Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, le groupe UDI-UC s'associe aux paroles extrêmement justes que vous avez prononcées.
Monsieur le Premier ministre, vous avez certainement lu un document très intéressant, le « baromètre de l'attractivité », publié par Ernst & Young, qui indique que le nombre des implantations d'entreprises étrangères en France s'est effondré. Il a en effet reculé de 13 % en 2012.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Chantal Jouanno. Nous n'avions pas connu une telle situation depuis plus de dix ans. Dans le même temps, en Allemagne ou au Royaume-Uni, le nombre des implantations d'entreprises étrangères a triplé.
Je parle ici non pas de finances, mais d'emploi : un salarié sur huit travaille dans les filiales des groupes étrangers, qui assurent un quart de l'activité de recherche et un tiers des exportations.
Le message que vous envoient ces investisseurs est simple : quand vous déciderez-vous à changer de politique, comme d'autres pays l'ont fait ? Jean-Louis Borloo reformule ce message en des termes très clairs : votre politique conduit à un massacre économique et social.
Dois-je vous rappeler qu'avec l'instauration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, vous avez à peine compensé les 30 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires votés par ailleurs ? Arrêtez de dégrader notre compétitivité, vous disent les investisseurs !
Dois-je vous rappeler que, en septembre dernier, vous aviez promis la stabilité fiscale ? Les investisseurs en ont besoin.
Dois-je vous rappeler que vous n'avez jamais désavoué les pourfendeurs des entrepreneurs que compte votre gouvernement ?
Aurez-vous le courage d'adresser un message clair, en affirmant, par des actes plutôt que par des discours, que la priorité est aujourd'hui d'aider les entreprises ?
Dans cette perspective, aurez-vous le courage de remplacer le CICE par une véritable TVA sociale dont le produit s'établirait entre 50 milliards et 60 milliards d'euros ?
Aurez-vous le courage d'imposer aux fonctionnaires de travailler deux heures et demie de plus par semaine, comme on l'a imposé aux fonctionnaires européens ?
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !
Mme Chantal Jouanno. Aurez-vous le courage de condamner les propos de vos ministres quand ils dénigrent les entrepreneurs ?
Nous ne vous demandons pas de renoncer à votre idéologie, mais prendre des initiatives en faveur des entreprises est une priorité absolue pour la France !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame Jouanno, vous avez lu attentivement le rapport du cabinet Ernst & Young que vous avez mentionné ; vous aurez donc certainement remarqué que son analyse porte sur les dix dernières années, pendant lesquelles la droite a gouverné la France, et s'arrête à 2012... (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Rebsamen. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Président de la République a été élu le 6 mai 2012, et j'ai été nommé le 15 mai suivant.
M. Christian Cambon. Hélas !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Notre programme était de redresser la France (Exclamations sur les travées de l'UMP.),...
M. Roland du Luart. Vous l'enfoncez !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... de lui permettre de retrouver des marges de manœuvre en maîtrisant ses déficits publics, de redonner à notre économie toute sa force et sa compétitivité,...
M. Jean-Claude Lenoir. On voit le résultat !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... tout en réformant notre système de protection sociale, qu'il s'agisse de la branche famille, de la politique de santé ou encore de notre système de retraite, non pas pour le détruire, mais pour le sauver !
M. Jean-Claude Lenoir. On voit le résultat aussi !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C'est là toute la tâche du Gouvernement, ce à quoi nous consacrons tous nos efforts depuis le premier jour ! L'objectif est de rendre à notre pays toute son attractivité.
J'aimerais que vous teniez sur la France un discours un peu plus positif. Notre pays reste la cinquième puissance économique du monde.
M. Dominique de Legge. Pour combien de temps ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous bénéficions d'une qualité de vie et d'un niveau d'infrastructures inégalés.
Toutefois, nous avons à faire des réformes.
Ainsi, nous devons réformer notre système éducatif. Il est vrai que l'école de la République ne respecte pas toutes ses promesses concernant la formation de notre jeunesse. Nous avons donc ouvert le chantier de la refondation de l'école.
Nous devons aussi réformer les collectivités territoriales, pour qu'elles soient plus efficaces. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Le Sénat y apporte sa contribution, ce dont je me félicite.
Vous avez parlé du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, mais pas de la réforme du marché du travail que nous avons engagée, avec la sécurisation des parcours professionnels, d'un côté, et l'introduction de davantage de flexibilité, de l'autre. Le Sénat s'est prononcé sur un texte qui est maintenant la loi de la République.
Enfin, nous allons bientôt aborder le chantier de la formation professionnelle, pour la rendre plus efficace.
Nous avons entrepris tout cela pour redonner à la France toute sa force, pour lui permettre de retrouver son rôle de leaderen Europe. Beaucoup de choses fonctionnent bien dans notre pays. Nous voulons que la France soit plus forte, plus attractive, mais elle ne le sera que si elle est plus juste.
J'aimerais que, pour votre part, vous soyez lucides sur les échecs de votre action passée, qui ont contribué à affaiblir la France. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Apportez votre soutien à l'entreprise de redressement que nous avons engagée !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
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