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Gérard Roche
Question crible thématique N° 22 au Ministère de l'agriculture


Réforme de la Politique agricole commune

Question soumise le 30 novembre 2012

M. Gérard Roche. Monsieur le ministre, comme de nombreux collègues députés et sénateurs, comme de nombreux agriculteurs français, et comme vous, je le sais, je suis préoccupé par les négociations européennes relatives au budget de la PAC.

Les coupes proposées par le président de l'Union européenne sont inadmissibles. Elles amputent notamment de 4,7 % le financement du premier pilier de la PAC, et de près de 4,9 % le montant consacré au paiement des aides directes.

Je salue votre volonté de limiter la diminution du budget consacré à la PAC. Cet engagement de la France pour son agriculture est nécessaire. Vous devez être ferme et constant – je sais, du reste, que vous le serez – comme l'ont été vos prédécesseurs, dont il faut saluer l'action.

Néanmoins, je suis particulièrement inquiet concernant le niveau et le modèle de redistribution du soutien direct. La convergence prévue à compter de 2015 équivaudrait à une forme d'uniformisation de ces aides par le bas. Elle pourrait donc entraîner une restriction du soutien à l'hectare pour nos agriculteurs et, partant, pénaliser les plus fragiles d'entre eux.

Au passage, mes chers collègues, je vous signale que, lorsqu'un producteur laitier de mon département, la Haute-Loire, se rend à Paris, il doit vendre dix litres de lait pour pouvoir s'offrir un café dans un bar des Champs-Élysées !
(Exclamations.)

M. Bruno Sido. Bravo !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un endroit particulièrement cher !

M. Gérard Roche. Comment peut-on leur infliger cela tout en affirmant que le droit à paiement unique ne doit s'élever qu'à 250 euros par hectare ?

Monsieur le ministre, je vous propose au contraire d'augmenter les DPU pour les 50 premiers hectares et de les réduire, en contrepartie, au-delà de 300 hectares. Cette solution permettrait d'équilibrer les demandes de crédits que la France adresse à l'Union européenne et de soutenir, parallèlement, nos agriculteurs. Je sais que certains de nos collègues députés vous ont déjà suggéré ce dispositif et que vous y êtes vous-même plutôt favorable. Malheureusement, nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, y semblent hostiles.

Monsieur le ministre, quelle est votre opinion sur ce sujet ? Où en sont les négociations ? Cette proposition peut-elle fructifier ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Réponse émise le 30 novembre 2012

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous m'avez tout d'abord interrogé de manière globale en exprimant votre inquiétude face à l'évolution des aides et surtout face à cette fameuse convergence de ces dernières. Il s'agit effectivement d'un enjeu capital.

Ainsi, depuis le début de cette bataille, le combat que je mène s'appuie sur la conviction qu'un découplage total des aides, avec un taux unique à l'hectare pour l'Europe entière, constitue un risque majeur. (M. Jean-Claude Frécon acquiesce.) De fait, un tel dispositif ouvrirait la voie à la spécialisation de l'agriculture au sein de grandes zones européennes. Dans ce cadre, la France deviendrait la grande zone de production céréalière, le grenier à blé de l'Europe, mais perdrait un champ d'activité majeur pour l'emploi et la valeur ajoutée : la transformation de ces céréales, en particulier pour les filières des viandes bovine ou porcine, ou encore dans les exploitations laitières, bref dans toutes les productions d'élevage.
(M. Yves Chastan et Mme Odette Herviaux acquiescent.)

Pour nous, tout l'enjeu est d'imposer la prise en compte de cet aspect du problème, tout en défendant, viale couplage des aides, les positions que vous avez évoquées concernant l'agriculture de montagne, et notamment le pastoralisme. Tous ces éléments seront pris en compte, ainsi que les indemnités de compensation du handicap, sans oublier, bien entendu, la prime à la vache allaitante. Nous ne lâcherons pas là-dessus !

Ensuite, sur la question des DPU, notamment pour ce qui concerne leur plafonnement, comme sur la prime aux premiers hectares, le véritable problème à l'échelle européenne est le suivant : à l'heure actuelle, il est très difficile d'opérer des transferts. Il y a quelques années, Michel Barnier a employé le système de la modulation des aides pour opérer le transfert d'une partie des aides consacrées aux céréales vers les productions fourragères et herbagères, donc vers l'élevage.

Avec la prime aux premiers hectares, nous allons procéder, en partie, à ce type de transfert, pour éviter que la perte de DPU d'une partie des exploitations de polyculture-élevage ne remette en cause leur viabilité économique même. Parallèlement, il nous faut assurer une nouvelle répartition des aides à l'échelle de notre pays. Là est l'enjeu de tout ce débat.

Concernant le plafonnement, j'ai déjà mentionné le véritable problème : certains pays s'y opposent d'une manière très claire. Voilà pourquoi, même si j'y suis pour ma part favorable, je n'ai pas axé la proposition de la France sur ce seul sujet, sachant que, au bout du compte, je me heurterai à de très fortes oppositions de la part d'un certain nombre de pays, notamment l'Allemagne.

Comment ce pays justifie-t-il cette position ? Dans les anciens Länder est-allemands, subsistent des exploitations héritées du modèle communiste, qui atteignent 1 000 à 1 500 hectares et sur lesquelles ont été mis en place des coopérateurs agricoles. Les Allemands considèrent donc que le plafonnement des aides à l'hectare reviendrait à remettre en cause des emplois dans ces territoires, et ils ne l'accepteront jamais ! Cette position a été très clairement réaffirmée par l'Allemagne.

Ainsi, nous sommes obligés d'envisager non pas seulement l'idée du plafonnement, mais aussi la dégressivité des aides. (Mme Bernadette Bourzai acquiesce.) C'est tout l'enjeu de la question des premiers hectares : parvenir à prouver qu'une telle dégressivité est possible et, surtout, qu'il est prématuré d'instituer un taux unique à l'hectare.

Au surplus, s'il était totalement découplé, ce taux unique conduirait à la spécialisation de grandes zones de production agricole à l'échelle de l'Union, en fonction de leurs avantages comparatifs. Cela, nous ne le voulons pas !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, nous avons bien entendu votre réponse. S'il y a un point sur lequel la France est mal à l'aise, c'est bien la convergence des niveaux d'aide.

J'ai souvenir de vous avoir entendu sur une station de radio : alors qu'un journaliste vous interrogeait au sujet du grand écart des niveaux d'aides entre filières, en particulier entre les éleveurs et les céréaliers, vous avez habilement éludé la question en répondant sur la convergence externe, c'est-à-dire sur les écarts de niveaux d'aide entre États membres.

Toutefois, le dossier le plus épineux reste évidemment celui de la convergence interne. Vous l'avez rappelé, une première étape a été franchie en 2008 lors du bilan de santé de la PAC. On se souvient des difficultés éprouvées par M. Barnier pour faire accepter une modeste redistribution des aides, des céréaliers vers les éleveurs. Or ce premier pas n'est rien au regard de l'objectif d'un taux unique à l'hectare, même régionalisé !
(M. le ministre acquiesce.)

Nous comprenons la réticence que vous pouvez éprouver à évoquer ce sujet, car l'application d'une telle mesure sera naturellement très difficile, tant elle implique des redistributions entre secteurs, voire entre exploitations.

La proposition française qui consiste à valoriser les aides consacrées aux cinquante premiers hectares, semble avoir la faveur de M. Cioloş. Avez-vous fait des estimations pour évaluer les conséquences que cette mesure emporterait dans la distribution de ces aides ? Ce sera vraisemblablement l'une des difficultés majeures de l'application à la France de la réforme de la PAC. J'espère que le Gouvernement sera à la hauteur de ce rendez-vous.

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