M. Gaëtan Gorce. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères ou au ministre qui pourra s'exprimer en son nom.
Le 3 février 2008, profitant de la confusion qui régnait à N'Djamena, un détachement militaire a arrêté et fait disparaître Ibni Oumar Mahamat Saleh, l'un des opposants les plus déterminés au régime d'Idriss Déby. En août de la même année, une commission d'enquête internationale mettait en cause les plus hautes autorités de l'État dans cette disparition, qui n'a toujours pas été éclaircie, et exigeait une enquête judiciaire.
Depuis quatre ans, le gouvernement tchadien multiplie les manœuvres dilatoires. Depuis quatre ans, avec mon collègue Jean-Pierre Sueur, nous multiplions les initiatives pour que la vérité soit faite sur cette affaire.
J'ai bien compris que le contexte n'est pas véritablement favorable, dans la mesure où la France travaille avec le Tchad sur le dossier du Mali. Cependant, l'alliance n'est pas la complaisance et la responsabilité que nous avons au Tchad nous crée des devoirs, dont celui d'agir, dans le respect des valeurs qui sont les nôtres, en principe, notamment le respect des droits de l'homme.
Au moment où va s'ouvrir le sommet de la francophonie, ce peut être l'occasion pour la France et ses représentants d'affirmer une volonté politique différente de celle qui a prévalu jusqu'à présent et qui s'inspire de l'attachement que nous portons à la démocratie.
Aussi, ne nous dites pas, madame la ministre, comme l'ont fait avant vous M. Kouchner, Mme Alliot-Marie et M. Juppé, que le gouvernement tchadien poursuit ses efforts ; ce n'est pas vrai ! Dites-nous plutôt comment le gouvernement français entend amener le régime de M. Idriss Déby à respecter les engagements qu'il a pris.
Depuis le printemps, les opposants tchadiens, la famille du disparu et ceux, comme nous-mêmes, qui sont mobilisés sur ce dossier ont l'espoir qu'un nouveau gouvernement aura une approche plus forte, plus claire, plus déterminée. Cet espoir, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, ne le décevez pas !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, veuillez excuser l'absence de M. Laurent Fabius, qui est actuellement retenu par un entretien avec son homologue canadien.
Comme vous l'avez rappelé, le 3 février 2008, l'opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh était arrêté à son domicile par des militaires tchadiens au moment même où de violents combats avaient lieu dans la capitale entre l'armée tchadienne et des mouvements rebelles venus du Soudan. Si l'armée tchadienne a finalement repoussé cette attaque, celle-ci a laissé derrière elle des centaines de morts, des victimes de viols et des destructions matérielles. Des violations des droits de l'homme ont été commises. Des personnalités politiques ont été arrêtées arbitrairement ou menacées. Seul Ibni Oumar Saleh n'est pas réapparu à ce jour.
Une commission d'enquête internationale a d'abord travaillé afin de faire toute la lumière sur ces faits. Des recommandations ont été émises dans un rapport publié le 3 septembre 2008 et un comité de suivi chargé de veiller à l'application de ces recommandations a été créé. L'une d'elles concernait le traitement judiciaire de toutes les violations que j'ai rappelées.
Depuis quatre ans, la France n'a pas cessé d'intervenir auprès des autorités tchadiennes, avec la communauté internationale, notamment l'Union européenne et l'Organisation internationale de la francophonie, pour que la lumière soit faite sur la disparition d'Ibni Oumar Saleh et qu'un procès en bonne et due forme soit rapidement tenu. En cela, nous avons agi dans le sens indiqué par la résolution que l'Assemblée nationale française a votée le 25 mars 2010 sur votre initiative, monsieur Gorce.
M. Jean-Pierre Sueur. À l'unanimité !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Notre position est claire et ferme : après avoir soutenu les travaux de la commission d'enquête internationale, nous encourageons la justice tchadienne à s'exercer. À ce jour, il faut constater que l'enquête judiciaire tchadienne n'avance que lentement...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un euphémisme !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. ... et que les réponses qui nous sont fournies sont insuffisantes. Nous continuons donc à inviter les responsables tchadiens à ne pas négliger cette affaire qui porte atteinte à l'image de leur pays. Celle-ci a été évoquée à de multiples reprises ces derniers mois avec les plus hautes autorités tchadiennes.
Nous mettons notre dialogue politique avec le Tchad au service de la promotion des droits de l'homme, de la bonne gouvernance et de la démocratie. Ces progrès sont lents et le contexte difficile, le Tchad ne connaissant une stabilité intérieure continue que depuis 2010, mais nous devons poursuivre nos échanges avec les autorités tchadiennes en ce sens.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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