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Jean-Pierre Chauveau
Question orale sans débat N° 80 au Ministère des affaires sociales


Effets pervers du développement des pratiques d'emplois médicaux temporaires

Question soumise le 2 août 2012

M. Jean-Pierre Chauveau attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le fait que, comme le soulignait, dès 2003, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, l'usage par les centres hospitaliers d'emplois médicaux temporaires peut conduire à de graves dérives. Il ne s'agit pas de confondre ces emplois avec les postes occupés par des praticiens contractuels mais de souligner les abus du statut de ceux qui, dans le monde hospitalier sont surnommés « les mercenaires ».

En effet, en raison des déficits de personnels médicaux, certains professionnels s'inscrivent dans de véritables agences d'intérim (en réalité des sociétés de placement) pour effectuer des remplacements ponctuels et bénéficiant de très fortes rémunérations. Ainsi, alors que nos hôpitaux publics sont soumis à de très fortes contraintes budgétaires, il est paradoxal de constater l'existence de telles pratiques. Certes, cette situation trouve son origine dans la démographie des professions médicales et dans les aménagements du temps de travail (ARTT, temps de repos, équivalence du temps de travail et du temps de garde dans les services à activité continue, etc.), il n'en demeure pas moins que plusieurs irrégularités semblent exister. Ainsi, dernièrement, il lui a été signalé que certains professionnels travaillent à temps partiel ou à temps plein dans des hôpitaux et viennent faire des heures pendant leurs congés ou leurs RTT. Pour être plus précis, certains médecins n'acceptent pas d'effectuer des heures supplémentaires dans un cadre salarial (400 euros par mois) mais interviennent sur leur lieu de travail par l'intermédiaire de société de placement (800 euros la journée) au détriment du budget de l'établissement (dans le cadre d'un hôpital multi-site). Plus généralement, comme le soulignait le rapport précité « il est banal de constater que les missions de courte durée ne favorisent pas la construction d'un travail d'équipe » et que « placés devant la nécessité de pourvoir le poste vacant, le directeur et le chef de service peuvent être conduits à des solutions n'offrant pas toutes les garanties de qualité. Dans certains cas, l'établissement recrute un médecin qui satisfait aux conditions d'exercice prévues par les textes, mais dont la notoriété professionnelle n'aurait pas conduit l'établissement, s'il en avait le choix, à retenir sa candidature. »

Dans ces conditions, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour contrôler ces pratiques, sanctionner les abus et mettre un terme à ces inquiétantes dérives.

Réponse émise le 17 octobre 2012

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les effets pervers du développement des pratiques d'emplois médicaux temporaires sont régulièrement décriés.

Comme le soulignait, dès 2003, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, l'usage par les centres hospitaliers d'emplois médicaux temporaires peut conduire à de graves dérives.

Il ne s'agit pas de confondre ces emplois avec les postes occupés par des praticiens contractuels, mais il faut souligner les abus du statut de ceux qui, dans le monde hospitalier, sont surnommés « les mercenaires ».

En raison des déficits en personnels médicaux, certains professionnels s'inscrivent dans de véritables agences d'intérim - en réalité, des sociétés de placement - pour effectuer des remplacements ponctuels et obtenir de très importantes rémunérations.

Alors que nos hôpitaux publics sont soumis à de très fortes contraintes budgétaires, il est paradoxal de constater l'existence de telles pratiques. Certes, cette situation trouve son origine dans la démographie des professions médicales et dans les aménagements du temps de travail - ARTT, temps de repos, équivalence du temps de travail et du temps de garde, etc. -, il n'en demeure pas moins que ces irrégularités existent et qu'elles dépassent les limites acceptables.

Dernièrement, un exemple a été porté à ma connaissance : certains professionnels travaillent à temps partiel ou à temps plein dans des hôpitaux et viennent, en plus, effectuer des heures pendant leurs congés ou leurs RTT ! Pour être plus précis, certains médecins n'acceptent pas de faire des heures supplémentaires dans un cadre salarial normal - 400 euros par mois -, mais interviennent sur leur lieu de travail par l'intermédiaire de sociétés de placement - 800 euros la journée -, au détriment du budget de l'établissement.

Cet exemple concerne un centre hospitalier qui m'est cher, mais qui accuse actuellement un fort déficit - près de 28 millions d'euros - et auquel les « mercenaires » coûtent près d'un demi-million d'euros par an ! Je pense ici au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers, qui attend très prochainement une décision financière afin de consolider sa situation budgétaire.

Plus généralement, comme on le souligne dans le rapport précité, « il est banal de constater que les missions de courte durée ne favorisent pas la construction d'un travail d'équipe » et que « placés devant la nécessité de pourvoir le poste vacant, le directeur et le chef de service peuvent être conduits à des solutions n'offrant pas toutes les garanties de qualité. Dans certains cas, l'établissement recrute un médecin qui satisfait aux conditions d'exercice prévues par les textes, mais dont la notoriété professionnelle n'aurait pas conduit l'établissement, s'il en avait le choix, à retenir sa candidature. »

Alors que la grande majorité des hôpitaux français doivent faire face à une situation financière très difficile, le problème des mercenaires constitue une piste, un gisement pour réaliser des économies sans déséquilibrer le fonctionnement des établissements, car, force est de le reconnaître, le problème de l'absence de titulaires n'est pas le même dans les petites villes de l'ouest ou du centre de la France et dans les grandes métropoles du Sud-Est.

Dans ces conditions, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour contrôler ces pratiques, sanctionner les abus et mettre un terme à ces dérives inquiétantes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité attirer mon attention et celle du Gouvernement sur certaines pratiques au sein des établissements publics de santé où il est fait appel à des praticiens qui viennent effectuer des remplacements ponctuels fortement rémunérés, au mépris parfois de la réglementation applicable.

Globalement, les dépenses de personnels médicaux intérimaires ont représenté 0,71 % en 2009 et 0,72 % en 2010 du total des dépenses de personnels médicaux. On ne peut pas parler de réelle progression, mais il est vrai que ces dépenses représentent un montant significatif.

Ce chiffre global ne doit pas masquer la réalité : les difficultés se concentrent sur certains établissements, qui rencontrent de graves problèmes de recrutement.

C'est pourquoi je souhaite travailler sur l'attractivité des carrières hospitalières et la fidélisation des personnels médicaux.

J'ai ainsi lancé, lors de la concertation sur l'élaboration d'un pacte de confiance pour l'hôpital public, un ensemble de travaux sur l'amélioration de la qualité de l'exercice médical à l'hôpital public, avec notamment pour objectif de réduire le plus possible le recours aux emplois médicaux temporaires.

Je suis consciente que ces dérives ne vont pas disparaître à très court terme et qu'il ne sera pas facile de les limiter. C'est la raison pour laquelle je rappelle que le recours à ces emplois est encadré et que les règles en la matière doivent être respectées.

Le décret du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé, pris en application de l'article 5 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, a permis l'encadrement du recours par les établissements publics de santé aux praticiens recrutés pour une courte durée, c'est-à-dire pour une durée inférieure à trois mois.

Cet encadrement est réalisé par une double mesure : d'une part, la fixation d'une proportion à respecter entre le volume des praticiens temporaires et celui des praticiens titulaires ou recrutés pour une durée supérieure à trois mois dans une même activité et une même structure ; d'autre part, l'obligation pour les établissements de transmettre au directeur général de l'agence régionale de santé un état semestriel des recrutements temporaires. Le directeur général de l'ARS peut ainsi réaliser un contrôle a posterioridu volume d'emploi de personnels temporaires et, le cas échéant, remettre en cause l'autorisation d'activité lorsque la continuité des soins paraît compromise par un important recours aux emplois médicaux de courte durée.

Les verrous existent donc. L'intervention a posteriori, dans le cadre de contrôles identifiés, de la part de l'Agence régionale de santé, permet de mieux réguler le recours à ces emplois temporaires, en attendant que des mesures plus structurelles nous permettent de répondre à la question de fond que pose le recours, parfois systématique, à ces emplois.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Madame la ministre, les petits hôpitaux tels que les nôtres - je pense au centre hospitalier intercommunal créé avec la ville d'Alençon - ont énormément de difficultés à recruter des médecins. Souvent, ce n'est qu'à la dernière minute que l'on arrive à pallier une absence.

Il arrive même que des médecins exerçant à l'hôpital centre d'Alençon se permettent de passer par une agence d'intérim lorsqu'ils interviennent à Mamers. Cela me semble tout à fait anormal.

J'espère donc que les travaux que vous avez lancés permettront, indépendamment des relations que nous avons avec l'ARS, de régler ce problème, qui nous pose d'importantes difficultés financières.

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