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Hervé Maurey
Question d'actualité au gouvernement N° 6 au Premier Ministre


Conférence sociale

Question soumise le 13 juillet 2012

M. Hervé Maurey. Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interroger sur la « Grande Conférence sociale », titre officiel de la réunion qui a mobilisé pendant plusieurs jours plusieurs centaines de personnes au palais d'Iéna pour participer à ce qui s'apparente, suivant la métaphore de l'épopée napoléonienne, à un véritable Waterloo de la prise de décision.

On reprochait au précédent Président de la République de décider avant de réunir les partenaires sociaux. Eh bien, vous, vous les réunissez et vous ne décidez de rien, ce qui est, à n'en pas douter, nettement mieux ! (Mme Natacha Bouchart applaudit.) Que reste-il, en effet, de cette conférence, louable dans ses intentions, et de son ordre du jour, sinon des images et des mots ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous, vous êtes le roi de l'embrouille !

M. Hervé Maurey. Malgré l'urgence de la situation, vous renvoyez à plus tard les décisions en mettant en place un processus de dilution des responsabilités dans lequel doivent intervenir comités d'experts et organismes divers tels que le nouveau « Comité du dialogue social et de la prospective ».

« Nous lançons un processus nouveau qui déjà nous dépasse », a déclaré le Président de la République! Et c'est vrai qu'en ce domaine, comme dans bien d'autres, vous semblez totalement dépassés par les événements et par la réalité !
(Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Le sommet social n'aura toutefois pas été vain puisqu'il semble que le Président de la République ait désormais conscience que notre pays souffre d'un problème de compétitivité. C'est nouveau pour lui qui, face à Nicolas Sarkozy, déclarait : « Sur la compétitivité, est-ce que l'on peut faire mieux ? », écho à peine masqué à la fameuse phrase de François Mitterrand : « Sur le chômage, on a tout essayé. »

L'heure serait donc à la compétitivité, même si vous avez pris soin de ne pas utiliser ce mot, monsieur le Premier ministre. Parfait ! Mais alors, pourquoi vous entêter à vouloir supprimer la TVA anti-délocalisation, justement destinée à améliorer la compétitivité des entreprises en allégeant les charges qui pèsent sur elles et en taxant les importations ?

M. Jean-Louis Carrère. Parce qu'elle est injuste !

M. Hervé Maurey. Pourquoi supprimer également les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, ce qui alourdira encore le coût du travail ?

Pourquoi, monsieur le Premier ministre, un tel dogmatisme ?

Il se dit que vous envisageriez d'accroître la CSG, mais vous n'osez pas l'annoncer, préférant renvoyer la question au Haut Conseil de la protection sociale. Et je dois dire, monsieur le Premier ministre, que je comprends votre gêne puisque vous deviez ne faire payer que les riches… Or la CSG, vous le savez aussi bien que nous, frappera non seulement les riches mais aussi les classes moyennes et populaires, les actifs et les retraités ! Elle affectera immédiatement et directement le pouvoir d'achat, n'épargnant finalement que les importations !

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Hervé Maurey. Pourquoi ce choix, monsieur le Premier ministre ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Réponse émise le 13 juillet 2012

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous trouve un peu excessif. (Exclamations sur les travées de l'UCR et de l'UMP.) J'avais pourtant cru, en vous écoutant lors de ma venue à deux reprises la semaine dernière au Sénat, notamment après la déclaration de politique générale, que vous étiez plus pragmatique, plus attentif au dialogue. Mais je m'aperçois que vous reprenez quasiment tous les arguments du Président sortant...

Je vous rappelle la façon dont il concevait le traitement des problèmes, envisageant même un référendum pour décider de la formation des chômeurs. Comme si c'était une réponse pertinente à un problème au demeurant réel !

Oui, nous avons choisi une autre méthode, décidant de tourner la page du mépris des partenaires sociaux pour, au contraire, les réunir en vue de traiter les problèmes et de trouver des solutions face aux grands défis qui se posent au pays.

Et vous savez bien ce qu'il en est ! C'est l'actualité qui nous le rappelle, une actualité brutale, qui provoque des chocs ! Des salariés qui ont souvent le sentiment d'être des variables d'ajustement, auxquels on ne demande jamais rien, qu'on n'associe pas en amont au suivi de la gestion des entreprises, et je pense, en particulier, à ce qui se passe à PSA. Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, vient de l'évoquer.

Trouvez-vous normal que, dans notre pays, qui doit faire face à des restructurations industrielles, à la perte d'emplois industriels - je rappelle la réalité : 750 000 emplois perdus en dix ans dans l'industrie -, les représentants des salariés ne soient pas présents dans les conseils d'administration des entreprises pour y être informés en amont des stratégies des entrepreneurs, stratégies qui, souvent, au nom de raisons de court terme, de raisons financières, envoient dans le mur des groupes industriels entiers et se traduisent par des milliers de licenciements ?

Mme Natacha Bouchart. Mais qu'est-ce que vous allez faire ?

MM. Yves Pozzo di Borgo et Alain Gournac. Oui, répondez donc à la question !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Eh bien, cette méthode-là, cette façon de faire, elle est terminée ! Nous voulons tourner la page !

Alors, pour tourner la page, nous avons, mesdames, messieurs les sénateurs, pris l'initiative d'une grande conférence sociale qui est, en effet, une première !

À cette occasion, j'ai été frappé, pendant les deux jours de réunion, par la soif de dialogue et d'écoute de tous ceux qui étaient là !

M. Hervé Maurey. Et après ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je veux parler aussi bien des représentants du patronat, des entreprises, grandes, petites et moyennes, des représentants du secteur de l'économie sociale et solidaire, des représentants des professions libérales, mais aussi des représentants de toutes les organisations syndicales, des plus représentatives aux plus petites. Ils étaient là, ils attendaient qu'on les respecte, qu'on les écoute. Et ils souhaitent, à condition qu'on trouve les bons compromis, les bonnes solutions, les bonnes réponses, participer, eux aussi, au redressement du pays.

J'aurais aimé que, vous aussi, vous soyez présents pour participer au redressement du pays....

M. Yves Pozzo di Borgo. De qui parlez-vous ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... plutôt que d'ironiser, plutôt que de préconiser des solutions qui n'ont pas marché ou qui appauvrissent une partie des Français.

Vous avez ici, il y a quelques instants, revendiqué une mesure dont la suppression sera soumise à votre assemblée : le prélèvement de 12 milliards d'euros sur les classes populaires et moyennes à travers l'augmentation de la TVA. Voilà ce que nous, nous proposons aux parlementaires !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Évidemment, il y a beaucoup de règles du jeu à changer ! Mais cela ne peut pas se faire sans le dialogue et sans l'écoute.

Face aux entreprises en difficulté, nous proposons aux partenaires sociaux d'engager une négociation pour qu'on soit capable d'examiner, situation par situation, ce qui se passe. Quand les difficultés sont réelles mais transitoires, eh bien, il faut trouver des solutions pour préserver l'outil industriel et les emplois.

En présence de situations beaucoup plus dramatiques, il faudra également envisager des réponses adaptées. Lorsque sont envisagés des licenciements abusifs - ceux qu'on a souvent qualifiés de « boursiers », même si les entreprises concernées ne sont pas toutes cotées en bourse - alors, il faudra mettre en place de nouvelles règles.

Ce que nous voulons, c'est l'efficacité économique ! Ce que nous voulons, c'est la justice, c'est le respect du droit des salariés, c'est le respect du droit du travail ! Et c'est sur cela que nous avons proposé aux partenaires sociaux d'engager une négociation.
(Mêmes mouvement sur les mêmes travées.)

Mme Natacha Bouchart. Vous ne répondez pas à la question parce que vous n'avez pas de réponse !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez évoqué le financement de notre protection sociale et le coût du travail. Nous avons un objectif, une ambition : préserver un système de protection sociale qui est au cœur même du pacte républicain.

Nous ne sommes pas de ceux qui disent que, parce que le coût du travail est moins élevé en Chine ou en Inde, il faudrait chercher à s'aligner sur ces pays. Nous savons que ce n'est pas possible et nous ne voulons pas aller dans cette direction.

Pour autant, avec nos partenaires, en particulier européens, la question du coût du travail peut se poser, notamment dans le secteur industriel. Nous devons l'examiner objectivement. C'est la raison pour laquelle il faut concilier le financement de notre système de protection sociale et l'analyse lucide de certaines situations. Cela ne peut se faire que dans la franchise, dans le diagnostic partagé, dans la discussion et la négociation.

Voilà pourquoi nous avons décidé - et je l'ai dit en concluant la Grande Conférence sociale - de saisir le Haut Conseil de la protection sociale pour analyser tous les points qui concernent le financement de notre protection sociale.

Et ensuite ? Vous nous reprochez de ne pas agir, mais je vais vous rassurer : ensuite, au premier trimestre de l'année 2013, nous engagerons avec les partenaires sociaux, sur la base de ces travaux, une discussion. Puis, dans le courant de l'année 2013, le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Mme Natacha Bouchart. Pas avant 2013 !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous aurez à prendre les vôtres puisque le Parlement sera saisi de propositions très concrètes et très pratiques avec, je le répète une nouvelle fois, un objectif qui est d'assurer la survie de notre système de protection sociale, de garantir son accès à tous - je pense, en particulier, à la santé et à la retraite - et, en même temps, d'assurer l'avenir de notre économie, de nos entreprises, de restaurer la compétitivité de ces dernières.

Un dernier point concret : face à la situation urgente dans le domaine de l'emploi, nous avons décidé d'engager pendant l'été, non pas une négociation, mais une concertation avec les partenaires sociaux en vue de préparer les conditions permettant que vous soit soumis, à la rentrée parlementaire d'octobre, un projet de loi visant à créer les emplois d'avenir.

Le Président de la République s'était engagé sur 150 000 emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous vous proposerons d'en décider 100 000 dès la rentrée prochaine.

Mme Catherine Procaccia. Voilà une première !

Mme Natacha Bouchart. Des emplois précaires !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et puis, enfin, nous avons proposé la négociation d'un contrat de génération consistant à maintenir dans l'emploi des seniors que l'on jette trop souvent, les estimant déjà trop vieux et inutiles aux entreprises. Nous voulons préserver leur maintien dans l'emploi mais, en même temps, nous voulons, en contrepartie des aides de l'État accordées aux entreprises, que soit négociée l'embauche d'un jeune en CDI pour, à la fois, trouver un travail et bénéficier du transfert d'expérience des salariés les plus âgés.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous proposons aux partenaires sociaux de négocier, dans les branches, des réponses adaptées pour que, dès le début de l'année prochaine, nous puissions signer les premiers contrats de génération.

M. Christian Bourquin. Bravo !

M. Alain Gournac. On est sauvé !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous le voyez, nous ne renvoyons pas les solutions à un horizon éloigné. Nous nous attaquons dès maintenant aux problèmes, mais nous ne voulons pas décider tout seuls - parce qu'on sait que, quand on décide seul, c'est l'échec assuré ! -, nous voulons décider avec les partenaires sociaux, nous voulons contribuer, dans la justice et l'efficacité, au redressement du pays !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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