M. Gérard Larcher. Madame la ministre, le système de retraite est l'un des indicateurs d'un modèle social. Celui que nous avons mis en place voilà déjà quelque temps dans notre pays est fondé sur la solidarité entre générations. Il connaît des difficultés, et cela depuis un certain nombre d'années.
Celles et ceux qui l'ont préservé et défendu se sont trouvés dans les gouvernements d'Édouard Balladur, de Jacques Chirac, de Jean-Pierre Raffarin puis, en 2003, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, de François Fillon.
Beaucoup a été fait, mais une certaine réalité, liée à notre taux d'activité, notre démographie et notre situation économique et sociale, nous oblige à poursuivre et à approfondir encore les réformes engagées.
Au fond, il faut inverser ce qui a été décidé sans étude prospective, en vertu d'un choix purement politique : la mise en œuvre de la proposition n° 82 de François Mitterrand, en 1981, c'est-à-dire la retraite à 60 ans. C'était sympathique et, pourtant, des élus aussi peu réactionnaires que Philippe Seguin et Jacques Chaban-Delmas avaient prévenu. Je cite ce dernier : « Par les coûts supplémentaires qui pèseront sur les régimes de retraite déjà en difficulté, le Gouvernement prend le risque de compromettre l'avenir. »
Il est aujourd'hui nécessaire, à contre-pied d'une attitude constante de la gauche depuis vingt ans, d'étudier l'augmentation de la durée de cotisation et de tendre à la contribution de tous…
Mme Annie David. Oui, parlons-en !
M. Gérard Larcher. … avec la convergence progressive des trente-cinq systèmes.
Pour être attaché à l'équité, j'aurai le courage de parler du report de l'âge – mais en prenant en compte la pénibilité et le taux d'activité des seniors, qui sont de vrais sujets –, de la convergence progressive des régimes publics, privés et spéciaux de retraite, sans oublier que certains fonctionnaires, notamment territoriaux, ont des retraites modestes.
Pour ma part, je refuse de considérer la désindexation comme un paramètre. Or nous voyons bien que ce sujet est entré subrepticement dans le cadre de la négociation AGIRC-ARRCO. Cela étant, sans doute une indexation sur la croissance s'imposera-t-elle.
Vous-même l'avez dit, madame la ministre : quand on vit plus longtemps, on peut travailler plus longtemps. Dès lors, ma question est double.
Appliquerez-vous le dispositif de la loi de 2010 – introduit ici – sur la réforme systémique, qui impose que nous mettions en place des groupes de travail cette année ? Certes, il faudra du temps pour y parvenir, mais je crois, comme la CFDT, qu'il y a là une voie qui répond à un souci à la fois de pérennité et d'équité.
Éviterez-vous de paupériser les retraités ?
Vous êtes au pied du mur, madame la ministre, et ce que vous n'avez pas fait en nous accompagnant depuis vingt ans, il va falloir, aujourd'hui, le faire sans faux-fuyants !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n'a pas l'intention de prendre quelque chemin de traverse que ce soit. Il n'a pas, non plus, l'intention de se laisser dicter une réforme par ceux-là mêmes qui, il y a deux ans, prétendaient relever l'ensemble des défis rencontrés par nos régimes de retraite alors que nous nous trouvons aujourd'hui face au constat implacable d'un déficit qui s'accroît et d'une justice sociale battue en brèche !
Mme Catherine Procaccia. Ç'aurait été pire sans notre réforme !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement mettra en place la concertation nécessaire pour proposer une réforme globale qui ne soit pas qu'une réforme comptable - car une telle réforme ne permet pas de répondre aux grands enjeux liés à la question de la retraite -, mais qui inscrive dans la durée à la fois nos régimes de retraite par répartition et la solidarité entre les générations.
M. Vincent Eblé. Très bien !
M. Philippe Bas. Chacun doit faire sa part du chemin !
Mme Marisol Touraine, ministre. À l'occasion de la réforme qui s'engage, le Gouvernement veut que soit garanti le financement de l'ensemble des régimes de retraite d'ici à 2020 et que la confiance dans l'avenir de nos systèmes de retraite soit donnée - ou rendue - aux jeunes générations en introduisant des mécanismes de financement des différents régimes à un horizon plus lointain et en envisageant des dispositifs qui permettent un examen régulier de leur situation financière.
Enfin, cette réforme doit intégrer des mesures de justice, car nous sommes aujourd'hui confrontés à des personnes qui ont de toutes petites retraites ; je pense en particulier à certains agriculteurs, ainsi qu'à ceux et surtout à celles qui ont eu des carrières hachées.
C'est cette vision globale que nous voulons porter pour le système de retraite par répartition. La réforme que nous engageons, monsieur le sénateur, entraîne évidemment une remise à plat des systèmes existants et de la réforme de 2010.
Voilà le travail que, avec les partenaires sociaux, nous avons lancé, afin que l'ensemble de nos concitoyens, en particulier celles et ceux qui s'interrogent aujourd'hui sur l'avenir de leur retraite, puissent compter sur des pensions d'un niveau satisfaisant, leur permettant d'envisager le futur avec sérénité.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour la réplique.
M. Gérard Larcher. Madame la ministre, au-delà des mots, la nécessité de prendre des décisions va se faire jour. Et, pardonnez-moi, ces décisions ne pourront se réduire à un ensemble de paroles sympathiques et chaleureuses. Des réalités s'imposeront, parmi lesquelles se trouvera la convergence nécessaire des systèmes de retraite, de même que s'imposera la réflexion sur la contribution des uns et des autres.
La réalité, c'est aussi le fait que, à partir du moment où la compétitivité et l'emploi sont en jeu, on ne peut peser davantage ni sur les entreprises ni sur les salariés, et cette réalité-là, nous ne pourrons pas la contourner.
Aussi attaché que je sois au système de retraite par répartition, je pense que nous devons refonder progressivement le système. Cela ne se fera pas en un tour de main, mais si nous ne le faisons pas - alors que nous en avons collectivement décidé le principe en 2010 -, nous aurons manqué ce rendez-vous.
Quoi qu'il en soit, vous êtes au pied du mur : si vous prenez les bonnes décisions, nous les soutiendrons, mais si vous prenez des chemins de traverse, vous nous trouverez en travers de ces chemins-là !
M. Jacky Le Menn. Heureusement que vous êtes là pour nous rappeler les réalités !
(Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
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