M. Vincent Delahaye attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la prise en compte des derniers répertoires d'immeubles localisés (RIL) connus pour le calcul de la population servant de base à la DGF.
Il lui rappelle que ses prédécesseurs ont été à plusieurs reprises alertés par certains parlementaires à propos du dispositif de recensement rénové de la population entré en vigueur par la loi du 27 février 2002, dispositif qui repose sur un cycle pluriannuel d'enquêtes. Il leur a été à chaque fois signifié une fin de non recevoir. Il se permet de revenir sur le sujet et d'espérer de sa part une écoute neuve, une action rapide pour mettre fin à ce qui lui paraît, au XXI siècle, comme un anachronisme inexplicable.
En effet, comment justifier aujourd'hui, avec les moyens modernes de recueil des informations disponibles, que soient prises en compte des données vieilles de trois ans comme base de calcul de population d'une commune afin d'en déduire notamment les dotations globales de fonctionnement versées par l'État. C'est évidemment un système qui pénalise fortement les communes dont la population croit rapidement alors même que les besoins, par exemple en matière d'infrastructures scolaires, sont eux bien actuels.
Il ne lui apprend rien en lui rappelant que, pour les communes de plus de 10 000 habitants, la population estimée d'une commune provient du calcul du nombre de logements sur la commune auquel on applique ensuite un taux d'occupation, c'est-à-dire un nombre moyen de personnes par logement. Il ne remet pas en cause le calcul du taux d'occupation. En revanche, comment expliquer que le nombre de logements pris en référence soit, pour le 1er janvier 2012 par exemple, la moyenne de logements des RIL de juillet 2008 et juillet 2009. Pourquoi ne pas considérer le nombre de logements réels de l'année (n-1) connus, archi-connus et que ses services peuvent fournir au jour le jour, que l'INSEE elle-même produit sans aucun problème ! Pour prendre l'exemple de la commune dont il est le maire, Massy : il sait lui dire au delà des RIL de juillet 2008 – en l'occurrence 17 746 logements - et de juillet 2009 – 18 225 logements –, il sait lui dire ceux de 2010, de 2011 et même de 2012 : au 1er juillet dernier, le RIL était de 19 925 logements !
Ainsi donc l'an prochain, le chiffre pris en référence pour le calcul de la DGF sera de 18 650 logements quand il est d'ores et déjà possible de savoir que la réalité au 1er janvier 2012 était de 19 615 ! Soit pas moins de 1 000 logements qui ne seront pas pris en compte et, au taux d'occupation qui est appliqué actuellement, 2 300 habitants non comptabilisés ! C'est un manque à gagner conséquent pour sa commune tant sur la DGF que pour le calcul de la péréquation régionale qui se base sur un potentiel financier par habitant. Il lui dit cela à l'heure où il vient de programmer dans ses investissements pour l'année 2013 une nouvelle école, un nouveau gymnase, une nouvelle crèche pour répondre à l'arrivée de cette nouvelle population.
Il le remercie de lui dire ses intentions pour corriger cet état de fait, incompréhensible au début du troisième millénaire, incompréhensible quand son Gouvernement encourage, à juste titre, la construction de logements neufs et devrait, par tous les moyens, soutenir les villes qui, sur ce plan, jouent le jeu.
M. Vincent Delahaye. Ma question porte sur le recensement de la population par l'INSEE.
Le problème du logement est une question centrale pour nos concitoyens, particulièrement en Île-de-France. Le Gouvernement s'est engagé à construire 500 000 logements par an. J'espère que cette promesse sera tenue. En tout cas, nous y serons très attentifs.
En Île-de-France, 70 000 logements doivent être construits. À cette fin, il est nécessaire de s'appuyer sur les maires. Siégeant dans une assemblée aussi attentive aux collectivités territoriales, nous sommes sensibles aux efforts de ces dernières en vue de construire ces logements.
Toutefois, vous le savez, construire du logement n'est pas toujours aisé. Tout d'abord, ce n'est pas toujours populaire. Le réflexe des habitants consiste souvent à considérer que les constructions de logements sont bien nécessaires, mais dans les autres municipalités !
De plus, nous sommes confrontés à des textes et des normes de plus en plus complexes.
Enfin, cela pose un défi financier. Bâtir des logements impose de construire aussi des crèches et des écoles, et le coût du processus dans son ensemble dépasse souvent les recettes que procurent les nouveaux habitants.
Depuis 2002, l'INSEE évalue la population en effectuant un recensement sur la base d'enquêtes pluriannuelles menées sur des échantillons de 8 %. Sans remettre en cause cette méthode, car je comprends qu'on factorise un nombre de logements par un taux d'occupation moyen calculé sur cinq ans, je voudrais soulever la question de la date que l'INSEE prend en compte comme référence du nombre de logements.
Au 1erjanvier 2013, le chiffre référence considéré est issu de la moyenne du nombre de logements recensé dans la commune entre le 1erjuillet 2009 et le 1erjuillet 2010, ce qui équivaut peu ou prou au nombre de logements au 1erjanvier 2010. L'évaluation a donc trois ans de retard.
Dans les communes qui construisent beaucoup, comme Massy, mais aussi Évry et d'autres villes d'Île-de-France, les nouveaux logements sont pris en compte avec beaucoup de retard.
Cette situation entraîne des conséquences financières non négligeables, non seulement sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, mais aussi sur le calcul de la péréquation, qui prend de plus en plus d'importance et dont le calcul est basé sur le potentiel financier par habitant.
Dans ma commune, les chiffres au 1erjuillet 2012 sont déjà très bien connus, par mes services comme par l'INSEE, qui a disposé de six mois pour les vérifier - un délai raisonnable au vu des moyens modernes de communication et de statistique disponibles. Si cette date avait été choisie comme référence, la population légale de Massy serait plus importante d'à peu près 1 000 habitants, dans 2 300 logements, selon mes calculs.
Les nouveaux habitants sont donc pris en compte dans le potentiel financier à partir duquel est calculée la contribution à la péréquation de ma commune, en revanche, ils ne sont pas pris en considération dans la population légale sur la base de laquelle est calculée la DGF. Ma commune contribue donc à financer d'autres municipalités qui, elles, construisent beaucoup moins de logements.
Monsieur le ministre, pouvez-vous demander à l'INSEE, qui dépend de votre ministère, de prendre comme référence un chiffre datant non de trois ans, mais de six mois, qui est vérifiable et sur lequel il est possible de s'accorder très rapidement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé sur la prise en compte des derniers répertoires d'immeubles localisés connus pour l'évaluation de la population servant de base au calcul de la DGF.
Vous avez raison de souligner qu'il existe un décalage de trois ans entre la date de référence des populations légales et l'année en vigueur.
Même s'il peut encore paraître important, notamment pour les communes où la population est en forte croissance, comme Massy, ce décalage de trois ans constitue une nette amélioration par rapport au dispositif précédent, dans lequel près de dix ans séparaient deux recensements de la population.
La durée de ce décalage s'explique par les contraintes fortes relatives au calcul. Les méthodes de calcul de la population doivent assurer l'égalité de traitement entre les communes en fournissant des données de population avec une robustesse équivalente, quelle que soit la collectivité.
Dans les communes de moins de 10 000 habitants, l'estimation s'appuie sur la disponibilité des données sur la taxe d'habitation. Dans le cas des communes de 10 000 habitants et plus, l'estimation de la population repose sur la mise à jour du RIL, et l'estimation d'un nombre moyen de personnes par logement.
Le nombre de logements de la commune est certes connu, mais cela ne suffit pas à fournir une estimation fiable de la population, même si on en a une idée. Le calcul du nombre moyen de personnes par logement, élément très important dans le calcul de la population, est ardu et nécessite une expertise. En outre, ce nombre diminue régulièrement sous l'effet d'un double mouvement sociologique que nous connaissons partout, et notamment en Île-de-France : de plus en plus de personnes vivent seules et il y a de moins en moins de familles nombreuses.
La commission nationale d'évaluation du recensement de la population, ou CNERP, présidée par le sénateur Jean-Claude Frécon et dont sont membres les représentants des associations d'élus, a examiné, au cours de sa réunion du 10 mai 2012, la possibilité d'avancer la date de référence des populations légales.
Elle a conclu que, au prix de quelques investissements méthodologiques relativement lourd, il était possible d'avancer la date de référence des populations légales d'un an au maximum. Je suis bien conscient de ne pas répondre ainsi tout à fait à votre attente.
La CNERP a prévu de lancer une concertation pour recueillir l'avis des associations d'élus et demander à l'INSEE de poursuivre ses travaux et de réaliser des simulations afin de tester la force, la robustesse et la précision des estimations.
Je pense que votre attente est ainsi prise en considération, et j'espère que ces travaux en cours permettront de rapprocher votre point de vue de la réalité statistique.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Je m'attendais à ce que vous annonciez un gain d'un an et je trouve que c'est déjà un pas dans la bonne direction. L'ancien système était archaïque, un recensement tous les neuf ans ne permettant pas du tout de prendre en compte les évolutions de la population. Le système actuel permet d'être plus proche de la réalité et, avec un an de moins, on en sera plus proche encore.
Je ne remets pas en cause le taux moyen d'occupation par logement, qui résulte d'enquêtes réalisées dans chaque commune sur les cinq dernières années.
Je suis sûr que les problèmes techniques seront résolus peu à peu et j'espère que nous parviendrons progressivement à prendre en compte le chiffre le plus proche de la réalité, c'est-à-dire celui des six derniers mois - celui du 1erjuillet de l'année précédente lorsque le calcul est fait le 1erjanvier. En tout cas, monsieur le ministre, je prends note du progrès que vous avez annoncé, en espérant que votre propos sera suivi d'effets.
Enfin, je souhaite que l'INSEE fasse preuve d'une transparence encore plus grande dans les informations fournies aux collectivités territoriales, s'agissant notamment des corrections apportées au répertoire d'immeubles localisés.
En effet, si certaines corrections sont parfaitement compréhensibles, d'autres interviennent au dernier moment et ne sont ni expliquées ni justifiées. Dans ma commune, ces corrections inexpliquées peuvent concerner jusqu'à cent ou deux cents logements. Je serais donc ravi, monsieur le ministre, si vous pouviez donner à l'INSEE l'instruction de fournir davantage d'explications aux communes.
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