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Alain Bertrand
Question orale sans débat N° 36 au Ministère de l'artisanat


Faiblesse de la diminution du montant des dépenses déductibles de l'IRPP envisagée par le Gouvernement

Question soumise le 19 juillet 2012

M. Alain Bertrand attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur la faiblesse de la diminution du montant des dépenses déductibles de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) que le Gouvernement a annoncée.

Il lui apparaît en effet que le principe même duquel découlent ces déductions, favorise les hauts revenus et, de ce fait, l'iniquité devant l'impôt : plus les revenus sont importants, plus les dépenses déductibles et les réductions d'impôt sont élevées. En outre, le mécanisme est loin d'être efficient. Ainsi le rapport de l'inspection générale des finances rendu public en août 2011 fait-il apparaître le caractère très partiellement avéré de son efficacité économique et sociale. Enfin, s'il a bien noté le projet du Gouvernement de réduire le plafonnement de ces dernières de 15 000 à 10 000 euros, l'argument selon lequel ces mesures pourraient se révéler génératrices d'emplois ne lui semble pas justifier leur maintien à un tel niveau.

Dans ces conditions et dans le contexte budgétaire tendu actuel, il s'interroge sur la portée des mesures budgétaires annoncées en matière de limitation des déductions fiscales. Il lui demande en conséquence si la nécessité de rétablir les comptes publics ne lui semble pas réclamer des mesures d'équité plus fortes.

Réponse émise le 21 novembre 2012

M. Alain Bertrand. Madame la ministre, nombre de mes collègues ont demandé ce matin, dans leurs questions orales respectives, de l'argent au Gouvernement. Pour ma part, je propose de lui en rendre ! (Sourires.) C'est, me semble-t-il, une bonne idée…

Mon intervention a trait aux fameuses niches fiscales.

D'après les documents budgétaires qui nous ont été remis, les niches fiscales devraient représenter en 2013 quelque 70,769 milliards d'euros, dont 34,38 milliards d'euros au titre du seul impôt sur le revenu des personnes physiques. Sur proposition du Président de la République, le ministre de l'économie et des finances et le ministre chargé du budget font passer les avantages fiscaux de 20 000 euros par foyer fiscal à 10 000 euros, ce qui représente une diminution importante.

À cet égard, permettez-moi de poser deux questions.

Premièrement, estime-t-on que ces niches fiscales sont justes ? Pour ma part, je partage l'ambition de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault de rétablir une fiscalité sereine, progressive et juste. Or ces niches s'adressent essentiellement aux personnes disposant d'un revenu élevé, qui bénéficient ainsi d'une réduction d'impôt ou d'un crédit d'impôt. Voilà qui est injuste.

D'ailleurs, peut-on parler d'une petite injustice quand on sait que le plafonnement à 10 000 euros représente tout de même les dix douzièmes d'un SMIC net annuel ? Moi, je ne le pense pas ; il s'agit au contraire d'une grande injustice !

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je souhaiterais que ces niches, dont je bénéficie d'ailleurs moi-même au titre d'un emploi à domicile, soient réduites de manière drastique.

Dans la période actuelle, une déduction fiscale ne serait-ce que de 3 000 euros par an représente – pardonnez-moi de revenir à nos francs ! – un peu plus de 20 000 francs ou encore 2 millions de centimes de nos anciens francs. C'est beaucoup au regard de ceux qui gagnent 1 000 euros par mois !

Deuxièmement, la stratégie que poursuit le Gouvernement pour rétablir les comptes publics et relancer la croissance, une stratégie à laquelle je souscris, ne devrait-elle pas plutôt consister à faire un point zéro ? Feu mon ami Georges Frêche disait parfois : à un moment, il faut que ça saigne en politique !

Compte tenu des impératifs budgétaires, je pense qu'il aurait fallu faire un point zéro en supprimant toutes les niches fiscales, pour ne conserver que celles qui sont indispensables à l'emploi et à la jeunesse. Reverser tous ces milliards d'euros au budget général de l'État aurait été de nature à redonner des marges de manœuvre au Gouvernement, en vue de favoriser la croissance, d'aider les jeunes en créant des emplois d'avenir, d'aider les collectivités territoriales et les communes en contribuant à l'aménagement d'infrastructures. Ce dispositif serait bien plus complet.

Telle est la stratégie que je vous propose de suivre, madame la ministre. Je vous demande d'en tenir compte.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de M. Cahuzac, qui m'a chargé de vous transmettre cette réponse.

Le plafonnement global des avantages fiscaux à caractère incitatif ou liés à un investissement a été mis en place en 2009, pour éviter que le cumul des réductions et des crédits d'impôt ne réduise la progressivité de l'impôt sur le revenu au-delà de ce que peut justifier l'objectif d'intérêt général propre à chaque dispositif.

Initialement fixé à 25 000 euros majorés de 10 % du montant du revenu imposable, ce plafond a été progressivement diminué, pour s'établir aujourd'hui à 18 000 euros majorés de 4 % du revenu imposable.

Afin de renforcer l'équité de ce dispositif et de mieux garantir la progressivité de l'impôt, l'article 56 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit d'abaisser le niveau du plafonnement global en diminuant, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la part forfaitaire de 18 000 euros à 10 000 euros et en supprimant la part proportionnelle de 4 %.

Toutefois, afin de préserver l'attractivité des investissements ultramarins, qui nécessitent la mobilisation de sommes importantes au service des économies concernées, le plafonnement actuel serait maintenu pour les réductions d'impôt sur le revenu en faveur des investissements outre-mer.

Il en est de même pour la réduction d'impôt accordée au titre de la restauration complète d'un immeuble bâti, car les niveaux de dépenses sont tels qu'ils ne seraient pas compatibles avec le nouveau plafond.

L'abaissement du niveau du plafonnement général, qui correspond à la mise en œuvre des engagements pris pendant la campagne présidentielle, permet de renforcer l'efficacité du dispositif en termes de justice fiscale et de mieux garantir la progressivité de l'impôt.

Toutefois, dans le contexte budgétaire actuel, que vous avez rappelé, le Gouvernement n'entend pas se limiter à cette seule mesure de plafonnement global des dépenses fiscales. Toutes les mesures de nature à supprimer les avantages fiscaux inutiles, à les réduire ou à en améliorer l'efficacité, si elles sont nécessaires, seront examinées. Des propositions supplémentaires en ce sens seront donc faites dans le cadre des projets de loi de finances à venir.

Enfin, et surtout, l'abaissement du plafonnement global des avantages fiscaux n'est pas une mesure isolée. Le projet de loi de finances pour 2013 comporte, en effet, un ensemble plus large de mesures liées à l'impôt sur le revenu visant à instaurer plus de justice fiscale.

Ainsi, la création d'une nouvelle tranche d'imposition au taux de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu des revenus du capital ou encore l'abaissement du plafonnement des effets du quotient familial constituent des mesures d'équité fortes, qui sont soumises au Parlement et qui vont dans le sens des préoccupations que vous avez exprimées.

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Je vous remercie, madame la ministre, de la qualité de votre réponse.

Le dispositif global mis en place va dans le bon sens, car il tend à plus de justice fiscale. Il faut poursuivre dans cette voie, en allant jusqu'à supprimer toutes les déductions d'impôt sur le revenu. Si l'on veut favoriser les emplois à domicile ou les dons, on peut prévoir, dans les ministères concernés, des aides publiques directes. Il faut aboutir à un barème clair, progressif, allant de zéro à l'infini. C'est cela la justice !

En poursuivant la réflexion, je suis sûr que François Hollande et le Gouvernement franchiront ce nouveau pas, car l'équité est au cœur de leurs préoccupations. C'est pourquoi votre réponse me satisfait.

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