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Isabelle Pasquet
Question d'actualité au gouvernement N° 262 au Ministère du budget


Fiscalité

Question soumise le 29 novembre 2013

Mme Isabelle Pasquet. Ma question s'adresse à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Sur l'initiative de Jean-Marc Ayrault, des consultations viennent de débuter en vue d'une réforme de la fiscalité qui, aux premières nouvelles, concernera seulement les salariés, et non le capital. En d'autres termes, la question de la fiscalité appliquée aux entreprises et celle de la taxation des revenus financiers seraient éludées. Pourtant, il s'agit là d'un enjeu majeur pour notre pays et pour l'emploi.

Bénéficiant déjà de 120 milliards d'euros par an de niches fiscales et d'exonérations de cotisations sociales, dont l'effet sur l'emploi est des plus limités, certaines entreprises, notamment les plus grandes, les plus connues ou les plus luxueuses, sont devenues expertes en matière d'optimisation fiscale. D'autres, ainsi que certains grands patrons, vont jusqu'à franchir le Rubicon et organisent une véritable évasion fiscale en se soustrayant illégalement à l'impôt, pour accroître leur fortune personnelle ou celle de leurs actionnaires.

Ces pratiques antisociales et antirépublicaines sont lourdes de conséquences pour nos concitoyens. Elles privent l'État et la sécurité sociale de recettes pourtant très nécessaires. Pour vous donner un seul chiffre, le montant de la fraude fiscale et sociale s'élève à 180 milliards d'euros, dont au moins 50 milliards d'euros au seul titre de la TVA. Ce sont autant de recettes qui pourraient soutenir l'emploi ; au lieu de cela, on assiste à des licenciements boursiers ou à des fermetures de sites, dans l'industrie comme dans le commerce.

J'en donnerai deux exemples scandaleux, qui ont des répercussions dans mon département : Unilever a fermé quatre sites et supprimé 1 700 emplois en France depuis la création de l'USCC en Suisse ; Gary Klesch a coulé Kem One, anciennement Arkema – 1 300 emplois sont concernés –, en neuf mois, pour renflouer ses comptes à Jersey.

Monsieur le ministre, alors que les fermetures de sites et les plans de licenciements se multiplient et que vous expliquez aux salariés qu'ils doivent faire des efforts, qu'entendez-vous faire réellement, concrètement et en urgence pour mettre fin aux fléaux que constituent la fraude et l'évasion fiscales des plus riches et de certaines entreprises ? Pouvez-vous enfin porter à la connaissance de nos concitoyens la liste des évadés fiscaux ? (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.) Vous devez cette transparence à notre peuple !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Réponse émise le 29 novembre 2013

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, dans un État de droit, il n'est pas possible de communiquer la liste des évadés fiscaux.

M. Roger Karoutchi. Heureusement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le secret fiscal ne permet pas de diffuser de telles informations. En revanche, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des assemblées peuvent avoir accès à la totalité des éléments dont nous disposons en la matière.

Le secret fiscal n'est pas un outil de dissimulation : c'est l'assurance que, dans le cadre d'une procédure contradictoire, chacun pourra faire valoir ses droits.

Vous insistez sur la nécessité de lutter avec force contre la fraude fiscale. Le Gouvernement a repris, dans les dispositions qu'il fait adopter depuis de nombreux mois, une grande partie des propositions formulées par un sénateur de votre groupe, M. Éric Bocquet.

Ce sont ainsi près de soixante mesures de lutte contre la fraude fiscale des entreprises et l'optimisation fiscale qui ont été arrêtées par le Gouvernement depuis dix-huit mois. Elles visent en particulier à éviter la déduction des intérêts en France et le transfert des bénéfices à l'étranger ou à rendre obligatoire la transmission de la comptabilité analytique. Je citerai également l'inversion de la charge de la preuve en cas de transfert de bénéfices, le dispositif législatif présenté par Christiane Taubira et moi-même tendant à durcir considérablement les sanctions pénales à l'encontre des entreprises qui fraudent. Pour 2014, nous attendons 2 milliards d'euros de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale. Ce serait un montant très important au regard des chiffres constatés les années précédentes.

Mme Annie David. Pour quel résultat sur l'emploi ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D'ailleurs, la circulaire prise au moins de juin a conduit plus de 6 000 contribuables français à déposer des dossiers auprès de l'administration fiscale en vue de régulariser leur situation. C'est davantage qu'au cours des trois dernières années réunies, ce qui donne à penser que nous pourrions dépasser notre objectif de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale.

Nous sommes déterminés à lutter contre les fraudeurs et à compléter notre arsenal législatif et juridique en la matière. Jamais un gouvernement n'a lutté aussi résolument contre la fraude fiscale !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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