M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Les négociations communautaires sur la politique agricole commune sont maintenant terminées et, contrairement à ce que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, aviez toujours soutenu, les crédits accusent une forte baisse, 49 milliards d'euros dans le cadre financier pluriannuel, soit 1 milliard d'euros de moins par an pour la France.
Il s'agit maintenant de décider des règles de répartition nationales, concernant en particulier les 7,5 milliards d'euros d'aides directes.
Il ne faut pas fragiliser notre agriculture. Il convient au contraire de rappeler que l'agriculture est d'abord une activité de production et que la compétitivité de l'agriculture est un objectif en soi.
Or, en choisissant de surdoter les 52 premiers hectares des exploitations, vous faites exactement l'inverse et vous déséquilibrez l'ensemble de l'agriculture française, face à nos principaux partenaires, dont l'Allemagne. Loin de moi l'idée d'opposer les uns aux autres, les différents types d'exploitation, les filières ou les producteurs. Il s'agit simplement de dire que la baisse des concours publics à l'agriculture – c'est un fait ! – nous oblige à repenser notre modèle d'intervention, afin de garantir la pérennité de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire en termes d'efficacité et de compétitivité.
Monsieur le ministre, nous craignons que vos choix ne finissent par faire perdre sa vocation économique au premier pilier de la PAC. La prime aux 52 premiers hectares en est l'illustration parfaite. Unique en Europe, puisqu'elle résulte d'une décision franco-française, elle ne répond pas aux attentes des producteurs de lait, notamment de l'ouest ; elle ne résoudra pas les difficultés de l'élevage ; enfin, pour les céréaliers notamment, elle provoquera des distorsions de concurrence évaluées à plus de 100 euros par hectare.
Monsieur le ministre, quelle est donc votre conception de l'agriculture française ? Quand allez-vous sortir de la logique de la subvention pour entrer dans celle de la production et de la compétitivité d'un secteur clef de notre économie ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je note tout d'abord une contradiction dans votre propos : vous avez parlé tout d'abord d'aides et, ensuite, de subventions. Il faudrait savoir !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Que l'agriculture n'ait pas besoin d'aides ou de subventions, c'est un sujet dont on peut discuter...
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a d'autres aides que les subventions !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ensuite, et contrairement à ce que vous avez affirmé, la surmajoration des premiers hectares sera appliquée par d'autres pays européens. Vous avez cité l'Allemagne parmi les pays qui s'y refusaient : pas de chance, l'Allemagne va mettre en place des paiements redistributifs !
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Enfin, quelle est ma vision de l'agriculture dans les années qui viennent ? Il s'agit d'un vrai débat entre nous.
Vous venez du département de la Manche où les producteurs de lait sont souvent organisés en groupements agricoles d'exploitation en commun, ou GAEC. Prenons l'exemple de ces GAEC qui sont soumis à des quotas de production tournant autour de 700 000 litres à 800 000 litres et regroupent en moyenne trois associés : si je ne surdote pas les premiers hectares en rapport avec le nombre d'agriculteurs et de chefs d'exploitation de ces GAEC, je prends le risque de voir, demain, l'agriculture se faire sans agriculteurs ! Mon projet est de faire l'agriculture avec des agriculteurs, des éleveurs et des paysans. C'est peut-être cela qui nous différencie !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Quant à la compétitivité de l'agriculture, réfléchissez deux fois avant d'en parler comme vous le faites. Celle-ci dépend de la compétitivité des hommes et des femmes qui y travaillent !
Comme Laurent Fabius, j'ai accompagné le Président de la République en Afrique du Sud. J'ai pu m'entretenir avec le directeur général de Danone-Sud Afrique, dont les compétences s'étendent au-delà de l'Afrique du Sud, et qui contrôle 45 % du marché du lait dans la région. J'ai fait le constat suivant, lorsque je l'ai interrogé sur ses approvisionnements : les fermes regroupent de 5 000 vaches à 10 000 vaches, mais le litre de lait est payé 42 centimes d'euro au producteur, c'est-à-dire, avec cette organisation de production, à un prix supérieur à celui de notre production en Europe !
Par conséquent, l'organisation de la production laitière et la productivité du travail des agriculteurs sont des éléments de la compétitivité, monsieur le sénateur. Surprimer les premiers hectares, c'est assurer à notre agriculture sa compétitivité, sa diversité et surtout l'avenir de ses agriculteurs, cultivateurs et éleveurs ! Contrairement à vous, avec cette surdotation, je n'oppose pas l'organisation de l'agriculture à sa compétitivité, car les deux sont parfaitement liées. Tel est le projet que je défends !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
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