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Alain Milon
Question d'actualité au gouvernement N° 220 au Ministère de la famille


Comité d'éthique

Question soumise le 4 octobre 2013

M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Selon le site du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, ou CCNE, « la loi assure au CCNE une pluridisciplinarité et un pluralisme qui permet de croiser les regards et les opinions sur chaque question ». Il précise que, parmi les 39 membres nommés pour quatre ans, cinq le sont en raison de leur appartenance « aux principales familles philosophiques et spirituelles ».

Ne dépendant d'aucune autorité de tutelle – situation rarissime –, le CCNE, créé en 1983, rend ses avis en totale indépendance.

Comment y croire encore après le renouvellement quelque peu précipité de ses membres ?

À l'approche des états généraux de la bioéthique, organisés par le CCNE, et à la veille d'importants débats parlementaires susceptibles de modifier la législation en vigueur, en matière de PMA et de fin de vie,…

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Alain Milon. … le Président de la République, chargé de nommer les représentants des courants de pensée au sein du CCNE, a décidé que les représentants officiels des religions concernées seront remplacés par des laïcs appartenant à la religion considérée.

Une telle exclusion, dans son principe, est choquante à plusieurs titres.

M. Charles Revet. Eh oui !

M. Alain Milon. D'abord, elle modifie le fondement de la composition du CCNE concernant les représentants des principales familles de pensée dans notre pays…

M. Alain Gournac. Oui !

M. Alain Milon. … et porte atteinte au pluralisme de ses membres, institué par un décret du Président de la République – François Mitterrand, en 1983 – et confirmé dès la première loi de bioéthique, en 1994.

Ensuite, elle laisse supposer un nouveau concept de la laïcité, qui, au lieu d'intégrer les courants religieux à travers leurs représentants hiérarchiques, les rejette de la plus haute instance éthique nationale, dont on sait que les avis se limitent à n'être que consultatifs.

En outre, elle se laisse interpréter comme la volonté d'une instrumentalisation politique du CCNE,…

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Alain Milon. … qui pourrait perdre ainsi tout ou partie de son indépendance et, par voie de conséquence, sa crédibilité auprès des scientifiques et, plus largement, de notre société.

Enfin, elle fait voler en éclats le modèle du Comité consultatif national d'éthique français, le premier du genre, qui a été repris par une trentaine de pays (M. Roland Courteau s'exclame.), ce qui ne peut que ternir son image, pérennisée depuis 30 ans.

N'est-ce pas jouer avec la loi, la biaiser, que d'agir ainsi ?

M. Roland Courteau. La question !

M. Alain Milon. Vous qui êtes les thuriféraires autoproclamés de la diversité, en voilà une que vous n'acceptez pas !

M. Jean-Jacques Mirassou. Quelle est la question ?

Mme Nicole Bonnefoy. Votre question !

M. Alain Milon. Au nom d'un laïcisme absolu, certainement.

M. le président. Posez votre question, je vous prie, mon cher collègue.

M. Alain Milon. Très ouvert, vous le savez tous, sur les grands sujets sociétaux dont nous avons et aurons à débattre dans notre pays et dans cet hémicycle, je ne peux cependant accepter ce qui paraît n'être qu'une manipulation pour imposer sans partage vos idées !

L'expliquez-vous autrement ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Michel Mercier et Jacques Legendre applaudissent également.)

Réponse émise le 4 octobre 2013

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, quand on connaît vos positions, on ne peut qu'être un peu étonné du ton que vous avez employé pour poser cette question sur le CCNE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Charles Revet. Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Alain Gournac. Serait-ce à vous de dicter notre ton ?

Mme Isabelle Debré. Son ton était très correct !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens à rappeler que le CCNE a été constitué en 1983. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de vous réjouir que la France ait été le premier pays à créer un Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

M. Alain Gournac. Cela, c'était bien !

Mme Isabelle Debré. C'était très bien !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous rappelle que les règles de composition ont très peu changé depuis 1983, qu'elles ont évolué par la loi du 6 août 2004, votée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et que l'article R. 1412-3 du code de la santé publique dispose que le comité est renouvelé par moitié tous les deux ans.

Je rappelle aussi que le Président de la République nomme le président du CCNE pour une période de deux ans renouvelable.

MM. Alain Gournac et Christian Cambon. On le sait !

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n'est pas la question !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il est important de le rappeler, car je vais vous démontrer dans un instant (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.) qu'il n'y a aucune façon de contrevenir à ces règles, et que nous les respectons.

M. Charles Revet. C'est scandaleux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous l'avez dit, monsieur le sénateur, parmi les 39 membres qui le composent, cinq appartiennent aux principales familles philosophiques et spirituelles, et sont nommés par le Président de la République. Tel est le contenu de la loi. Le Gouvernement a donc agi en conformité avec ces règles.
(Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Mais non !

M. Jean-Jacques Mirassou. Et voilà ! C'est dit !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Dès 1983, les textes prévoient que le Président de la République nomme des personnalités appartenant « aux principales familles philosophiques et spirituelles ».

Le président actuel du CCNE, le professeur Ameisen, dit lui-même que, au cours de son histoire, le CCNE n'a pas toujours compté de religieux en son sein, et qu'il a connu des phases différentes en la matière.
(Mme Catherine Troendle s'exclame.)

On peut considérer que la nomination de ces cinq personnalités constitue un retour à l'esprit même du Comité tel qu'il a été créé en 1983, c'est-à-dire avoir vocation à ouvrir ses portes aux différents courants de pensée philosophiques et religieux, représentés par des personnalités laïques.

Enfin, comment contester la compétence et l'indépendance de Mme Carbonnier-Burkard, historienne et maître de conférence honoraire en histoire du christianisme ?
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Merci, madame la ministre.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je termine sur ce point. Comment contester la personnalité de Lionel Naccache ou de Frédéric Worms ? Ayez confiance dans le libre arbitre de chacun !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

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