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Joëlle Garriaud-Maylam
Question écrite N° 12965 au Ministère de l'éducation


Conséquences de la suppression brutale de la bourse dite « au mérite » envisagée dès la rentrée 2014

Question soumise le 4 septembre 2014

Mme Joëlle Garriaud-Maylam appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conséquences de la suppression brutale de la bourse dite « au mérite » envisagée dès la rentrée 2014.

Elle s'étonne qu'ait été envoyée aux rectrices et recteurs d'académie ainsi qu'aux chancelières et chanceliers des universités, en pleines vacances universitaires, une circulaire (n° 2014-0010 du 2 juillet 2014) annulant et remplaçant la circulaire n° 2013-0011 du 18 juillet 2013 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux. Cette publication estivale modifie notamment les dispositions applicables aux aides dites « au mérite » à compter de la rentrée 2014.

Elle note que ces bourses « au mérite » qui constituaient un complément de ressources financières non négligeable pour les étudiants déjà bénéficiaires d'une bourse sur critères sociaux et ayant obtenu d'excellents résultats scolaires (mention très bien au bac ou excellence en licence) ne seront désormais réservées qu'aux étudiants en ayant déjà été bénéficiaires l'année précédente. Sont donc dorénavant exclus du dispositif les bacheliers particulièrement méritants de la promotion 2014, alors même qu'ils comptaient légitimement sur cette aide financière – d'un montant de 1 800 euros par an, distribués sur neuf mensualités -, pour mener à bien leurs études supérieures.

Elle s'étonne que, dès le mois de septembre, le Gouvernement mette ainsi en danger la réussite, voire les études elles-mêmes, de 8 000 étudiants en les privant brutalement d'une bonne partie de leur budget, les plongeant dans un grand désarroi. L'aide au mérite permettait en effet à nombre de jeunes issus de milieux défavorisés de pouvoir envisager sereinement un parcours universitaire, difficilement réalisable sans elle, comme l'indique l'étude de l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE) publiée le 10 décembre 2013 : « aujourd'hui la moitié des étudiants sont confrontés à des difficultés financières et 77 % des étudiants issus du monde ouvrier ne disposent pas d'assez d'argent pour couvrir leurs besoins vitaux ».

Il paraît anormal que le Gouvernement contraigne ainsi de jeunes Français à compromettre leurs études par l'obligation de trouver des ressources complémentaires, voire à y renoncer, alors que ces bourses avaient été pour eux une motivation supplémentaire de leur implication scolaire…

Elle souhaite également rappeler qu'en 2013, les bourses sur critères sociaux se sont élevées à 1,86 milliards d'euros. Seuls 42,3 millions d'euros ont été utilisés pour ces bourses au mérite. L'économie budgétaire invoquée pour justifier cette suppression – à peine plus de 2 % du budget concerné - semble donc bien mince au regard de l'intérêt pour notre société d'encourager le mérite et l'application de notre jeunesse.

Elle souligne que l'objectif gouvernemental affiché d'un gommage de prétendues inégalités au sein d'élèves boursiers va, en réalité, replonger des étudiants issus de milieux modestes en position d'inégalité par rapport à ceux de milieux plus aisés.

Alors que notre société se doit d'encourager le mérite et l'effort dans notre jeunesse, elle regrette profondément le symbole négatif que représente la suppression de ces bourses. Elle tient donc à l'interroger quant aux possibilités d'un ajournement de cette décision budgétaire aussi brutale que démotivante.

Réponse émise le 30 avril 2015

La réforme des bourses étudiantes initiée en 2013 et poursuivie en 2014 par le Gouvernement a pour objectif d'améliorer la situation sociale des étudiants, car la qualité des conditions de vie joue un rôle déterminant la réussite dans le parcours d'études. Elle poursuit deux objectifs : aider davantage d'étudiants issus des familles de classes moyennes et des familles aux revenus modestes, et mieux prendre en compte la situation personnelle des étudiants autonomes de leurs parents. Ainsi, cette réforme a permis de créer un nouvel « échelon 7 » de bourse, permettant la revalorisation de 15 % des bourses des 30 000 étudiants issus des familles aux revenus les plus faibles, soit 800 euros annuels supplémentaires. Elle a également permis de créer 132 500 nouvelles bourses annuelles « échelon 0 bis » d'un montant de 1 000 euros pour les étudiants des classes moyennes aux revenus modestes, boursier « échelon 0 » ne bénéficiant d'aucune aide jusqu'à présent. Elle a enfin permis la création de 2 000 allocations annuelles nouvelles d'un montant compris entre 4 000 euros et 5 500 euros pour des étudiants en situation d'autonomie avérée, soit 8 000 aides versées indépendamment des revenus des parents. De plus, l'ensemble des bourses ont été revalorisées au-delà de l'inflation à la rentrée 2014, afin d'améliorer le pouvoir d'achat de tous les étudiants boursiers. Cette réforme sociale ambitieuse vise à démocratiser l'accès aux études supérieures et à améliorer la réussite des étudiants. Ces mesures ont porté l'effort budgétaire en faveur des bourses étudiantes à près 458 millions d'euros depuis 2012. Le redéploiement des 40 millions d'euros annuels qui étaient affectés au financement du complément de bourse au mérite dit « aide au mérite » permettait d'assurer une partie du financement de cette réforme bénéfique à l'ensemble des étudiants boursiers. Cette décision était par ailleurs motivée par trois constats. Tout d'abord, les aides au mérite, qui ne bénéficiaient qu'à 5 % des boursiers, ont un impact moindre sur le cursus d'étudiants déjà excellents que celui des bourses sur critères sociaux sur la réussite des étudiants des classes moyennes et modestes. Par ailleurs, la limitation de l'aide au mérite aux seuls étudiants bénéficiant de bourses sur critères sociaux suscitait l'incompréhension des familles et des autres bacheliers ayant obtenu la mention « très bien » au baccalauréat. Enfin, le repérage du « mérite » pour les étudiants de licence qui en bénéficiaient en master était inégalitaire car il dépendait des modalités d'évaluation de chaque université. Prenant acte de la décision du juge des référés du Conseil d'État de suspendre les dispositions de la circulaire du 2 juillet 2014 prévoyant ce redéploiement des aides au mérite, le ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche a rétabli l'aide au mérite en 2014-2015 dans les mêmes conditions que l'an passé. Tous les bénéficiaires l'ont donc reçue à ce jour. Comme il s'y était engagé, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a engagé la réforme du dispositif d'aides au mérite applicable à la rentrée prochaine en prenant en compte des critiques du dispositif précédent. La circulaire du 20 février 2015 prévoit donc qu'à compter de la rentrée 2015, le complément de bourse au mérite sera versé aux étudiants ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat et bénéficiant d'une bourse sur critère sociaux pendant une durée de trois ans. Son montant, fixé par arrêté, sera ramené à 900 euros annuels. Le dispositif d'aide au mérite en master pour les 2,5 % des meilleurs étudiants de licence, complexe à mettre en œuvre et inégalitaire, est supprimé. Le nouveau dispositif permet de concilier le maintien d'une aide spécifique pour les bacheliers méritants issus de milieux modestes et la priorité donnée à l'élargissement des bénéficiaires des bourses sur critères sociaux. De plus, il permet de faire reposer l'évaluation du « mérite » sur un critère stable, la mention « très bien » au baccalauréat, incontestable et évalué nationalement. Enfin, il ne fait aucun perdant car il ne s'appliquera qu'aux nouveaux étudiants à la rentrée 2015 : les bénéficiaires de l'aide au mérite en 2014-2015 continueront de la percevoir dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui jusqu'à la fin de leur cycle d'études.

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