M. Christian Cambon interroge M. le ministre de l'intérieur sur la légalité de la décision du Conseil de Paris visant à implanter, à l'extrémité Est du Bois de Vincennes, une aire d'accueil pour les gens du voyage.
En effet, aux termes de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les aires des gens du voyage doivent être réalisées afin de favoriser l'insertion scolaire, sanitaire et économique de ces populations. Or, le site choisi par la ville de Paris ne respecte pas ces dispositions. En effet, la scolarisation des enfants des gens du voyage est prévue à plus de 5 km du lieu d'hébergement, rue de Charenton, à Paris, dans le 12e arrondissement. Ceci représente, pour les enfants, de longs trajets tous les jours qui nécessiteront d'affronter les embouteillages à la porte de Paris.
De plus, aucun équipement hospitalier n'est disponible pour ces familles. Enfin, les communes riveraines, qui doivent elles-mêmes faire face aux obligations de la loi, ne peuvent de surcroît s'engager à supporter les demandes sociales que ces populations ne manqueront pas de leur adresser dans la mesure où ces villes sont beaucoup plus proches que la mairie du 12e arrondissement.
Il lui demande quelles solutions il préconise pour que la ville de Paris respecte ses obligations légales.
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Je conteste la légalité d'une décision prise en février dernier par le Conseil de Paris selon laquelle une aire d'accueil des gens du voyage sera installée à l'extrémité est du bois de Vincennes.
Sans mettre en question la nécessité républicaine qu'ont l'ensemble des maires d'organiser l'accueil des gens du voyage, nous estimons que les conditions posées par la loi du 5 juillet 2000 ne sont absolument pas remplies.
En effet, la loi prévoit que les aires d'accueil doivent être installées de façon à faciliter la scolarisation des enfants des gens du voyage, à permettre l'accès aux soins, notamment à un hôpital, et à des centres économiques, afin d'intégrer cette population au développement de la vie économique et sociale de notre pays.
Or le site qui a été choisi à l'extrémité du bois de Vincennes se trouve à plus de cinq kilomètres de la première école, qui est située rue de Charenton, dans le XIIe arrondissement de Paris. Pour scolariser les enfants dans cette école, il faudra donc les transporter par navettes, matin et soir, à travers les très nombreux embouteillages qui bloquent malheureusement l'entrée de Paris depuis la banlieue est.
Par ailleurs, aucune installation hospitalière - ou centre de soins - n'est installée dans le bois de Vincennes. La plus proche installation se trouve à l'hôpital Rothschild, distant de plusieurs kilomètres. L'ensemble des communes riveraines du bois de Vincennes sont mobilisées. Nous avions signé avec la Ville de Paris, la main sur le cœur, une charte de protection du bois de Vincennes, qui n'a jamais eu grand effet. Son comité de direction ne s'est d'ailleurs pas réuni depuis plus de dix ans !
On le voit bien, cela témoigne d'une volonté de reporter sur les communes riveraines du bois de Vincennes une obligation qui incombe à la Ville de Paris. Je le rappelle, cette dernière possède sur son territoire des dizaines, pour ne pas dire des centaines, d'hectares disponibles ; je pense notamment aux Batignolles, où plus de 77 hectares sont déjà disponibles. La Ville de Paris aurait pu procéder différemment.
Monsieur le ministre, le bois de Vincennes, comme le bois de Boulogne d'ailleurs, doit être intégralement réservé aux sports de plein air et aux activités de loisirs.
Une pétition lancée il y a quelques semaines a déjà réuni plus de 10 000 signatures de personnes de toutes sensibilités, qui veulent qu'on cesse de transférer au bois de Vincennes les activités dont la Ville de Paris ne veut pas. Par ailleurs, y sont notamment d'ores et déjà installés la Foire du Trône, qui occupe 15 hectares, le centre de rétention des personnes immigrées en situation irrégulière et des constructions pour accueillir des salons professionnels.
La majorité qui dirige la Ville de Paris et le ministère de l'intérieur devraient revoir la décision que j'ai évoquée puisqu'elle ne respecte pas les conditions posées par la loi. Quelles solutions préconisez-vous, monsieur le ministre, pour que la Ville de Paris respecte ses obligations légales, à savoir que la réalisation de l'aire des gens du voyage permette de favoriser l'insertion scolaire, sanitaire et économique de ces populations ? Nous comptons sur les éléments que vous allez nous communiquer pour appuyer le recours que nous avons formé, au nom de toutes les communes riveraines, contre cette décision devant le tribunal administratif de Paris !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez indiqué, la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage fixe les dispositions applicables en matière de stationnement des gens du voyage, dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.
Vous le savez, l'objectif de ce texte est d'établir un équilibre entre, d'une part, la liberté d'aller et venir et l'aspiration des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes, et d'autre part, le souci des élus locaux d'éviter des installations illicites susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et de troubler l'ordre public.
Il appartient aux collectivités locales de réaliser des aires d'accueil, obligation légale formalisée dans le schéma départemental d'accueil des gens du voyage, qui constitue le pivot du dispositif.
À cet égard, la création par la commune de Paris d'une aire d'accueil pour les gens du voyage dans le bois de Vincennes s'inscrit dans le cadre de cette obligation pesant sur les communes.
Monsieur le sénateur, la délibération que vous avez évoquée, adoptée par le Conseil de Paris lors de sa séance des 11 et 12 février 2013, a été contrôlée par les services de la préfecture de Paris. Elle n'a donné lieu à aucune observation au titre de sa légalité. Cette délibération a été adoptée dans la forme requise, et les textes visés, dont la loi du 5 juillet 2000, ont à nos yeux été correctement appliqués.
La question centrale de votre intervention concerne la localisation d'une aire d'accueil dans le bois de Vincennes et les gênes que cette dernière pourrait occasionner. Il s'agit toutefois d'une question d'opportunité, qui ne relève pas du contrôle de légalité.
Le bois de Vincennes, qui fait partie du territoire parisien, figure dans le schéma départemental d'accueil des gens du voyage. La mairie de Paris a prévu un investissement important - 4,8 millions d'euros - pour l'aménager.
L'aire d'accueil du bois de Vincennes, située dans l'Est parisien, permettrait un accès aisé aux services urbains, notamment les équipements scolaires, éducatifs, sanitaires, sociaux et culturels ainsi qu'aux différents services spécialisés. Un réseau de transports en commun - bus, métro et RER - permettra aux enfants de rejoindre les écoles de la ville de Paris dans lesquelles ils seront scolarisés.
Pour ce qui concerne les prestations sociales, celles-ci seront versées soit par la commune de rattachement, en application des articles 7 et suivants de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, soit par le centre communal d'action sociale dans le ressort territorial duquel sont installés les demandeurs.
Les communes riveraines ne seront donc pas concernées par le versement de ce type de prestations.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, tout à fait administrative et factuelle. Cependant, je suis désolé que l'on vous ait fait tenir un certain nombre de propos inexacts...
Vous évoquez la régularité de la procédure. Je vous rappelle quand même que la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages a rendu un avis défavorable, à l'unanimité ! Mais, si l'avis de cette institution nationale convoquée par le ministre - nous demandons, du reste, une nouvelle convocation de cette commission par Mme Batho - ne compte pour rien, c'est une autre histoire...
Par ailleurs, vous évoquez la proximité de transports en commun. Monsieur le ministre, je vous invite à participer à un voyage d'études sur cette question : sans vous amener très loin, il vous permettra de constater qu'il n'existe strictement aucun transport en commun à proximité ! Il faudra donc prévoir un système de navettes pour transporter les enfants matin et soir entre l'aire d'accueil et l'école.
Il me semble que vous n'avez jamais été maire. Sachez que, si vous l'aviez été, vous auriez eu beaucoup de difficultés à expliquer à vos administrés que vous envoyez les enfants à plus de cinq kilomètres, en région parisienne, le matin et le soir, à l'heure des embouteillages...
Il s'agit véritablement de faire une action sociale à peu de frais, aux dépens des autres, pour se donner bonne conscience ! Mais M. le maire de Paris ne s'en sortira pas ainsi ! Puisque le ministère de l'intérieur semble considérer la décision du Conseil de Paris comme légale, nous allons continuer à contester cette dernière et à mobiliser l'opinion, qui, dans toute la France, constate massivement que l'on touche une nouvelle fois à ses bois et que l'on y installe tout ce dont on ne veut pas dans le cœur de la ville.
Alors que Paris manque singulièrement d'espaces verts, nous allons nous battre, à l'image de ce que font les grandes capitales, comme Londres ou New York, pour rendre les espaces verts aux Parisiens !
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