Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'hébergement d'urgence est une compétence totalement régalienne.
Pourtant, la Direction générale de la cohésion sociale, la DGSC, souligne que près d'un tiers des dépenses en la matière sont prises en charge par les collectivités territoriales, les départements et les communes en assumant respectivement 13,6 % et 8,4 %. Mais ce n'est qu'une moyenne ; certaines collectivités sont plus sollicitées que d'autres.
Ainsi en est-il du Val-de-Marne, un département que vous connaissez bien, madame la ministre. Malgré 1 600 lits d'accueil d'urgence et un budget annuel de plus de 11 millions d'euros, ce département doit faire face à des problématiques spécifiques, comme le nombre croissant de SDF d'origine étrangère, dont la proportion dépasse de beaucoup le taux moyen évalué par l'INSEE, c'est-à-dire 29 %. Selon un rapport d'information déposé à l'Assemblée nationale au mois de janvier 2012, les représentants du conseil général du Val-de-Marne déclarent que les mères isolées accueillies dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance sont majoritairement issues de l'immigration africaine et que 40 % d'entre elles sont en situation irrégulière.
Les communes, pour leur part, ont également à leur charge l'aide sociale et la gratuité des cantines.
Madame la ministre, le poids des dépenses sociales ne peut pas s'accroître indéfiniment pour nos collectivités. Comment l'État compte-t-il empêcher que l'hébergement d'urgence ne fasse exploser leurs budgets ?
Je veux aussi attirer votre attention sur les 200 sans-abri du bois de Vincennes. Ils vivent dans des tentes, dans des conditions d'hygiène déplorables et dans la plus grande misère sociale, ce qui soulève des problèmes à la fois de santé et de sécurité. Les associations mènent un repérage géographique difficile. Certains tentent de leur trouver des solutions face au froid hivernal ; ainsi, l'an passé, mon collègue Christian Cambon a réussi à inclure les personnes concernées dans les hôpitaux de Saint-Maurice, dont ce n'est tout de même pas la vocation.
Madame la ministre, allez-vous continuer à accepter le développement de ces campements dans le bois de Vincennes ?
Enfin, j'aimerais savoir pourquoi le Gouvernement ne consulte pas les élus quand il prend des décisions d'hébergement d'urgence.
Ainsi, à Ivry-sur-Seine, le maire n'a pas été interrogé lors de la réquisition d'une ancienne maternité et d'un foyer SNCF pour les sans-abri. Certes, vos prédécesseurs n'avaient pas fait mieux lorsqu'ils avaient installé des SDF dans le Fort de Nogent.
Les maires sont pourtant très attentifs à ces problématiques. J'espère qu'ils ne continueront pas à être exclus de tels processus.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la sénatrice, vous m'interrogez tout d'abord sur la situation particulière du bois de Vincennes, qui est effectivement préoccupante, aussi bien en été qu'en hiver, mais tout particulièrement quand le froid devient si vif que les personnes qui y vivent se trouvent physiquement en péril.
Aujourd'hui, ces personnes sont suivies par l'État et la Ville de Paris, qui cofinancent une maraude gérée par Emmaüs et chargée spécifiquement de l'accompagnement et du suivi des personnes vivant dans le bois.
Le dernier point de situation, qui date du 10 décembre, fait état de la présence de 118 personnes. Le nombre de 200, que vous avez évoqué, était celui de l'été dernier. Selon nos estimations, sur les 180 personnes qui avaient été répertoriées le 12 novembre dernier, les 47 qui étaient repérées comme les plus fragiles ont accepté d'être été orientées vers des dispositifs d'accueil, en particulier vers des centres qui venaient de s'ouvrir. Vous avez fait référence au Fort de Nogent ; c'est effectivement un lieu apprécié par un certain nombre de SDF qui veulent bien s'y rendre alors qu'ils refusent parfois des propositions d'hébergement. Je mentionne également la Redoute de Gravelle.
Des possibilités et des mécanismes de réorientation sont toujours en cours. Le dispositif de maraude renforcée se poursuit. Nous faisons en sorte, avec les maraudes d'Emmaüs et avec l'action des services de la Ville et du SAMU social de Paris, de suivre au plus près les personnes concernées.
Je ne souhaite pas entrer dans les détails sur l'origine des personnes accueillies. Le principe d'inconditionnalité, qui a été évoqué tout à l'heure, est primordial. Je pense en particulier, et vous avez abordé ce point, aux jeunes mères. Les enfants présents dans les foyers maternels sont, pour l'essentiel, nés sur le territoire français.
Par ailleurs, un travail est en cours avec l'Assemblée des départements de France sur la question des dépenses sociales. L'État est conscient du poids que celles-ci représentent dans le budget des conseils généraux. Cela étant, c'est l'État qui prend en charge l'essentiel des dépenses nécessaires en matière d'hébergement d'urgence.
J'en viens à votre dernière observation, qui portait sur l'association des élus locaux aux décisions prises.
Sachez que la maternité Jean Rostand d'Ivry-sur-Seine a été non pas réquisitionnée, mais ouverte dans le cadre d'un partenariat avec l'Assistance publique. Et le maire d'Ivry-sur-Seine était informé de la mise à disposition d'un ancien foyer de cheminots, puisque son adjointe chargée des affaires sociales était présente lors de ma visite sur place en compagnie du président de la SNCF.
Nous travaillons autant que faire se peut avec les élus. Mais je dois vous dire que nous sommes parfois confrontés à des résistances sur le terrain, indépendamment des sensibilités politiques. Il me semble donc nécessaire que l'État assume, vous l'avez dit, sa fonction régalienne pour loger celles et ceux qui en ont besoin.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. - Mme Annie David applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je me réjouis qu'il n'y ait plus que 118 personnes dans le bois de Vincennes, mais ce sont encore 118 personnes de trop, qui vivent dans des tentes, dans des conditions sans doute encore pires que si elles habitaient dans des squats. Le rôle de l'État, de la Ville de Paris ou de la préfecture serait, me semble-t-il, d'empêcher que les gens ne continuent à s'installer dans le bois. Et s'il n'y a pas de camp de Roms aujourd'hui, il est déjà arrivé qu'il y en ait ; quand cela se produit, les gens n'ont accès à rien, pas même à l'eau.
Vous affirmez que l'État prend en charge l'essentiel des dépenses. Mais les départements et les communes en assument encore beaucoup ! Et le nombre de personnes concernées par l'hébergement d'urgence ne fait qu'augmenter !
Vous évoquez également le fait que les enfants soient nés sur le territoire français. Mais je vous assure que dans le Val-de-Marne, nous ne regardons pas si les enfants sont nés en France ou à l'étranger ; nous les hébergeons indistinctement. Et encore heureux ! Ce n'est pas un problème d'origine ; c'est un problème de coût !
M. Pierre Charon. Très bien !
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