M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ce 4 juillet, jour de la Déclaration d'indépendance des États-Unis, et de leur fête nationale, nous saluons cette grande nation alliée et amie.
Mais nous pouvons, et devons, aussi lui poser des questions sur les écoutes téléphoniques et la surveillance des courriels qui viennent d'être révélées et qui visaient, entre autres, la France et l'Allemagne, pourtant très proches des États-Unis, ainsi, plus curieusement, que l'Union européenne et sa Commission, qui ne pensaient sans doute pas mériter tant d'attention de la part de ce pays.
Découvrir que l'un de vos alliés vous surveille secrètement, ce qui est la marque d'une défiance certaine, c'est évidemment une surprise désagréable. Néanmoins, faut-il s'en étonner ? La pratique n'est pas nouvelle. Comme le disait un ancien premier ministre anglais : « Une nation n'a pas d'alliés éternels, seulement des intérêts éternels. »
Il n'y a pas un bon espionnage et un mauvais : un bon quand on écoute les djihadistes au Sahel, et un mauvais quand on fait de même au siège de l'Union européenne…
Les États-Unis, derrière des soucis légitimes de sécurité, recherchent également des renseignements économiques sur les entreprises françaises et européennes, sur leur positionnement, ainsi que sur les actions que l'Union européenne et la Commission pourraient mener contre les grandes entreprises américaines, en particulier celles du web.
Le gouvernement français a demandé des explications au gouvernement américain. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si celui-ci les lui a fournies ? Si tel est le cas, quel sérieux peut-on leur accorder ?
Par ailleurs, qu'en est-il du démarrage des négociations transatlantiques ? La France, comme beaucoup d'autres, notamment le Parlement européen, a suggéré le report des négociations, qui devaient débuter le 8 juillet, constatant l'absence d'un climat de confiance propice à l'ouverture de discussions de cette nature. On lit pourtant dans la presse que la Commission européenne serait d'un avis différent. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Enfin, comment mieux défendre nos intérêts, ceux de la France prise isolément et ceux de la France en tant que membre de l'Union européenne, en protégeant nos données personnelles et en s'assurant que nos espaces de stockage, ce que l'on appelle le cloud, soient situés en Europe et contrôlés par elle, et non laissés entre les mains des États-Unis ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. François Marc. Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, les récentes révélations de M. Edward Snowden sur ces pratiques d'espionnage posent en effet deux questions distinctes.
La première concerne la lutte contre le terrorisme et la protection contre les menaces qui pèsent sur notre sécurité. Dans ce cas, chacun le conçoit, le renseignement est nécessaire. Néanmoins, la plus grande vigilance s'impose pour que les droits individuels soient préservés et que la protection des libertés publiques soit garantie.
En revanche, s'agissant de la seconde question, relative aux représentations diplomatiques européennes et françaises, rien, absolument rien ne justifie, sur un plan sécuritaire, ces pratiques de renseignement et d'espionnage.
Le Président de la République et Laurent Fabius, qui sont tous deux à Tunis cet après-midi, ont pris une position très claire sur ce dossier : ces pratiques, si elles étaient confirmées, sont inacceptables, et nous ne les accepterons pas. On n'espionne pas ses alliés !
Laurent Fabius s'est d'ailleurs entretenu dès lundi dernier avec son homologue américain, John Kerry, afin de lui demander de fournir les éléments d'explication nécessaires dans les délais les plus rapides et, si la réalité de ces agissements était avérée, d'y mettre un terme immédiatement.
M. Kerry s'y est engagé. Nous veillerons, en lien avec notre ambassade à Washington, à ce que tous les éléments nous soient transmis ; nous les mettrons, bien entendu, à votre disposition.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, nous considérons que la réponse doit être européenne.
Cette affaire montre la nécessité d'une extrême vigilance sur la protection des données personnelles.
Vous le savez, un règlement et une directive relatifs à la protection de ces données, et notamment aux fichiers souverains, est en cours de discussion. Compte tenu de l'actualité, nous demanderons à la Commission européenne d'être particulièrement intransigeante sur la protection des libertés des citoyens français et européens, comme je l'ai rappelé à Viviane Reding, que j'ai rencontrée lundi matin, à Strasbourg.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous m'avez également interrogé, monsieur le sénateur, sur les conséquences de cette affaire sur l'accord transatlantique, dont les négociations doivent commencer prochainement.
Cet accord, tout aussi important pour nous que pour les États-Unis, prendra du temps. Il exige également de la confiance entre nos deux pays, ainsi que l'a souligné le Président de la République.
L'ouverture de ces négociations doit donc, selon nous, s'accompagner simultanément de discussions sur les activités des services de renseignement américains dans certains pays européens. Aussi, nous mettrons en place un système parallèle entre la négociation et le contrôle de nos discussions avec les États-Unis.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
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