M. Jean-Marie Bockel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Après mon collègue Rémy Pointereau, je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre, sur le rapport Duron et le report de la plupart des projets.
Il est vrai que nous vivons une période critique pour les finances publiques, et nous comprenons la volonté du Gouvernement de hiérarchiser les projets, d'autant que, disons-le clairement, le précédent gouvernement n'avait pas encore défini leur mode de financement.
En même temps, je fais partie de ceux – ils sont nombreux ici, sur toutes les travées – qui se battent depuis vingt-cinq ans pour promouvoir des projets de lignes à grande vitesse, en l'occurrence les lignes TGV-Est et TGV Rhin-Rhône pour ce qui me concerne.
Les gouvernements, de droite comme de gauche, se sont succédé. Nous avons connu des avancées, mais aussi des moments difficiles. En tout état de cause, il s'agit de projets au long cours qui ne peuvent voir le jour sans vision.
M. Alain Gournac. Et en ce moment, on recule !
M. Jean-Marie Bockel. Dès lors – je le dis sans esprit polémique –, il serait fort dommage de reporter aux calendes grecques un certain nombre de projets stratégiques pour l'activité de nos territoires.
Bien sûr, je comprends que vous vouliez prendre le temps de mieux définir et hiérarchiser ces projets en fonction de vos priorités, mais aussi en fonction de l'état d'avancement et des engagements déjà pris.
En tant qu'élu du Grand Est, j'ai bien entendu à l'esprit la deuxième tranche de la branche Est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône. Ce projet a été globalement entériné ; il a fait l'objet d'engagements à travers la signature, en janvier 2012, d'un protocole d'intention de financement entre l'État et les collectivités territoriales – je rappelle que celles-ci cofinancent ce projet, comme elles le font d'ailleurs pour la suite du TGV-Est, y compris celles qui ne sont plus desservies.
Plus de 80 millions d'euros ont déjà été dépensés, non seulement pour des études et des acquisitions foncières, mais aussi pour engager les premiers travaux. Des financements européens sont en outre disponibles. Ne pas aller au bout constituerait assurément un gaspillage.
Il est vrai que la politique du « tout TGV » n'est pas réaliste ; d'autres investissements sont nécessaires, notamment pour la rénovation de voies ou la réalisation de nœuds ferroviaires. Toutefois, l'abandon de certains projets fragiliserait notre ancrage européen et pourrait même déplacer le centre de gravité de l'Europe ferroviaire hors de nos frontières.
Je ne reviens pas sur l'aspect économique. Les enjeux pour le BTP, notamment en termes d'emplois non délocalisables, sont importants. Cela ne justifie pas tout, mais, pour des projets reconnus par tous comme étant d'avenir, cet argument ne me semble pas indifférent dans la période actuelle.
Je ne veux toutefois pas m'engager dans la polémique qui a commencé à voir le jour. Comme vous le savez, j'ai cosigné, avec tous mes collègues alsaciens, quel que soit leur bord politique, une lettre au Président de la République.
Plutôt que de nous renvoyer la balle, nous souhaiterions qu'un vrai débat s'engage avec les élus, les forces vives et les porteurs de ce projet - s'il faut pour cela quelques jours de plus, prenons-les ! - afin que vous puissiez in fine rendre les bons arbitrages, sans jeter le bébé avec l'eau du bain.
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Bockel, il me paraît important qu'une partie de votre question ne passe pas inaperçue, dans l'hémicycle et au-delà.
Illustrant d'une certaine manière ma réponse à M. Pointereau, vous venez de confirmer à l'instant que bon nombre des projets contenus dans le SNIT n'étaient pas financés.
Le Gouvernement par ma bouche ne fait que reprendre le constat adopté à l'unanimité par la commission « Mobilité 21 », laquelle était elle-même pluripartite, puisque toutes les sensibilités politiques y étaient représentées.
Ce constat était celui d'une liste d'infrastructures non hiérarchisées, et qui n'avaient pas été pensées en termes d'aménagement du territoire, de complémentarité des réseaux ferroviaire, routier et fluvial, en termes de désenclavement portuaire, d'équilibre et d'impulsion économique susceptibles de donner aux territoires une perspective, et qui en outre ne s'appuyaient pas sur une réflexion partagée avec les territoires.
Au demeurant, ce n'est pas parce que des territoires ont déjà bénéficié d'un certain nombre d'infrastructures que d'autres doivent se résigner à voir, pour des dizaines d'années encore, leur temps de relation avec la capitale, par exemple, rester plus long qu'il y a un siècle.
Nous devons lutter en faveur du désenclavement, pour un équilibre raisonné et raisonnable du territoire.
De ce point de vue, je constate simplement que, pour ce qui concerne votre région, monsieur Bockel, la première phase de la LGV est-européenne a permis, en 2007, d'engager un chantier de 4,3 milliards d'euros, que la première phase de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône constituait pour sa part un chantier de 2,3 milliards d'euros, et que la deuxième phase - en cours - de la LGV est-européenne représente un chantier de 2 milliards d'euros.
Au regard du total de ces sommes, vous avouerez tout de même que certains territoires pourraient légitimement, et de manière tout à fait républicaine, revendiquer la prise en considération des enjeux qui sont les leurs en termes de mobilité du quotidien, de désenclavement et d'équilibre des territoires.
Comme vous l'avez constaté vous-même, certains enjeux sont liés aux attentes des populations en matière de mobilité urbaine. D'autres projets existent - je recevrai dans quelques jours une délégation de votre région, dont vous ferez vous-même partie -, à travers lesquels nos concitoyens expriment des attentes du quotidien que nous devons nous efforcer de satisfaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - M. Stéphane Mazars applaudit également.)
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