Mme Catherine Procaccia attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le phénomène d'usurpation des plaques d'immatriculation.
Selon le ministère de l'intérieur, l'usurpation des plaques aurait augmenté de 73 % en un an, soit 17 479 délits en 2012.
Face aux nombreux contrôles automatiques (radars, péages, stationnement) ou pour échapper à l'obligation d'assurance, certains automobilistes se font graver des plaques dont le numéro est déjà attribué à un autre automobiliste. La victime du numéro minéralogique usurpé reçoit alors les amendes et se voit retirer des points.
Pire, la « doublette parfaite » c'est-à-dire le même numéro apposé sur le même modèle de voiture, peut avoir des conséquences financières et administratives encore plus lourdes pour la victime : elle devra non seulement prouver sa bonne-foi par des témoignages et attestations de présence mais aussi attendre qu'on lui rende justice.
Ainsi, a-t-il fallu deux ans de procédure à un automobiliste Val-de-Marnais pour faire classer sans suite 49 procès-verbaux, éviter 2 000 euros d'amende et empêcher le Trésor public de saisir ses comptes malgré l'interpellation de l'individu qui avait usurpé sa plaque. Loin d'être isolé, ce cas de figure résulte d'un vide juridique.
En effet, alors que l'article R. 317-8 du code de la route dispose que tous les véhicules doivent être équipés de plaques et que l'arrêté du 9 février 2009 fixe les caractéristiques et le mode de pose des plaques d'immatriculation des véhicules, rien n'encadre la commande de plaques.
L'acheteur n'est obligé de fournir ni le certificat d'immatriculation, ni même un titre d'identité. Le distributeur n'est pas non plus soumis à une règle de contrôle. De nombreux sites internet et certains professionnels ne demandent d'ailleurs aucune justification.
Elle lui demande les raisons de cette absence d'encadrement et de contrôle de vente des plaques d'immatriculation, pourtant source d'une délinquance routière, parfois même revendiquée sur des forums Internet.
Elle voudrait connaître ses intentions quant à une éventuelle évolution de la législation en vigueur et, notamment, quant à la mise en place d'un agrément des distributeurs qui seraient, dès lors, obligés de contrôler le certificat d'immatriculation et de tenir un registre des gravures.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, selon le ministère de l'intérieur, l'usurpation des plaques d'immatriculation de véhicules est en augmentation : près de 17 500 délits de cette nature auraient été recensés en 2012, soit une hausse assez affolante, de l'ordre de 73 % en un an.
Quels que soient les motifs de ces actes - échapper aux contrôles automatiques des radars, aux péages, aux stationnements payants ou, plus grave encore, à l'obligation d'assurance -, certains individus décident de se faire graver des plaques au numéro d'un autre automobiliste. C'est alors celui-ci qui reçoit les amendes, se voit retirer des points sur son permis et, éventuellement, subit les saisies.
Et en cas de « doublette parfaite » - c'est-à-dire si le numéro minéralogique de l'automobiliste concerné a été apposé sur une voiture de même modèle que la sienne -, les conséquences financières et administratives sont particulièrement lourdes : non seulement la victime de l'usurpation devra prouver sa bonne foi par des témoignages et des attestations de présence, mais elle devra attendre que justice lui soit rendue.
Ainsi, un automobiliste de mon département, le Val-de-Marne, a dû subir deux ans de procédures pour faire classer sans suite quarante-neuf procès-verbaux, éviter 2 000 euros d'amende et empêcher le trésor public de saisir ses comptes, alors que l'individu qui avait usurpé sa plaque d'immatriculation avait été interpellé. Ce cas, loin d'être isolé, illustre le vide juridique qui entoure les usurpations d'identité.
Alors que l'article R. 317-8 du code de la route indique que tous les véhicules à moteur doivent être équipés de plaques et que l'arrêté du 9 février 2009 précise les caractéristiques et les modalités de pose de ces plaques, je ne comprends pas pourquoi aucun texte n'encadre leur fabrication. Non seulement l'acheteur n'est obligé de fournir ni certificat d'immatriculation ni titre d'identité, mais le distributeur n'est soumis à aucun contrôle. Ainsi, de nombreux sites internet et même quelques professionnels ayant pignon sur rue n'exigent pas le moindre justificatif.
Comment expliquer l'absence d'encadrement et de contrôle de cette source de délinquance routière, parfois même revendiquée comme telle sur des forums internet ? Le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer la législation ou d'instaurer un agrément pour les distributeurs, qui seraient dès lors tenus de contrôler l'existence d'un certificat d'immatriculation et de tenir un registre des gravures ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Manuel Valls, qui m'a chargé de vous transmettre sa réponse concernant le phénomène d'usurpation des plaques d'immatriculation.
D'emblée, je précise que le cas bien particulier de l'usurpation du numéro d'immatriculation, pour lequel une procédure spécifique existe, a parfois été confondu avec le problème, aujourd'hui résolu, des verbalisations indues après la vente d'un véhicule.
Ensuite, je rappelle que le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule portant un numéro d'immatriculation attribué à un autre véhicule, qui constitue une usurpation, est un délit sévèrement sanctionné. Conformément à l'article L. 317-4-1 du code de la route, ce délit est passible de sept ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Indépendamment des poursuites pénales lancées à l'encontre des contrevenants, une procédure de changement d'immatriculation existe afin de répondre à ce type de difficultés.
Les victimes peuvent ainsi se rendre en préfecture pour demander à bénéficier d'un nouveau numéro d'immatriculation, sur présentation du dépôt de plainte effectué auprès des forces de l'ordre. Un nouveau numéro est alors attribué, sans donner lieu au paiement de la taxe régionale. Les infractions commises avec l'ancien numéro ne sont plus reprochées aux personnes dont l'immatriculation a été usurpée. Cette procédure protège les victimes d'usurpation de leur numéro d'immatriculation de toute verbalisation indue. Elle est du reste bien utilisée par nos concitoyens, comme en témoignent les 11 060 opérations de réimmatriculation faisant suite à usurpation enregistrées en 2012 dans le système d'immatriculation des véhicules.
En outre, pour contester les amendes déjà reçues, la victime d'usurpation peut déposer une requête en exonération auprès de l'officier du ministère public compétent, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quarante-cinq jours et en joignant le récépissé du dépôt de plainte. Aucun paiement de l'amende et aucune consignation ne sont nécessaires dans ce cas.
Une autre mesure protectrice a été mise en œuvre avec la saisie du champ « marque du véhicule », désormais effectuée lors de la constatation des infractions de stationnement relevées par procès-verbal électronique. Cette mesure permet de détecter une incohérence avec le champ « marque » retourné par le système d'immatriculation des véhicules et ainsi d'éviter l'envoi d'un avis de contravention au titulaire d'un certificat d'immatriculation d'un véhicule d'une autre marque dont le numéro d'immatriculation aurait été usurpé.
Pour ce qui concerne les problèmes de verbalisation indue faisant suite à la vente d'un véhicule, une difficulté s'est fait jour en 2011 : notre droit considérait que le titulaire du certificat d'immatriculation était le responsable du véhicule. De ce fait, lorsqu'une infraction était commise par un nouvel acquéreur avant qu'il n'ait procédé à la réimmatriculation du véhicule à son nom, l'ancien propriétaire pouvait être injustement sanctionné.
La loi n° 2011-1562 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles, publiée le 14 décembre 2011, a remédié à ce problème en modifiant les articles L.121-2 et L. 121-3 du code de la route. Le vendeur du véhicule n'est plus destinataire des contraventions dressées postérieurement à la cession du véhicule, quand bien même le nouvel acquéreur n'aurait pas encore procédé à la réimmatriculation du véhicule à son nom.
Les mesures ainsi prises doivent permettre de répondre aux difficultés causées aux automobilistes. Si ce sujet continue à faire l'objet d'un suivi vigilant, il ne paraît pas nécessaire à ce jour d'introduire une réglementation nouvelle concernant l'activité économique de vendeur de plaques d'immatriculation, ce qui aurait notamment pour effet d'alourdir la charge de travail des préfectures.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très complète, qui sera utile aux victimes. En effet, la possibilité d'obtenir une réimmatriculation doit être mieux connue.
Cela étant, s'il est bon de s'attacher à résoudre les problèmes des victimes, je note que le Gouvernement ne s'attaque nullement à la fraude. Or, en l'espèce, n'importe qui peut se procurer une plaque d'immatriculation sans conditions particulières. Moi-même, il y a quelques années, j'ai fait fabriquer une plaque d'immatriculation portant la date de naissance d'un ami en guise de cadeau d'anniversaire : on ne m'a pas demandé le moindre justificatif ! C'est cette situation qui pose problème.
Aujourd'hui, selon vous, les victimes seraient protégées. Je doute cependant que le trésor public renonce si facilement à envoyer des rappels tant que la procédure est en cours : j'ai cité le cas de personnes qui ont subi de graves désagréments. Si le dispositif que vous avez mentionné et qui, du reste, ne date que de 2011, offre un peu plus d'efficacité, aucune réglementation n'encadre la délivrance des plaques, et je persiste à ne pas comprendre pourquoi. Vous dites que cela constituerait une charge de travail supplémentaire pour les préfectures. Or, avec le nouveau système d'immatriculation, où le numéro du département ne figure plus qu'à titre indicatif, je ne vois pas en quoi les préfectures seraient concernées.
Je le répète, les mesures que vous avez citées sont très positives, et il faudra développer l'information en la matière. Toutefois, je regrette que les revendeurs de plaques d'immatriculation - pour qui, au demeurant, cette vente ne représente qu'une part marginale de leur chiffre d'affaires - ne fassent pas l'objet du moindre contrôle, notamment lorsque la vente se fait sur internet.
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