M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme les orateurs précédents l'ont rappelé avant moi, cette séance de questions cribles thématiques est particulièrement d'actualité au moment où les grands froids arrivent.
Elle est également d'actualité à cause de vous ou grâce à vous, madame la ministre, car vos récentes déclarations sur l'éventualité de réquisitions de locaux appartenant à l'Église, en particulier à Paris, ont été très mal perçues dans certains milieux.
Votre côté primesautier a apporté un peu de fraîcheur à la vie politique, mais votre intervention ne cachait-elle pas un peu d'agressivité ? J'espère surtout que vous n'essayez pas de trouver un bouc émissaire pour masquer votre impuissance !
Cette séance est d'actualité, enfin, car voilà deux jours se tenait la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. À cette occasion, le Premier ministre n'a fait que rappeler ce qu'il avait déjà annoncé au mois de novembre sur l'hébergement d'urgence, soit 8 000 nouvelles places, dont 4 000 pour les demandeurs d'asile. Cela paraît bien faible à côté de la véritable demande.
Selon le préfet de la région d'Île-de-France, qui dépend indirectement de vos services, 40 000 nuitées sont financées chaque jour dans cette région, ce qui représente 470 millions d'euros. Cette année, si j'ai bien compris, 15 % supplémentaires financeront 6 000 places de plus.
C'est une somme extrêmement importante, madame la ministre, que je mets en regard des propos tenus hier par le directeur général de l'ADOMA dans Le Parisien : sa structure a engagé un plan de 1,3 milliard d'euros sur huit ans pour mettre à disposition 20 000 chambres d'hébergement d'urgence.
La comparaison des chiffres et des visions n'est pas positive pour l'État.
Vous avez de grandes ambitions pour le logement en général. Or j'ai l'impression que, en matière d'hébergement d'urgence, chaque gouvernement, quel qu'il soit, le vôtre comme les précédents d'ailleurs, réagit au coup pour coup, le nez dans le guidon, sans aucune vision à long terme. Avez-vous des projets réellement structurels ? Pensez-vous mettre en œuvre un véritable plan de construction et de mise à disposition progressive d'hébergement, afin de ne pas avoir à toujours intervenir dans l'urgence ?
En tant qu'élu de Paris, je sais que des délégations de compétences sont possibles au conseil général de Paris. D'autres conseils généraux sont-ils dans ce cas ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, j'ignore si ma réponse vous paraîtra primesautière, mais je tiens à dire de manière très claire que, dans le domaine de l'hébergement d'urgence, il me paraît plus que nécessaire d'être réfléchi et posé. Je l'ai déjà indiqué en réponse aux précédentes questions
Je saisis donc l'occasion qui m'est offerte de m'exprimer dans cet hémicycle, bien plus calme que d'autres, pour vous signaler qu'il est nécessaire, je le maintiens - le Premier ministre l'a d'ailleurs également déclaré dans l'interview qu'il a donnée à un journal dimanche dernier -, de réquisitionner des bâtiments vides, car personne n'a répondu à l'appel que j'ai lancé. Il faut mettre à la disposition de l'État, dans le cadre d'un partenariat et en contrepartie d'une indemnité, des bâtiments pouvant être utilisés pour y loger ceux qui ont besoin d'un hébergement.
Le dispositif, y compris les places hivernales, est aujourd'hui arrivé totalement à saturation dans certains territoires. Ainsi, en Île-de-France, il n'est désormais plus possible de louer une chambre d'hôtel supplémentaire pour y héberger des familles.
Il est par conséquent nécessaire que tous les mètres carrés vacants soient utilisés, qu'il s'agisse de bâtiments publics de l'État, d'anciennes casernes, de bureaux inoccupés, ou encore de locaux appartenant à des compagnies d'assurance ou à des banques. Je rappelle que pour être réquisitionnés, les bâtiments doivent être vacants depuis plus de deux ans. Il faut aussi noter que certains locaux sont vacants depuis bien plus longtemps.
Nous avons décidé que tous les bâtiments susceptibles d'être réquisitionnés devaient l'être. Nous le faisons sans sectarisme, sans aucune volonté primesautière, mais au contraire en ayant le sens des responsabilités. À cet égard, j'aimerais que ceux qui se sont beaucoup émus de notre décision de procéder à des réquisitions soient plutôt émus par la situation de ceux qui ont aujourd'hui besoin d'être logés.
Pour vous répondre très précisément, monsieur le sénateur, je vous indique que les efforts budgétaires consacrés par le Gouvernement sont significatifs. Afin de ne pas être en situation de sous-dotation permanente, comme l'a relevé la Cour des comptes, nous avons décidé de baser le budget pour 2013 sur le budget consommé en 2012.
Par ailleurs, nous avons prévu de lancer un grand plan structurel de réforme de l'hébergement d'urgence afin de ne plus avoir à recourir aux hôtels, d'une part pour éviter le coût très élevé de cette solution pour les finances publiques, d'autre part pour améliorer la vie des personnes que nous logeons. Je pense en particulier aux enfants, qui ne peuvent pas être scolarisés de façon durable lorsqu'ils sont pris en charge dans ce type d'hébergement.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Richard. Si cela avait été fait avant, cela ne serait plus à faire !
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour la réplique.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je prends acte de l'annonce du lancement d'un plan structurel. Je suppose qu'il sera prochainement présenté au Parlement, car c'est important. J'attends désormais d'en connaître le contenu.
Permettez-moi d'attirer de nouveau votre attention sur les délégations que votre ministère confie aux conseils généraux, car vous ne m'avez pas répondu sur ce point. Je souhaitais savoir s'il en existe beaucoup. Je sais qu'il y en a une à Paris, mais qu'en est-il pour les autres conseils généraux, notamment ceux de la région d'Île-de-France, mais aussi sur l'ensemble du territoire, car nous ne représentons pas que Paris ?
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