M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Montpellier-Perpignan, maillon stratégique sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse reliant la façade méditerranéenne de l'Espagne au reste de l'Europe.
Il lui fait connaître son attachement à un tel projet, comme peuvent en témoigner ses nombreuses interventions, bien antérieures aux travaux de la mission Querrien en 1990, ayant permis d'établir le premier tracé, suivi de l'approbation de l'avant-projet sommaire (1995) et de la qualification du projet d'intérêt général
(2001).
Il lui indique vouloir espérer qu'il en sera enfin terminé des tergiversations et que ce projet sera réalisé dans les délais les plus rapides, par une prise en compte des préoccupations et des propositions avancées par les élus, les populations et les acteurs économiques concernés.
Ainsi il lui précise qu'il serait gravissime qu'après plus de vingt années d'attente, ce projet soit réalisé à l'économie, sans tenir compte, dans le choix du tracé, des conséquences économiques et environnementales (nuisances diverses) ou de la sécurité des personnes.
Aussi il attire son attention sur trois points particulièrement importants :
« L'option médiane » du tracé, entre les communes de La Palme (11), Caves (11), Fitou (11) et Salses (66), doit être impérativement retenue, d'une part parce qu'elle reprend, pour l'essentiel, la proposition de tracé de la mission Querrien, déjà inscrite dans les plans d'occupation des sols (POS) des communes, et surtout parce qu'elle n'impacte pas négativement ce territoire, comme c'est le cas pour « l'option littorale ».
Ainsi « l'option littorale » doit être écartée, puisque sa réalisation serait destructrice d'une partie des vignobles AOC, des structures économiques qui en dépendent, ainsi que de plus de 120 maisons d'habitation et autres projets de développement économique.
S'agissant des risques hydrauliques (Cuxac d'Aude, notamment, et la Narbonnaise, zone de risques majeurs), il tient à souligner l'impérieuse nécessité de garantir la sécurité des populations concernées, par la mise en transparence (viaduc) de l'infrastructure ferroviaire, sur toute la traversée de la basse plaine de l'Aude.
Il lui rappelle, enfin, qu'un large consensus se dessine autour de la solution de desserte des agglomérations, dans l'aire narbonnaise, sur la zone dite de Montredon - Lebrette (carrefour ferroviaire) et que ce projet est intégré dans les études en cours.
Il lui demande donc s'il est dans ses intentions de tenir le plus grand compte des préoccupations exprimées ainsi que des propositions portées par les élus, les acteurs économiques et les populations des collectivités concernées.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite vivement attirer votre attention sur le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Montpellier-Perpignan, maillon stratégique mais manquant sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse.
Il s'agit d'un feuilleton interminable puisque le premier tracé établi par la mission Querrien remonte à 1990 et l'avant-projet sommaire à 1995. Or, récemment, il a fallu tout recommencer, c'est-à-dire faire de nouvelles études et établir un nouveau tracé. Plus de vingt ans ont ainsi été perdus et nous revoilà au point de départ !
Premier point de préoccupation, monsieur le ministre, certaines informations parues dans la presse laissent entendre que le Gouvernement pourrait renoncer à la réalisation de plusieurs lignes nouvelles à grande vitesse. J'espère que la réalisation du maillon manquant entre Montpellier et Perpignan, que nous attendons, je le répète, depuis plus de vingt ans, ne fera pas partie des projets reportés ou abandonnés. Il faut absolument que vous apaisiez mes inquiétudes sur ce point, monsieur le ministre !
Deuxième point de préoccupation, les craintes, remarques, propositions et préconisations des élus, des populations et des associations des communes concernées par les hypothèses de tracés seront-elles ou non prises en compte ?
Il m'a été précisé que Réseau ferré de France, ou RFF, ne travaillait, pour ses études de tracés, que sur la base de la décision ministérielle du 14 novembre 2011, qui retient deux hypothèses : première hypothèse, il s'agirait d'une ligne à grande vitesse dédiée aux seuls trafics de voyageurs uniquement, et ce serait l'option « médiane » qui devrait être retenue ; seconde hypothèse, il s'agirait d'une ligne à grande vitesse mixte - voyageurs et fret -, et ce serait l'option « littorale » qui serait retenue...
Cette décision ministérielle - s'il s'agit bien de cela - constitue un carcan et ne prend de surcroît nullement en compte l'utilisation du fret dans le futur.
Il est clair, monsieur le ministre, qu'élus et populations sont fermement opposés à l'option littorale, qui serait destructrice : une partie du vignoble et des structures économiques qui en dépendent ainsi que plus de cent vingt maisons d'habitation et divers projets de développement économique seraient détruits, et ne parlons même pas des conséquences environnementales, des nuisances diverses et de la sécurité des personnes !
Par ailleurs, un tel choix de tracé ne manquerait pas d'entraîner une multiplication des recours, ce qui pourrait retarder considérablement la construction de la ligne.
Il est essentiel, monsieur le ministre, que l'on parvienne à un choix de tracé qui fasse consensus.
Tel était le cas, je le rappelle, pour le tracé établi par la mission Querrien. Ce tracé n'avait soulevé aucune opposition à l'époque et les communes avaient intégré dans leur plan d'occupation des sols des zones réservées inconstructibles, qui le sont d'ailleurs toujours. Or, je le précise volontiers, la majeure partie du tracé des années quatre-vingt-dix se retrouve dans l'option médiane, qui est celle que veulent les élus et les populations.
Il est donc primordial d'écarter l'option littorale et de faire le choix de l'option qui fait actuellement consensus : l'option médiane.
Mon troisième point de préoccupation a trait aux risques hydrauliques, notamment dans la basse plaine de l'Aude, sur la commune de Cuxac-d'Aude et sur la Narbonnaise. Il importe, monsieur le ministre, de garantir la sécurité des populations par la mise en transparence de l'infrastructure ferroviaire sur la traversée de la basse plaine.
Enfin, s'il est un sujet qui fait consensus dans mon département, c'est bien l'implantation d'une gare TGV dans l'aire narbonnaise, sur la zone dite de Montredon-Lebrette.
Monsieur le ministre, en m'apportant aujourd'hui votre soutien sur l'ensemble des points évoqués, sachez que vous rassurerez élus et populations du département que je représente ici.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, cher Roland, je vais essayer de dissiper vos craintes !
Ces craintes sont légitimes, car il n'aura échappé à personne que l'état actuel des finances publiques et le sens des responsabilités nous imposent une analyse extrêmement pragmatique, notamment s'agissant des innombrables annonces qui ont été faites lors du dernier semestre 2011. Peut-être était-ce la période préélectorale qui a conduit à prendre une succession d'engagements ? Sorte d'inventaire à la Prévert, ces derniers n'avaient qu'un seul défaut, celui de ne pas avoir de pendants financiers et de ne pas avoir été pris dans des conditions permettant à l'État de s'engager réellement.
Nous sommes donc face à un schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT, d'un montant de 245 milliards d'euros pour une période de vingt à vingt-cinq années, tel qu'il fut annoncé par mon prédécesseur.
Il est cependant un petit bémol, qui ne vous rassurera pas, monsieur Courteau, et qui, pour ma part, m'inquiète particulièrement : il n'y a pas de début de commencement de financement pour ces 245 milliards, si ce n'est celui qui provient de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, dont le budget annuel est de l'ordre de 2 milliards d'euros,... ce qui nous amène à cent vingt ans pour la réalisation du schéma national si l'on n'y ajoute ni nouvelles infrastructures, ni nouveaux réseaux, ni autres modernisations !
Nous allons donc faire preuve de pragmatisme. M. le Président de la République a indiqué que tout projet engagé sera confirmé. C'est le cas. Nous allons examiner les choses telles qu'elles ont été annoncées, et, avec le renfort d'une commission composée d'experts et de parlementaires, nous allons mettre de l'ordre dans le SNIT et déterminer les critères d'opérationnalité des engagements de l'État et des collectivités territoriales.
Pour le reste, monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur le projet, fort ancien déjà - vingt ans, disiez-vous -, de ligne Montpellier-Perpignan.
Comme vous l'avez rappelé, c'est un maillon stratégique du réseau européen des lignes à grande vitesse. Avec la réalisation du contournement de Nîmes-Montpellier, dont le contrat de partenariat public-privé vient d'être signé - c'est une illustration de ce que je viens de dire : ce qui était engagé sera honoré -, la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan permettra de garantir la continuité du réseau à grande vitesse entre la France et l'Espagne.
Cette opération a fait l'objet d'un débat public en 2009. Les études du projet ont bien avancé depuis avec la définition, en novembre dernier, du fuseau de passage de la nouvelle infrastructure.
Dans le secteur des Corbières, il n'a toutefois pas été possible de retenir un seul fuseau de passage, et les études sont aujourd'hui poursuivies selon deux options que vous avez rappelées : une option dite « médiane », dans l'hypothèse où la section serait dédiée aux seuls trafics de voyageurs, et une option dite « littorale », dans l'hypothèse d'une mixité des trafics voyageurs et fret.
La phase d'étude en cours examine également les modalités de desserte des agglomérations situées sur l'itinéraire de la nouvelle ligne.
J'ai entendu les préférences que vous avez exprimées et qui font écho aux préoccupations des élus locaux quant à la localisation, notamment, de la gare de desserte. Il faudra que nous y revenions puisque les résultats de ces études sont attendus à la fin de l'année 2012. Ces résultats seront ensuite présentés à l'ensemble des partenaires - au premier rang desquels vous-même, monsieur le sénateur, et les représentants de toutes les collectivités territoriales concernées -, afin de recueillir leur position préalablement à toute décision.
Comme l'indiquaient le Président de la République et le Premier ministre, nous serons en effet dans la confiance et le dialogue avec les collectivités, en particulier lorsqu'il s'agira d'arrêter des décisions relatives à l'aménagement du territoire et notamment de gommer la fracture territoriale existant dans certaines parties du territoire.
Il est à mon sens important de laisser les études se poursuivre et la concertation se dérouler. Je déciderai ensuite, sur la base de ces études et des échanges avec l'ensemble des partenaires, le tracé qui sera retenu et les modalités de desserte des agglomérations par la nouvelle ligne, dont bien entendu celle de Narbonne.
Le calendrier qui sera alors arrêté devra tenir compte, pour être réaliste - vous en conviendrez, j'en suis sûr, monsieur le sénateur -, des contraintes de financement. Nous n'adopterons pas l'attitude que j'ai dénoncée au début de mon propos : nous ne ferons pas des effets d'annonce, nous ne fixerons pas de dates impossibles à tenir et nous n'irons pas de rapport en rapport. Nous recherchons la crédibilité et nous souhaitons des engagements qui feront honneur à l'État et aux collectivités.
Je sais enfin que l'impact de ce projet sur les risques hydrauliques dans les plaines de l'Aude est un problème majeur en même temps qu'un véritable enjeu. Vous le savez, la sécurité des populations concernées est pour le Gouvernement une priorité absolue, comme je l'ai dit dans une précédente réponse. RFF devra donc présenter dans le détail les mesures techniques apportant toutes les garanties nécessaires de ce point de vue.
À ce propos, je profite du fait que ma collègue Delphine Batho nous ait rejoints pour saluer l'attention que le Gouvernement porte à la protection de l'environnement et aux mesures d'accompagnement nécessaires pour rester fidèle à cet engagement.
Ces mesures seront par la suite affinées tout au long du processus d'études, en concertation avec l'ensemble des partenaires, jusqu'à la définition précise de la consistance de la nouvelle ligne.
Je tiens à vous indiquer également que j'ai reçu hier matin Mme Ana Pastor, ministre des travaux publics chargée des transports espagnole. Nous avons longuement évoqué les enjeux attachés à la nouvelle ligne pour nos deux pays et l'importance de notre coopération. La mise en œuvre de cette ligne devra aussi se faire au rythme de nos partenaires espagnols et nous devrons ajuster de conserve nos capacités de financement.
Enfin, je tiens à vous assurer - mais cela ne vous étonnera pas étant donné l'intitulé de mes fonctions ministérielles - de l'attention que je porte à la préservation des zones littorales, qui sont un véritable enjeu pour notre pays et doivent être respectées y compris dans le cadre des choix d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, me voilà rassuré. Je vous remercie de votre réponse particulièrement complète et précise : vous avez rappelé que tout ce qui était engagé sera confirmé et honoré.
Sur le choix du tracé, j'ai bien noté que dialogue, échanges, confiance et crédibilité prévaudront. J'espère qu'il en sera ainsi jusqu'au bout et que nous obtiendrons satisfaction.
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