M. Daniel Laurent attire l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur deux préoccupations majeures des élus locaux : le financement des investissements publics locaux et la simplification des normes.
Concernant le financement des collectivités territoriales, force est de constater que le déblocage exceptionnel de 5 milliards d'euros par la Caisse des dépôts et la mise en chantier de la Banque postale de développement local sont, certes, des avancées notables, mais n'en demeurent pas moins insuffisantes pour répondre aux attentes des élus locaux.
Sur le second point, la mise en pratique des normes est une source de dépenses supplémentaires, en fonctionnement et en investissement, d'autant qu'elles s'accompagnent d'une large instabilité. Les territoires ruraux sont particulièrement sensibles et affectés par l'inflation normative, ils doivent mettre en œuvre des normes qui se heurtent souvent à des impossibilités techniques ou dont les conséquences sont excessives au regard des objectifs recherchés et de leurs capacités financières. En conséquence, il lui demande quels sont les objectifs du Gouvernement en la matière.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, ma question est similaire à la précédente puisqu'elle porte sur le financement des investissements publics locaux et sur les incidences de l'excès normatif sur les collectivités territoriales.
Je constate que la question qui sera posée tout à l'heure par Alain Fouché tourne également autour du même thème. Nous ne nous étions pas concertés, mais cette convergence prouve que le sujet est d'une très grande importance et qu'il reflète le quotidien des élus de terrain que nous sommes.
À la suite des états généraux de la démocratie territoriale, qui se sont tenus à Paris, mais que nous, élus locaux, avons également organisés sur nos territoires respectifs - en l'occurrence, c'est ce que nous avons fait avec Claude Belot et Michel Doublet en Charente-Maritime -, les élus présents ont fait part de leurs inquiétudes et ont soulevé de nombreuses questions.
Alors que les maires ont des projets d'investissement, ils ne peuvent les mener à bien faute de financements. Quand on sait que plus de 75 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités territoriales, on peut s'inquiéter du sort des entreprises et des emplois. Ces inquiétudes sont renforcées par le gel des concours de l'État aux collectivités territoriales pour 2013 et par l'annonce d'un effort budgétaire de 2,25 milliards d'euros pour les deux ans à venir.
Les élus locaux que nous sommes ne sont pas hostiles à l'idée de participer à l'effort budgétaire de maîtrise des déficits, mais ils souhaitent que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales soit respecté et veulent conserver leur capacité d'investissement.
Face aux difficultés rencontrées par les collectivités pour accéder au crédit et face au renchérissement du coût de ce dernier, la capacité d'investir des collectivités est en nette diminution, ce qui a des répercussions sur l'emploi local, ainsi que sur le tissu économique et social de nos territoires.
Certes, les réponses apportées par les pouvoirs publics, avec le déblocage exceptionnel de 5 milliards d'euros sur fonds d'épargne dédié au financement des collectivités territoriales pour faire face aux besoins de crédits de moyen et de long terme, sont des avancées notables, tout comme l'offre de crédit à court terme proposée par La Banque postale. Néanmoins, ces solutions restent insuffisantes pour répondre aux attentes des élus locaux.
L'agence de financement devrait donc permettre aux collectivités d'emprunter à moindre coût et de manière plus sécurisée, dans un esprit de solidarité et de cohésion territoriale, comme viennent de le rappeler les associations d'élus locaux.
Madame la ministre déléguée, le Gouvernement envisage-t-il le dépôt d'un projet de loi portant création de l'agence de financement des investissements publics locaux ?
Nous attendons des réponses.
Quant à l'excès normatif, qui obère les initiatives au risque de décourager les élus, la problématique a été mise en avant par les élus ruraux lors des états généraux de la démocratie territoriale.
En effet, nous en convenons tous, l'inflation normative est un frein à la compétitivité. Elle touche non seulement les collectivités, mais également de très nombreux secteurs de l'économie française.
La mise en pratique des normes est une source de dépenses supplémentaires en fonctionnement et en investissement, d'autant qu'elle s'accompagne d'une large instabilité. Vous avez cité une dépense annuelle de 2 milliards d'euros, ce n'est pas rien !
Les territoires ruraux sont particulièrement sensibles à l'inflation normative et affectés par elle ; ils doivent mettre en œuvre des normes qui se heurtent souvent à des impossibilités techniques ou dont les conséquences sont excessives au regard des objectifs visés et de leurs capacités financières.
Je ferai, par ailleurs, référence aux excellents rapports de nos collègues Claude Belot, sur la « maladie de la norme », et Éric Doligé, sur la simplification des normes applicables aux collectivités. Ce dernier rapport a fait l'objet d'une proposition de loi renvoyée en commission et qui est inscrite à l'ordre du jour du Sénat, dans l'espace réservé au groupe UMP, le 24 octobre prochain, ce dont je me félicite. J'espère qu'elle ne subira pas le même sort que la proposition de loi portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural, de notre collègue député Pierre Morel-À-L'Huissier.
Je note que le Président de la République a repris à son compte les propositions de notre collègue en matière d'allégement des normes, sans préciser toutefois quelles séries de normes il envisageait éventuellement de supprimer, mais laissant entendre que les normes sanitaires et environnementales ne seraient pas concernées.
Encore une fois, au risque d'insister, madame la ministre déléguée, les élus de terrain souhaitent que nous mettions fin à cet excès normatif. Ils veulent également être accompagnés pour mener à bien leurs projets structurants, indispensables pour le dynamisme de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, avec votre accord, je répondrai d'abord à la deuxième partie de votre question, pour prolonger ma réponse à la question précédente.
Effectivement, les normes ont un poids financier considérable et elles imposent des contraintes quasi insupportables aux collectivités territoriales, qui sont, cela a été dit et répété, de plus en plus démunies de moyens techniques, financiers et humains.
Le Président de la République a demandé que l'on cherche des solutions qui respectent la Constitution. À ce titre, j'attire votre attention sur le fait que la proposition de loi de M. Morel-À-L'Huissier n'a pas été retenue au regard de son caractère anticonstitutionnel.
La proposition de loi de M. Doligé sera examinée en toute impartialité et fera l'objet d'une attention particulière, étant entendu que les solutions qu'elle prévoit entrent exactement dans le cadre proposé par le Président de la République.
Permettez-moi maintenant d'intervenir plus longuement sur les problèmes d'investissement que vous avez évoqués.
Il va de soi que nous serons attentifs aux problèmes qui concernent les collectivités territoriales, car ces dernières sont gage de redressement pour notre pays. En effet, elles participent, par leurs investissements, à la croissance et à l'emploi. Au cours des dernières années, la part des collectivités dans l'investissement public s'élevait à près de 74 %. Depuis 2011, voire 2010, ce pourcentage est revenu autour de 70 % ou de 71 %, d'où l'attention très particulière portée par le Gouvernement à ces situations.
Monsieur le sénateur, vous avez relevé les efforts qui ont été immédiatement consentis l'été dernier, dès que les difficultés de Dexia ont été connues. La Banque postale a contribué pour 2 milliards d'euros et la Caisse des dépôts et consignations pour 3 milliards d'euros. Nous en sommes conscients, il s'agit là d'une réponse ponctuelle.
Aujourd'hui, le Gouvernement travaille à des dispositions pérennes pour répondre aux besoins de court terme ou de moyen et long terme des collectivités territoriales, qui sont des acteurs essentiels de l'investissement pour notre territoire.
Vous avez souhaité savoir, monsieur le sénateur, ce qu'il en était de l'agence de financement des collectivités territoriales. Aujourd'hui, le Gouvernement étudie la question en cherchant les meilleures solutions. Le besoin de financement de nos collectivités s'élève probablement à 18 milliards d'euros par an. Différentes possibilités sont offertes : agence de financement des collectivités territoriales, Banque postale, Caisse des dépôts et consignations, secteur privé.
L'idée est de permettre aux collectivités territoriales de continuer à investir et d'être les moteurs de notre développement économique. Soyez assurés que nous y veillerons avec la plus grande attention et que nous vous apporterons dans les meilleurs délais la réponse à la question que vous avez posée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée.
Nous attendons une très grande réactivité du Gouvernement en faveur de la diminution des normes et du maintien de la capacité d'investissement des collectivités. Car, qui dit investissements, dit emplois !
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