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Christian Cambon
Question crible thématique N° 179 au Ministère de la justice


L'accès à la justice et la justice de proximité

Question soumise le 6 décembre 2013

M. Christian Cambon. Dans ses nombreuses promesses électorales, le candidat François Hollande s'était notamment engagé à faciliter l'accès pour tous à la justice de proximité. Or, comme cela a été souligné tout au long de la séance, la justice de proximité marche mal.

Mme Cécile Cukierman. Et pourquoi elle marche mal ?

M. Christian Cambon. Elle est compliquée, lente et coûteuse ; elle ne contribue pas à la bonne image de ce service public. Néanmoins, c'est cette justice que les Français vivent au quotidien. En effet, par chance, tous ne sont pas délinquants ou criminels.

Mme Cécile Cukierman. La justice, c'est également pour les victimes, monsieur Cambon !

M. Christian Cambon. Deux jugements sur trois concernent les actes et les événements simples, quoique souvent dramatiques, qui frappent les Français dans leur vie de tous les jours et pour lesquels ils sollicitent l'aide de la justice : divorce, licenciement, surendettement, conflits familiaux ou conflits de voisinage qui engorgent les tribunaux.

Le constat, nous, les élus, l'entendons de la bouche de nos concitoyens. Les procédures sont bien trop complexes, le coût de la justice est trop élevé et les délais pour obtenir une décision de justice sont trop longs.

Certes, l'image négative de la justice résulte parfois de l'incompréhension de certaines peines prononcées, dans un temps où l'opinion réclame plus de sévérité, mais elle tient tout autant à la difficulté pour le justiciable d'obtenir justice dans ces conflits du quotidien. Or il semble que, depuis votre arrivée à la Chancellerie, vous ayez consacré beaucoup d'énergie à faire adopter des réformes sociétales dont la nécessité immédiate ne sautait pas aux yeux.

M. Philippe Kaltenbach. Quelle mauvaise foi !

M. Christian Cambon. Vous vous lancez aujourd'hui dans une réforme de la justice pénale qui risque encore d'aggraver le divorce entre l'opinion publique et l'institution judiciaire. Ne serait-il pas légitime, avant de vouloir diminuer le nombre de détenus en prison, d'apporter des réponses concrètes à cette justice de proximité, à cette justice de tous les jours ?

Mme Cécile Cukierman. Quand on s'occupe d'un divorce, on n'envoie pas les gens en prison !

M. Christian Cambon. Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous apporter votre éclairage sur les réflexions en cours ? Surtout, quels sont vos projets et quels moyens comptez-vous mobiliser pour que la justice de notre pays devienne enfin accessible, compréhensible et plus efficace pour le quotidien ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

Mme Cécile Cukierman. La justice de proximité, c'est pour la justice civile ! Et le discours sécuritaire, ça ne marche pas pour la justice civile !

Réponse émise le 6 décembre 2013

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je trouve deux grandes vertus à votre question.

La première est de souligner l'importance de la justice civile. Comme je le rappelle à longueur de temps, la justice civile concerne 70 % de l'activité de l'institution judiciaire. C'est la justice du quotidien, celle qui répond aux problèmes d'endettement, d'expulsion de logement, celle de la justice familiale.

Mme Cécile Cukierman. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle concerne toute une série de problèmes discrets, mais essentiels pour les justiciables.

La deuxième vertu de votre question est de dresser le bilan du gouvernement du précédent quinquennat. (Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous avez montré les conséquences d'outils que nous connaissons parfaitement : la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, la réforme de la carte judiciaire, qui a créé des déserts judiciaires et abouti à la suppression de 80 postes de magistrats, le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite...

Depuis l'an dernier, le Gouvernement a effectivement rompu avec une telle politique. Les crédits de la justice ont augmenté de 4,3 % l'année dernière et de 1,7 % cette année.

M. Alain Gournac. Ça ne marche pas mieux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons mis un terme à la RGPP !

M. Jean-Jacques Hyest. La RGPP ne s'appliquait pas à la justice !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et nous créons des emplois : 590 en 2014 !

Nous travaillons pour améliorer la situation que vous nous avez laissée. Votre héritage, ce sont non seulement les déserts judiciaires, mais également la multiplication des contraintes, fonctions et obligations qui ont abouti à l'engorgement de nos juridictions, avec pour conséquence principale l'allongement des délais, donc la pénalisation des justiciables !

Nous sommes en train de réparer tout cela. J'espère que vous aurez à vous en réjouir très bientôt. Il suffit simplement d'accepter les réalités, les données, les informations, au lieu de nous faire des procès.

Vous discutez toujours de choses que vous croyez être. Je vous propose simplement de débattre ensemble - je crois que c'est un peu la culture de cette maison - des réalités. Le travail que mène le Gouvernement depuis un an et demi permet d'améliorer la justice, notamment s'agissant des paramètres mesurables, comme les délais.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour la réplique.

M. Christian Cambon. Madame la garde des sceaux, je vous ai interrogée respectueusement pour vous donner l'occasion de présenter vos projets. Or, comme de coutume avec ce gouvernement, vous nous répondez « héritage ». Mais si les Français vont ont élus, ce n'est pas pour parler du passé,...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C'est pour réparer ce que vous nous avez laissé !

M. Christian Cambon. ... c'est pour agir pour l'avenir. J'ai entendu quelques éléments de réponse pour l'avenir ; j'espère que vous serez à la hauteur des engagements pris.

Au passage, je vous signale que, comme à propos des personnels pénitentiaires, vous avancez des éléments inexacts. Il n'y a pas eu de RGPP en matière de justice ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Mme la garde des sceaux le conteste vivement.) C'est une précision que les Français apprécieront.

En tout cas, j'espère que nous aurons l'occasion de débattre, notamment sur les grandes réformes pénales. Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

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