Mme Odette Herviaux. Ma question s'adresse à M le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre engagement et la pugnacité que vous mettez à défendre une pêche durable qui préserve les ressources, protège l'environnement et respecte tout autant l'économie littorale et l'emploi.
Des inquiétudes demeurent cependant sur la réforme de la politique commune des pêches. Sur la question sensible des rejets en mer, notamment, le conseil des ministres européens chargé de pêche s'est montré favorable à une mise en œuvre progressive en fonction des zones de pêches. C'est bien le minimum que l'on était en droit d'attendre, mais comment les pêcheries multi-spécifiques que nous connaissons bien en Bretagne et dans d'autres régions françaises pourront-elles faire face à cette demande ?
L'obligation de débarquement des captures indésirées ne règle en rien le problème de la surpêche. Elle ne posera en tout cas pas de problèmes à certains ! À cet égard, je rappellerai simplement l'arraisonnement, en décembre dernier, d'un chalutier géant battant pavillon allemand pouvant embarquer jusqu'à 4 000 tonnes de poissons, qui ne serait sans doute guère affecté de se voir imposer une telle règle…
Nous, nous refusons un modèle économique qui ne verrait aucun inconvénient à la norme « zéro rejet » en sacrifiant l'environnement marin sur l'autel d'une industrie spéculative. L'interdiction des rejets est, en effet, une mesure inadaptée et contreproductive qui, une nouvelle fois, démontre l'entêtement aveugle de la Commission européenne. Au détriment de la ressource et, surtout, de la sécurité des pêcheurs, cette mesure favorisera la filière des farines animales en créant un marché pour les prises accessoires, cela en contradiction totale avec les objectifs environnementalistes déclarés de la commissaire Mme Damanaki.
À l'opposé de cette politique qui conduirait au déclin d'une pêche soutenable, il faut en priorité encourager et améliorer la sélectivité des engins de pêche, dans le cadre d'un plan de modernisation de la flotte en faveur de bateaux encore plus sûrs et plus écoresponsables.
Dans le cadre de la procédure de codécision, le Parlement européen doit voter le futur règlement de base le 6 février prochain, et ce dernier sera inscrit à l'ordre du jour du prochain conseil « Pêche ». Monsieur le ministre, quelle sera donc votre stratégie pour continuer à défendre une pêche durable, à laquelle nous sommes attachés, mais aussi nos pêcheurs et le développement économique de nos territoires littoraux ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, chère Odette Herviaux, l'actualité est en effet marquée par la poursuite des discussions, au niveau européen, sur la réforme de la politique communautaire de la pêche dans toutes ses composantes.
C'est une réforme qui demande une mobilisation politique de tous les instants, ainsi qu'une présence affirmée au sein des conseils des ministres de l'Union européenne.
Je regrette simplement que, ces dernières années, la politique de la chaise vide ait conduit à affaiblir la position de la France dans ce domaine. Pour ma part, j'ai participé aux travaux de chacun des conseils des ministres - il y en a eu six - et j'assisterai à celui qui se tiendra lundi prochain.
La France, et c'est un point auquel je vous sais attachée, madame la sénatrice, a désormais retrouvé une certaine crédibilité en matière de pêche. De nombreuses heures durant, nous avons défendu, lors des conseils des mois de juin et d'octobre, les positions françaises, notamment en matière de politique commune de la pêche. Nous sommes parvenus - ce ne fut pas facile - à obtenir des compromis équilibrés, concernant notamment les aides à la pêche, dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.
En juin dernier, nous avons également obtenu des avancées extrêmement positives comme le rejet des quotas individuels transférables, qui préoccupaient les professionnels, ainsi que la prise en compte - fait majeur - de l'outre-mer et du rendement maximum durable.
La question des rejets que vous évoquez dans votre question est la pierre angulaire de cette réforme. Nous devons être conscients qu'une grande majorité d'États membres et le Parlement européen lui-même ont une position assez éloignée de celle de la France. Ils sont en effet en faveur d'une interdiction totale des rejets.
J'ai bien pris note des inquiétudes des pêcheurs, dont m'avaient d'ailleurs fait part les professionnels de votre région, madame la sénatrice. Leurs inquiétudes, que vous avez parfaitement résumées, sont légitimes. Comment en effet concilier l'interdiction des rejets avec la sécurité et l'aménagement des navires, fort anciens, et avec la sécurité du travail à bord ? Que faire des rejets ramenés à terre ?
Nous devons désormais adopter une approche praticable et réaliste pour les pêcheurs, qui donne à la filière le temps de s'adapter. C'est ce que nous réclamons à la Commission, à Mme Damanaki et à l'ensemble du Conseil européen.
Le compromis adopté lors du conseil du mois de juin dernier permet en partie de garantir une approche pragmatique dans le temps. Nous devons encore travailler sur un certain nombre de points en suspens, par exemple la date d'entrée en vigueur de du dispositif de la stabilité relative. Ce dispositif est un peu technique, mais les professionnels savent combien il est nécessaire. Ces sujets seront abordés lors des prochains conseils, en janvier et en février.
Ces avancées obtenues au terme d'intenses négociations seront formellement adoptées au cours de l'année 2013, à l'issue des discussions avec le Parlement européen, puisque, vous le savez, la réforme de la politique commune de la pêche relève désormais de la codécision entre le Parlement et le Conseil des ministres.
(Mouvements d'impatience sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je terminerai en disant que je fais toute confiance à la présidence irlandaise et je vous donne l'assurance, madame la sénatrice, que le Gouvernement est déterminé à défendre les intérêts des pêcheurs.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
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