M. Robert Tropeano. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, à la suite de l'alternance et de notre victoire collective des mois de mai et juin derniers, le Président de la République et son Premier ministre ont pris la décision de créer un ministère de l'égalité des territoires, ministère dont vous avez la charge.
Par cette décision, a été reconnue et admise l'urgence qu'il y a à lutter contre l'accroissement quasi ininterrompu des inégalités territoriales dans notre pays depuis maintenant plusieurs décennies, et sous différentes majorités.
Car l'enjeu, mes chers collègues, dépasse bien évidemment les clivages politiques. Il s'agit tout simplement de l'unité de la République, à laquelle nous sommes tous ici très attachés. Et pour cause, puisque notre Haute Assemblée, conformément à l'article 24 de la Constitution, assure « la représentation des collectivités territoriales de la République », n'en déplaise à certains qui voudraient voir le Sénat coupé des réalités locales et des difficultés quotidiennes des territoires, perdant ainsi sa vocation première, inhérente à l'essence même du bicamérisme.
Notre pays connaît aujourd'hui une fracture territoriale, qui nourrit et aggrave une longue série d'inégalités entre les citoyens : inégalités dans l'accès aux services publics, au logement, à la santé, à l'emploi, à la culture ; inégalités scolaires, en matière de transports ou encore de haut débit.
Les dégâts de l'abandon d'une véritable politique d'aménagement du territoire sont désormais visibles dans nombre de banlieues fragiles, mais aussi dans bien des territoires ruraux. Plus grave encore : ces inégalités ne font que croître !
Si bien que les territoires riches, bien équipés et bien desservis sont toujours mieux lotis ; les territoires les plus pauvres sont de plus en plus pauvres, subissant même une double peine puisqu'ils doivent supporter plus lourdement le poids de l'impôt local. L'insuffisance des dispositifs actuels de péréquation est avérée ; elle a été maintes fois dénoncée, notamment par plusieurs travaux du Sénat.
Il est temps d'enrayer cette spirale infernale et de lutter contre cette fracture territoriale, qui mine les fondements du pacte républicain.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Allez-vous restaurer une politique volontaire d'aménagement du territoire ? Comment entendez-vous développer une politique ambitieuse pour que l'égalité des territoires dont vous avez la charge redevienne une réalité ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de pointer la nouveauté que constitue le ministère de l'égalité des territoires. Vous avez également raison d'indiquer que notre pays a connu depuis dix ou quinze ans, après une période d'aménagement du territoire extrêmement volontariste, voire dirigiste, pour ne pas dire parfois un peu autoritaire, une sorte de laisser-faire qui a privilégié une intervention sur quelques territoires, considérant que les zones les moins favorisées pourraient bénéficier de cette intervention volontariste ciblée.
Ce n'est pas le résultat que nous avons pu constater. En effet, si l'égalité entre les grandes régions a plutôt augmenté, les inégalités au sein des territoires, elles, se sont accrues. Si 85 % de la population vit aujourd'hui en ville, l'espace rural représente 70 % du territoire français. Nous ne pouvons accepter de laisser perdurer cette fracture, et même de la voir croître.
Au-delà de cette conviction qui est celle du Gouvernement et qui est aussi bien évidemment la mienne, nous avons une ambition : faire en sorte que toutes les politiques publiques passent désormais par le filtre de l'objectif d'égalité des territoires, en particulier durant la période difficile et exigeante de redressement des finances publiques que nous traversons.
Nous avons des objectifs très clairs, notamment pour répondre aux difficultés que vous avez pointées en matière de service public. C'est en nous appuyant sur l'initiative « plus de service au public », qui a été portée dans vingt-deux départements par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR, que nous y parviendrons. L'idée, bien plus que de promouvoir une vision verticale, est de mettre en place un dispositif qui permette d'appuyer le travail et la cartographie des services publics sur le territoire.
La question de l'accès au service public est absolument déterminante pour lutter contre le sentiment d'isolement, voire de relégation que peut ressentir une partie des habitants de notre pays en zones rurales et en zones hyper-rurales, voire dans certains quartiers urbains.
Lutter contre l'isolement, c'est aussi travailler de manière très active en faveur de l'aménagement numérique, outil essentiel. L'ambition énoncée par le Président de la République est très forte. Nous travaillons à faire en sorte que la fracture numérique se résorbe dans les cinq années qui viennent.
Enfin, la méthode utilisée est celle de la consultation et de la concertation avec les élus, mais aussi avec la commission pour la mise en place d'un commissariat général à l'égalité des territoires qui, trente ans après le début de la décentralisation, doit penser différemment les relations entre l'État et les collectivités locales, sur la base d'une volonté d'égalité des territoires et d'une véritable contractualisation au plus près des territoires, en reconnaissant leur spécificité.
Voilà, monsieur le sénateur, l'ambition, qui est grande, et la méthode, laquelle, je l'espère, vous satisfera, du Gouvernement en matière d'égalité des territoires !
(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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