Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur la décision du Président du conseil général du Val-de-Marne de refuser d'appliquer l'article 105 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 qui prévoit le non-versement aux agents publics civils et militaires de la rémunération au titre du premier jour de congé de maladie. Cette disposition législative entrée en vigueur au 1er janvier 2012 est précisée dans la circulaire d'application du 24 février 2012.
Dans un souci de redressement des comptes de l'assurance maladie et d'égalité professionnelle entre la fonction publique et le secteur privé (pour lequel un délai de carence de trois jours est imposé aux salariés), le Gouvernement précédent avait mis en place dans la loi de finances cette disposition pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques.
Le Président du conseil général du Val-de-Marne justifie sa décision par deux arguments : une opposition des agents de sa collectivité et la réponse du conseiller de Matignon prétendant que les collectivités auraient le choix de ne pas appliquer la journée de carence. Pourtant, le caractère supposément optionnel de ce jour de carence n'apparaît pas de manière explicite à la lecture de l'article. Si une modification de l'application de l'article 105 est intervenue, elle voudrait être informée de sa date d'entrée en vigueur et de ses conditions d'exécution.
Sinon le Gouvernement peut-il apporter des précisions sur les mesures qui seront prises pour s'assurer du respect de la loi car cette situation crée une rupture d'égalité au sein même de la fonction publique. Selon l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois. Enfin peut-il lui être indiqué si d'autres collectivités se refusent également à appliquer cette disposition.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur la décision du président du conseil général du Val-de-Marne de ne pas appliquer, depuis le mois de juillet 2012, l'article 105 de la loi de finances n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, qui prévoit le non-versement aux agents publics civils de la rémunération au titre du premier jour de congé de maladie. Cette disposition législative est pourtant entrée en vigueur au 1erjanvier 2012 et précisée dans la circulaire d'application du 24 février 2012.
En effet, dans un souci de redressement des comptes de l'assurance maladie et d'égalité professionnelle entre la fonction publique et le secteur privé, secteur dans lequel un délai de carence de trois jours est imposé aux salariés, le gouvernement précédent avait mis en place la disposition pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques.
Récemment, vous avez proposé la suppression de ce jour de carence, mesure qui, pour être effective, devra figurer dans une prochaine loi de finances, puisque seule une loi peut en abroger une autre. En attendant, les dispositions en vigueur me paraissent devoir être respectées. Par conséquent, le versement d'une indemnité de compensation me semble demeurer une infraction.
Dans votre réponse apportée à la question écrite de notre collègue Jacques Mézard, publiée au Journal officieldu 8 novembre 2012, vous avez clairement précisé que la journée de carence s'appliquait bien aux trois fonctions publiques et que les modalités d'application de cette disposition étaient précisées dans la circulaire du 24 février 2012.
En conséquence, madame la ministre, me confirmez-vous oui ou non que la non-application de la journée de carence demeure illégale jusqu'au vote et à l'entrée en vigueur de la future loi ? Si tel est le cas, quelles sont les sanctions applicables aux collectivités ?
Par ailleurs, le président du conseil général, notre collègue Christian Favier, nous a indiqué que, alors qu'il portait la pétition des fonctionnaires de sa collectivité à Matignon, des conseillers l'avaient informé que des collectivités proches du Premier ministre n'appliquaient pas l'article 105 de la loi susvisée. De ce fait, il se sentait autorisé à faire de même. J'aimerais donc connaître le nombre de collectivités actuellement dans la même situation que le conseil général du Val-de-Marne. Quelle mesure comptez-vous prendre dans le projet de loi qui aura pour objet d'abroger cet article 105 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la sénatrice, pour justifier la création du jour de carence, le précédent gouvernement avait avancé les arguments simples suivants : les fonctionnaires sont avantagés par rapport aux salariés du secteur privé soumis à trois jours de carence ; l'absentéisme est plus important dans le secteur public que dans le secteur privé ; il est nécessaire de restaurer l'équité entre salariés et agents publics. Comme vous l'avez rappelé en posant votre question, l'objectif sous-jacent était, en fait, de réaliser des économies budgétaires puisque ce sont les administrations elles-mêmes, et non l'assurance maladie, qui assurent le versement du traitement des fonctionnaires pendant leurs arrêts pour maladie de ces derniers.
Le Gouvernement a décidé d'abroger ce dispositif dans la prochaine loi de finances. En effet, un an après la création de celui-ci, un premier bilan a été établi ; il démontre, d'une part, que le jour de carence n'a pas les effets que l'ancien gouvernement escomptait et, d'autre part, que de nombreuses craintes n'étaient pas fondées.
Ainsi, en termes d'équité, 77 % des salariés du secteur privé qui appartiennent à de grands groupes ne sont pas soumis à un jour de carence car ils sont couverts par des systèmes de prévoyance ou par des conventions de branche ou d'entreprise, tout comme 47 % des salariés des toutes petites entreprises, pour les mêmes raisons. En revanche, le jour de carence dans la fonction publique a concerné 100 % des agents publics dès le premier jour de leur arrêt maladie. Afin de corriger une iniquité, on en crée en réalité une nouvelle, et non des moindres.
Ensuite, l'absentéisme a été décrit comme un phénomène majeur. Or selon les chiffres fournis - j'ai d'ailleurs attendu d'en disposer avant de soumettre une proposition à M. le Premier ministre -, la proportion d'agents en arrêt de courte durée est passée de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique d'État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière, tandis qu'elle est restée stable dans la fonction publique territoriale. Ces données montrent que les « récupérations » de journées travaillées redoutées n'ont pas eu lieu.
En revanche, dans le même temps, on note une durée plus longue des arrêts pour maladie. Le salarié qui justifie son jour de carence en produisant un certificat médical a tendance à suivre les préconisations de son médecin et à prendre les trois ou quatre jours d'arrêt maladie que celui-ci lui conseille. Nous sommes donc perdants de ce point de vue.
Toutes choses égales par ailleurs, puisque la mesure a rapporté 60 millions d'euros à l'État, alors que son produit avait été évalué à 120 millions d'euros, j'ai proposé que soit supprimé le jour de carence.
Je rappelle également qu'un certain nombre de collectivités territoriales sont en train de négocier des systèmes de prévoyance supplémentaires, qui vont coûter fort cher.
Comment vérifier que chaque collectivité locale soit en accord avec la loi ? À l'heure actuelle, aucun dispositif ne le permet. Je rappelle le principe de libre administration des collectivités locales. Il appartient donc à chaque citoyen ou à toute personne qui y a intérêt d'ester en justice en la matière.
Mais compte tenu de la grande difficulté à mettre en place le dispositif actuellement en vigueur, du coût qu'il représente pour les fonctions supports, notamment l'établissement de nouveaux logiciels de paye, je comprends qu'il ne soit pas forcément appliqué les prochains mois de son existence. Il revient à l'exécutif de chaque collectivité de décider ce qu'il doit faire.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, comment voulez-vous que je me satisfasse de votre réponse ? Je vous ai posé une question précise : la non-application de la journée de carence est-elle légale ou pas ? Vous ne me répondez pas !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si, j'ai répondu !
Mme Catherine Procaccia. Vous avez justifié pendant une minute et demie l'abrogation du jour de carence, après l'avoir expliqué en long et en large dans les journaux. Je vous demande simplement : est-ce légal ou non ? Or vous ne me répondez pas ! Vous comprenez, dites-vous, que la disposition actuellement en vigueur ne soit pas appliquée, mais vous ne vous prononcez pas sur l'aspect juridique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si, je vous ai répondu !
Mme Catherine Procaccia. Vous êtes ministre. Vous devez pouvoir me répondre sur ce point ! Par conséquent, je m'étonne de votre réponse.
Par ailleurs, vous me dites que vous n'avez pas de remontées. Or, dans la circulaire d'application, il est bien précisé qu'un tableau des remontées statistiques serait réalisé, qu'un bilan chiffré du nombre de jours ayant fait l'objet d'une retenue devrait être produit tous les trimestres et que la direction générale des collectivités locales et la direction générale de l'organisation des soins feraient remonter toutes les informations. Est-ce à dire que les circulaires de l'État ne sont pas non plus appliquées ?
Par votre absence de réponse, vous montrez l'ambiguïté de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Vous refusez de nous dire que cela ne coûtera pas très cher. Or hier, comme par hasard, j'ai réussi à obtenir le coût de la mesure pour ma collectivité. En deux mois, cette dernière a enregistré 1 890 jours d'arrêt maladie pour un montant total de 128 000 euros, soit annuellement - j'ai fait le calcul - 768 000 euros, et ce alors que la loi s'appliquait. Alors que l'on demande aux collectivités locales de réaliser des économies, en l'espèce, en attendant le vote d'une prochaine loi, on n'essaie même pas d'appliquer les dispositions en vigueur !
Madame la ministre, je suis assez scandalisée par votre absence de réponse et par l'attitude du Gouvernement.
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