M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé du budget.
Le problème de l'évasion fiscale est loin d'être nouveau. L'ancienne majorité le sait pertinemment (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Richard Yung. … puisqu'elle a essayé de faire revenir en France – et c'est à votre crédit, si j'ose dire (Ah ! sur les mêmes travées.) – les évadés fiscaux en votant le bouclier fiscal.
M. Didier Guillaume. Ça n'a pas fonctionné !
M. Richard Yung. Malheureusement, ce dispositif était financé par les contribuables restés en France, ce qui est déjà un peu moins louable. Le résultat n'a pas été très concluant.
M. Alain Gournac. Vous allez faire mieux !
M. Richard Yung. Alors qu'il aurait fallu renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale, comme nous l'avons prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012 (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame.), vous avez préféré signer un chèque aux plus nantis qui avaient la bonté de revenir.
Un fait divers récent, un échange d'amabilités et de quelques noms d'oiseaux,…
M. Alain Gournac. Maladroit !
M. Richard Yung. … a défrayé la chronique en début de semaine. Mais tout cela est peu de chose et même un peu ridicule, surtout à la veille de la fin du monde !
(Sourires.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est aussi ridicule !
M. Roger Karoutchi. Que compte faire le Gouvernement contre la fin du monde ?
(Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Jeter son passeport par-dessus les moulins ne résout rien, et ne fait pas perdre la nationalité française.
M. Serge Dassault. Exact !
M. Richard Yung. Les sommes qui ont été indiquées, si elles se révèlent exactes, relèvent de toute façon de la politique fiscale de M. Sarkozy,…
(Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Allons bon !
M. Richard Yung. Si, madame Des Esgaulx ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame.) Il fallait que ce soit dit. Et l'engagement politique de l'acteur concerné en faveur de l'UMP ne doit pas lui faire attribuer à M. Ayrault ce qui appartient à M. Fillon.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – MM. Stéphane Mazars et Robert Hue applaudissent également. – Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur du groupe socialiste. Voilà la vérité !
M. Richard Yung. J'en viens aux questions que je souhaitais poser. Nous savons que l'évasion fiscale est un phénomène principalement intra-européen. La cause est connue : il s'agit du dumping fiscal. Quels sont les plans du Gouvernement, monsieur le ministre, pour développer la convergence fiscale au sein des pays de l'Union européenne ?
(M. André Reichardt s'exclame.)
M. Alain Gournac. La Belgique paiera !
M. Richard Yung. De plus, en Europe, trois pays à la fois frontaliers du nôtre et francophones – la Suisse, la Belgique et le Luxembourg – concentrent la majorité des cas. Ce sont donc les conventions fiscales avec ces pays qu'il faut renégocier. C'était d'ailleurs un des engagements du candidat François Hollande, devenu Président de la République. Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, le calendrier et les modalités de renégociation de ces conventions fiscales.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la question que vous abordez suppose de répondre à trois interrogations préalables.
D'abord, quel est le volume que vous décrivez et combien de nos concitoyens décident-ils de partir pour échapper à leurs obligations fiscales ? Ils partent, au demeurant, le plus légalement du monde.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ensuite, pour quelles raisons décident-ils de partir ?
Enfin, et c'est la question par laquelle vous terminez votre propos, que peut faire le Gouvernement pour éviter ce qui est objectivement préjudiciable à l'intérêt national ?
À la première question, on peut répondre de manière fiable à peu près jusqu'en 2006. Car c'est à cette date que le ministre du budget de l'époque, Jean-François Copé, supprime le quitus fiscal qui permettait précisément d'évaluer le nombre de départs pour raisons fiscales.
(Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Alain Gournac. C'est petit !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est vrai que, parmi les 2,5 millions de nos compatriotes expatriés, l'écrasante majorité, sinon la totalité, sont partis pour des raisons professionnelles : soit parce que la nature de leur travail réclame leur présence à l'étranger, soit parce qu'ils n'ont pu trouver d'emploi à l'intérieur de nos frontières. Chacun s'accordera sur le fait que ces deux raisons, qui ne sont pas équivalentes, existent.
(M. André Reichardt s'exclame.)
Après 1996, et l'instauration par le gouvernement Juppé du plafonnement du plafonnement, nous avons assisté à un nombre important de départs. Certains de nos compatriotes, ne disposant plus d'un impôt sur la fortune plafonné au regard de leurs revenus, ont estimé que le montant qu'ils avaient à acquitter au regard des dispositions prises par le gouvernement Juppé, et votées par la majorité RPR-UDF de l'époque, ne leur permettait plus de rester dans notre pays.
Mme Isabelle Debré. C'est vrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Entre 2002 et 2006, et en dépit d'une politique fiscale beaucoup plus accommodante, il en est allé de même : de 2003 à 2006, le nombre d'expatriés fiscaux a été multiplié par 2,5.
(M. Michel Teston opine.)
Une sénatrice du groupe socialiste. Voilà !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Donc, il semblerait que deux causes différentes aient produit le même effet. Sans doute faut-il progresser dans l'analyse et étudier ce qui s'est passé après l'instauration du bouclier fiscal, dispositif qui avait notamment pour vocation d'empêcher des expatriations et de favoriser des impatriations.
En vérité, pendant toutes ces années-là, le solde fut à peu près identique à celui des années précédentes. Le nombre d'expatriés fiscaux évalué par les services du ministère du budget fut le même, environ 750 à 850 personnes, quelles qu'aient été les modalités : bouclier fiscal Villepin ou bouclier fiscal Sarkozy.
Dans ces conditions, imputer à la seule fiscalité la responsabilité de ces expatriations me semble relever d'un raisonnement un peu juste. Pour autant, et vous avez raison, il faut réagir.
Le Président de la République, vous l'avez rappelé, a suggéré que les conventions fiscales soient revues. Je crois, en effet, qu'il s'agit du seul moyen d'éviter ce type d'expatriations ou, plus précisément, d'éviter que ceux qui décident de vivre en dehors de nos frontières ne s'exonèrent par là même des obligations fiscales qu'ils ont à l'égard du pays dans lequel ils sont nés, ont grandi, ont été éduqués, formés et, le plus souvent, ont rencontré la prospérité, sinon la fortune, bref un pays auquel ils doivent beaucoup et pour lequel ils ont tort de vouloir s'exonérer des charges que celui-ci leur demande d'acquitter afin de pouvoir être redressé.
Voilà, à mon avis, la piste qu'il faut suivre. Cessons d'imputer à la seule fiscalité les raisons de ces départs, car l'on voit, dans notre histoire contemporaine, que des politiques contraires produisent les mêmes effets. Incontestablement, pour certains de nos compatriotes, il y aura toujours des raisons de partir car ils estimeront toujours qu'ils paient trop d'impôts.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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