auxquels s'ajoute un facteur technique - le risque hyperbare). Les six autres facteurs, plus techniques (bruit, port de charges lourdes, postures pénibles, exposition aux agents chimiques dangereux, exposition à des températures extrêmes, vibrations mécaniques) entreront en vigueur au 1er janvier 2016, ce qui laisse aux entreprises le temps de s'organiser, d'identifier les postes exposés et de réaliser des modes d'emploi de branche. Les partenaires sociaux auront parallèlement le temps d'expérimenter et de préparer l'ensemble du dispositif, afin élaborer des référentiels partagés. Parallèlement, la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), opérateur du compte de prévention, est chargée de déployer, dès le second semestre 2014, des outils destinés à accompagner salariés et entreprises, à commencer par une ligne téléphonique dédiée et une plateforme internet. Les projets de décret mettant en œuvre le compte pénibilité, qui couvrent l'ensemble du dispositif, ont été transmis à la consultation des organismes compétents (notamment la CNAV, le Conseil d'orientation sur les conditions de travail, la Mutualité sociale agricole, le Conseil d'État) : cette dernière phase de concertation s'achèvera par la publication prochaine de ces textes d'application.
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