Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 12 mars 2012 relative à la précarité dans la fonction publique contient un volet spécifiquement consacré à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Entré en vigueur le 2 mai dernier, ce dispositif prévoit notamment la nomination graduelle, jusqu'à 2018, de 40 % de femmes aux postes dirigeants et supérieurs des trois fonctions publiques – d'État, territoriale et hospitalière –, ainsi que des pénalités financières pouvant atteindre 90 000 euros par poste qui n'aurait pas été attribué, comme il aurait dû l'être, à une femme.
Le 27 juin, un décret a renforcé ce volet législatif en procédant à la nomination auprès de chaque ministre d'un haut fonctionnaire chargé de veiller au bon déroulement du processus paritaire de ces nominations.
Cette mesure, madame la ministre, traduit une volonté comparable à celle du précédent gouvernement : imposer des femmes dans les plus hautes sphères publiques, qui sont aujourd'hui très largement peuplées d'hommes. En effet, les femmes n'occupent que 21,4 % des postes de direction alors qu'elles représentent 54 % des fonctionnaires.
Mais cette volonté est-elle bien réelle ? Depuis mai 2012, les nominations de hauts fonctionnaires ne vont pas dans ce sens.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Catherine Procaccia. Je citerai trois exemples frappants : sur 31 nominations de préfet, on compte 28 hommes et 3 femmes ; sur 6 nominations de recteur d'académie, 4 hommes et 2 femmes ; enfin, au sein de notre réseau diplomatique, une seule femme a été accréditée ambassadeur, contre 8 hommes.
Madame la ministre, vous avez dit votre intention de dresser un premier bilan de ce dispositif à la fin de 2012. Je ne doute pas de votre détermination. Toutefois, au vu de ces premières nominations, je souhaite vous interroger sur ce décalage entre les mesures législatives et réglementaires et la volonté affichée. Comment envisagez-vous de rétablir l'équilibre entre ces nominations, et en avez-vous les moyens ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, vous soulevez une question importante. Nous pouvons nous accorder sur un principe simple : l'État ne sera pas fondé à émettre le moindre jugement sur la situation du secteur privé en matière de parité s'il n'est pas lui-même exemplaire.
Pour ma part, et même si je ne suis pas du même bord politique que vous, j'estime que la loi Sauvadet est un très bon texte. Nous nous sommes engagés non seulement à l'appliquer, mais aussi à anticiper le calendrier d'entrée en vigueur des dispositions qu'elle contient. Comme vous l'avez rappelé, cette loi prévoit que, d'ici à 2018, les femmes occuperont 40 % des postes de direction de la fonction publique. Le Premier ministre, qui a souhaité mobiliser l'ensemble du Gouvernement sur ce sujet, a adressé le 23 août dernier une circulaire à l'ensemble de ses ministres dans laquelle il demande que l'État soit exemplaire s'agissant des nominations aux emplois dirigeants et supérieurs et que le seuil minimal fixé par la loi soit atteint avant le terme de la mandature.
Cela signifie que la parité va devoir rapidement progresser. Je ne vous dirai pas que c'est chose facile. J'interviens régulièrement en conseil des ministres sur les nominations pour demander que le mouvement en faveur de la parité s'accélère, mais vous savez aussi bien que moi combien les choses sont rendues compliquées par l'absence de ce fameux vivier. C'est l'argument qu'opposent régulièrement les différentes administrations, et il faut bien convenir qu'il n'est pas dénué de tout fondement. Certes, des coups de pouce ponctuels sont nécessaires pour atteindre les objectifs, mais, en même temps, il faut penser à l'avenir en constituant un vivier de jeunes femmes considérées comme particulièrement prometteuses et faire en sorte qu'elles puissent monter en grade jusqu'au niveau n-1, avant qu'elles n'accèdent à un poste de direction.
Sachez en tout cas, madame la sénatrice, que nous avons décidé d'être très transparents sur ces questions puisqu'un suivi de ces nominations sera réalisé chaque semestre et qu'un bilan annuel sera présenté en conseil des ministres à la fin de chaque année civile, bilan qui sera rendu public sur le site Internet du Gouvernement. Vous pourrez constater que notre volonté n'est pas de faire en sorte qu'il y ait simplement davantage de femmes chefs de bureau, mais bien qu'il y ait davantage de femmes aux postes de cadre dirigeant.
(M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Mme la ministre, vous parlez d'un vivier. Faut-il disposer d'un vivier ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C'est vrai !
Mme Catherine Procaccia. C'est un discours qu'on entend régulièrement en politique et nous, les femmes politiques ici présentes, savons bien que, quel que soit le parti, la réponse est toujours la même : « La parité, oui, mais on ne trouve pas de femmes compétentes ! » Je ne crois pas que ce soit vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il y en a même plus que d'hommes !
Mme Catherine Procaccia. L'administration compte autant de femmes que d'hommes diplômés de l'enseignement supérieur ; il n'empêche que ce sont des hommes qu'on nomme !
Vous parler de « repérer » les femmes ; mais elles seront « repérées » par qui ? Par les hommes qui exercent déjà les fonctions de direction ? Dans ce domaine, des efforts doivent être faits et il faudrait que la responsabilité de repérer les futures potentialités n'incombe pas aux hommes en fonction. À défaut, en dépit de la bonne volonté des uns et des autres, les choses n'avanceront pas.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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