M. Claude Jeannerot. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif.
L'annonce a été officialisée ce matin par la direction du groupe PSA : près de 8 000 emplois directs seraient supprimés sur différents sites de l'entreprise, avec les conséquences que l'on peut deviner sur les familles, les sous-traitants, les bassins d'emplois. L'impact économique et social réel irait donc bien au-delà de ces 8 000 emplois.
C'est une terrible nouvelle, si elle est vérifiée, pour l'industrie française, qui a déjà perdu, faut-il le rappeler, 750 000 emplois au cours des dix dernières années.
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de « craindre un choc pour la nation à l'annonce de cette nouvelle ».
Élu d'un département, le Doubs, où l'automobile est un secteur dominant, je suis particulièrement bien placé pour mesurer le poids décisif de cette industrie.
Il n'est plus temps, bien sûr, d'épiloguer sur la stratégie de la direction de PSA, non plus que sur l'absence de stratégie du précédent gouvernement.
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ben voyons !
M. Claude Jeannerot. Nous devons faire face ensemble à la situation. L'action du Gouvernement, de Pôle emploi, des organismes de formation tels que l'AFPA – l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – sera bien sûr décisive, qu'il s'agisse de la reconversion des sites ou du soutien aux salariés licenciés et à tous ceux qui seront touchés.
C'est une mauvaise nouvelle également pour l'emploi. Chacun le sait, cette annonce intervient dans un contexte difficile. Après treize mois consécutifs de hausse, le nombre de demandeurs d'emploi « tangente » les trois millions. Les jeunes sont particulièrement touchés : 22 % d'entre eux ne trouvent pas de travail. De plus, la durée moyenne du chômage atteint aujourd'hui treize mois.
Monsieur le ministre, la nouvelle de ce matin, émanant du groupe PSA, suscite de nombreuses questions. La perspective des destructions d'emplois envisagées constitue-t-elle, à vos yeux, une fatalité ? Est-elle inéluctable ? Peut-elle encore être remise en question ?
Au-delà, comment assurer un avenir au secteur de l'automobile, essentiel à la vie et à l'avenir économique de nos territoires ?
Je vous remercie de bien vouloir éclairer le Sénat sur ces différents points.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Guillaume. Très bonne question !
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Jeannerot, c'est évidemment un choc pour le pays que cette annonce concernant de nombreux sites du groupe PSA. Voilà bien longtemps que notre pays n'avait pas connu des projets de cette nature, aussi graves, aussi lourds.
Vous le savez, la direction a annoncé non seulement que les structures du groupe seraient affectées, à hauteur de 3 500 salariés, mais également que le site d'Aulnay-sous-Bois serait fermé en 2014 et que 1 400 salariés du site de Rennes seraient concernés. Or celui-ci a déjà connu, en 2009, une suppression massive d'emplois.
C'est évidemment pour nous l'occasion de réfléchir un instant sur le passé, sans pour autant accuser quiconque puisque, souvenez-vous, nos prédécesseurs avaient apporté une aide de trésorerie de 3 milliards d'euros à PSA sous forme de prêts ainsi qu'une aide de 1 milliard d'euros à la banque de PSA.
MM. Christian Cointat et Roland du Luart. Ces sommes ont été remboursées !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Il y a eu, évidemment, tout au long de ces années, le soutien public du crédit d'impôt recherche, la prime à la casse, le chômage partiel...
Comment en sommes-nous arrivés là ? C'est la première question, qui m'a conduit, avec l'appui du Premier ministre, à demander à M. Emmanuel Sartorius, ingénieur général des mines, lequel a déjà enquêté sur Renault et n'est pas, pour ainsi dire, « membre » de la filière automobile, de conduire une mission sur cette dernière. Il aura donc le regard et l'indépendance nécessaires pour éclairer le Gouvernement, la représentation nationale ainsi que l'opinion publique sur les raisons stratégiques qui ont mené PSA à la situation actuelle : 700 millions d'euros de pertes au premier semestre, consommation de 200 millions d'euros de trésorerie par mois, alors que, l'année dernière, PSA a distribué 200 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires !
(Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Comment, donc, a-t-on pu en arriver là ?
Je vous le dis, nous n'acceptons pas en l'état le plan élaboré par PSA. Nous allons par conséquent, en liaison avec les organisations syndicales, lesquelles auront leurs propres experts pour examiner la situation, demander à PSA, d'abord de justifier sa situation, ensuite d'ouvrir un dialogue social, dont le Premier ministre a exigé qu'il soit exemplaire. Ce dialogue devra permettre d'envisager toutes les voies possibles, surtout les plus loyales, c'est-à-dire autres que celles que PSA a prévues, sur plusieurs sites de France, pour des milliers de salariés et de familles.
Il est évident que la nation tout entière devra se rassembler autour de ce symbole national qu'est l'industrie automobile française, car celle-ci a une longue histoire, dans laquelle des marques célèbres comme Peugeot et Citroën occupent une grande place.
La France a un avenir automobile, mais cet avenir exige que nous prenions les bonnes décisions. Toutes les stratégies, toutes les solutions seront sur la « table de la République ». Nous les examinerons lorsque nous y verrons clair et que nous pourrons partager le diagnostic sur la situation de PSA. Ensuite, nous reviendrons devant vous, parlementaires, avec des propositions concrètes.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Robert Hue applaudit également.)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.